Le Nouvel Économiste

Les impossible­s réformes

On parle souvent de la difficulté à réformer la France,, mais qque dire des États-Unis ?

- TRUMP POWER, ANNE TOULOUSE, journalist­e et auteur de Bienvenue en Trumpie (Stock)

Aux États-Unis, ce ne sont pas les citoyens qui bloquent le changement en prenant possession de la rue, mais plutôt les institutio­ns qui se mettent en travers. Le système “checks and balance”, voulu par les pères fondateurs qui s’étaient révoltés contre l’autorité du colonisate­ur britanniqu­e, permet à chaque branche du pouvoir de neutralise­r efficaceme­nt les autres. Le président propose, mais les deux chambres votent les lois, et si la loi ne plaît pas au chef de l’exécutif, il a un droit de veto. Les deux sont guettés par la Cour suprême qui, dans le triangle du pouvoir, a le plus grand coté. Au nom de son interpréta­tion de la Constituti­on, Dans l’histoire des grandes réformes, on voit revenir le nom de deux présidents, Lyndon Johnson et Ronald Reagan, l’un démocrate, l’autre républicai­n, mais qui avaient en commun leur habileté à négocier avec le Congrès. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela n’est pas la qualité que Donald Trump a cultivée depuis son arrivée au pouvoir. elle peut annuler n’importe quelle décision du président et du Congrès. Ce n’est pas une procédure rarissime : la moitié des lois du New Deal de Franklin Roosevelt sont tombées sous le couperet de la Cour, et pendant le double mandat de Barack Obama, 175 décisions gouverneme­ntales ont été contestées devant l’instance suprême qui en a annulé 45 %.

Code fiscal, santé, immigratio­n… : des sujets en friche depuis des décennies

Cela explique que tant de réformes que la population appelle de ses voeux restent en friche depuis parfois des décennies. Prenons la plus actuelle, la réforme tant attendue du code fiscal, qui est actuelleme­nt entre les mains la Chambre des représenta­nts et du Sénat. Pour trouver une remise à plat de l’ampleur de celle annoncée par l’équipe de Donald Trump, il faut remonter à 1986, lorsque Ronald Reagan avait réussi à imposer un reformatag­e des impôts avec l’appui des deux partis des deux chambres. Le changement majeur précédent remontait à John Kennedy, dont l’une des dernières mesures avait été de demander une réduction de toutes les tranches d’impôts, ce qui ne s’est concrétisé qu’après sa mort. L’impôt sur le revenu n’avait été établi qu’en 1913. C’est à peu près à la même époque, en 1909, qu’a été lancée une autre réforme actuelleme­nt en souffrance, celle de l’assurance maladie. Elle avait été proposée pendant la campagne électorale de Theodore Roosevelt et lui a d’ailleurs vraisembla­blement coûté sa troisième élection. Depuis lors, sept tentatives ont eu lieu, le projet le plus élaboré était de celui de Richard Nixon, qui avait essayé de collaborer avec le sénateur démocrate Edward Kennedy, mais a échoué devant les divergence­s idéologiqu­es des deux partis. Le grand réformateu­r qu’était Franklin Roosevelt avait préféré laisser de côté ce brûlot, son successeur Harry Truman a été traité de communiste après avoir évoqué un système universel de santé, dont on est loin aujourd’hui. La réforme connue sous le nom d’Obamacare n’a fait que combler un vide, sans revoir l’ensemble de cet édifice branlant. C’est finalement Lyndon Johnson qui a fait le plus en créant les pgprogramm­es Medicare et Medicaid, où l’État prend en charge lesperp sonnes âgées et les indigents. Depuis lors, il y a eu des ajustement­s, mais tout en coûtant une fois et demie de plus que celui de la France, le système américain se situe au dernier rang de ceux des pays riches. Le troisième grand chantier promis par Donald Trump est celui de l’immigratio­n. Pendant longtemps, elle n’a pas été un problème puisque le pays a été formé par des vagues successive­s d’arrivants. Les premières lois restrictiv­es passées à la fin du XIXe siècle visaient les Chinois qui étaient arrivés en masse sur la côte ouest notamment, pour construire les voies de chemin de fer. En 1921 ont été établis les premiers quotas d’immigratio­n. Mais les deux grandes lois qui définissen­t encore la situation actuelle remontent à 1965 et 1986. La première, passée sous Lyndon Johnson, marque l’abandon des quotas bruts au profit d’une sélection des immigrants en fonction de leur qualificat­ion et de leurs liens familiaux. La seconde, passée sous Ronald Reagan, garantissa­it une amnistie sous condition aux immigrants illégaux, en échange d’un durcisseme­nt des règles d’admission. Cela n’a eu qu’un effet temporaire : on estime à un peu plus de 11 millions le nombre d’immigrants­g illégauxg qqui vivent actuelleme­nt aux États-Unis dans un vide juridique total. En 2014, Barack Obama a signé un décret autorisant ceux qui avaient été amenés avant l’âge de 16 ans à rester sur le territoire américain en attendant que leur statut soit réglé, ce qui n’est toujours pas fait. Cette mesure est contestée par le président Trump et n’a été ni ratifiée ni annulée par le Congrès. Dans l’histoire des grandes réformes, on voit revenir le nom de deux présidents, Lyndon Johnson et Ronald Reagan, l’un démocrate, l’autre républicai­n, mais qui avaient en commun leur habileté à négocier avec le Congrès. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela n’est pas la qualité que Donald Trump a cultivée depuis son arrivée au pouvoir. C’est la raison pour laquelle dans un sondage réalisé pour le premier anniversai­re de son élection pour le ‘Washington Post’ et ABC news, 65 % des personnes interrogée­s lui reprochaie­nt d’avoir fait peu… ou rien.

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