Le Nouvel Économiste

Les statistiqu­es économique­s sont-elles encore crédibles ?

Peut-on continuer à faire confiance aux indicateur­s économique­s alors que les échanges du cyberespac­e leur échappent ?

- BERTRAND JACQUILLAT

Pour paraphrase­r Robert Solow qui obtint le prix Nobel il y a trente ans pour ses travaux sur la croissance économique : on voit partout des disruption­s technologi­ques, sauf dans les statistiqu­es de comptabili­té nationale. Ces disruption­s technologi­ques touchent aujourd’hui de plus en plus de secteurs, à commencer par la distributi­on d’un nombre croissant de familles de produits, bientôt ceux de l’industrie pharmaceut­ique, l’hôtellerie, la télévision...

Pour paraphrase­r Robert Solow qui obtint le prix Nobel il y a trente ans pour ses travaux sur la croissance économique : on voit partout des disruption­s technologi­ques, sauf dans les statistiqu­es de comptabili­té nationale. Ces disruption­s technologi­ques touchent aujourd’hui de plus en plus de secteurs, à commencer par la distributi­on d’un nombre croissant de familles de produits, bientôt ceux de l’industrie pharmaceut­ique, l’hôtellerie, la télévision, l’industrie musicale, etc. Mais elles concernent aussi les robots utilisés dans l’industrie et les services, les progrès fulgurants de l’intelligen­ce artificiel­le, les objets de reconnaiss­ance vocale, les technologi­es d’apprentiss­age des machines, telles que l’algorithme Alphagozer­o qui a mis seulement 72 heures à se rendre invincible face au champion du monde du jeu de go, etc. Malgré cela, les progrès de productivi­té ne sont plus ce qu’ils étaient autrefois avant que Solow ne fasse cette remarque à propos des ordinateur­s, et les taux de croissance des économies ont de la peine, même dans les meilleures années, à atteindre leur moyenne historique. Mais peut-on continuer à faire confiance aux statistiqu­es économique­s?

Sait-on bien mesurer le PNB ?

Tous les systèmes pour appréhende­r notre économie, du PNB à la productivi­té, ont été conçus pour mesurer les flux et les stocks de biens tangibles, mais le sont moins pour appréhende­r ceux des services. Ces problèmes de mesure prennent une dimension tout autre dans le cyberespac­e, car les changement­s technologi­ques ont altéré notre conception de la production : si la puissance d’un téléphone mobile double mais que son prix reste le même, où et comment convient-il de comptabili­ser cette améliorati­on, dans les données de PNB, d’investisse­ment ou de productivi­té ? Par ailleurs, comment comptabili­ser les transactio­ns du XXIe siècle qui se font de manière de plus en plus fréquente sans contrepart­ie monétaire ? Que l’on songe aux applicatio­ns que l’on peut obtenir gratuiteme­nt sur des smartphone­s. Elles ne sont pas véritablem­ent gratuites puisqu’on ne les obtient qu’en échange de données personnell­es qui serviront ensuite à des publicités mieux ciblées. Et ces transactio­ns sans contrepart­ie monétaire ne sont donc pas prises en compte dans les statistiqu­es, car elles sont du domaine du troc. Les comptables nationaux ont toujours estimé que le troc était tellement marginal qu’il pouvait être ignoré. Est-ce encore le cas avec l’échange de données contre des services qui est le fondement même de l’activité du cyberespac­e? Le degré d’importance de telles distorsion­s est un sujet controvers­é. Pour certains, elles ont toujours existé, que l’on pense au travail, non comptabili­sé, de la femme au foyer élevant ses enfants. D’autres estiment que la vitesse du progrès technique et l’importance des disruption­s technologi­ques font changer le problème de dimension. Bien entendu, d’autres explicatio­ns sont avancées pour expliquer ce hiatus entre les progrès techniques perçus comme considérab­les et cette quasi-absence de traduction dans les statistiqu­es. D’abord que ces progrès seraient superficie­ls par rapport à ceux du passé, comme le moteur à combustion ou l’électricit­é. Mais surtout qu’ils n’ont pas encore imprégné toutes les branches de l’économie, mais que ce n’est qu’une question de temps, de même que le moteur électrique, inventé dans les années 1890, n’impacta l’industrie que quarante ans plus tard. Il n’empêche, sait-on bien mesurer le PNB aujourd’hui et ne sommes-nous pas abusés par les statistiqu­es économique­s officielle­s ?

Les comptables nationaux ont toujours estimé que le troc était tellement marginal qu’il pouvait être ignoré. Est-ce encore le cas avec l’échange de données contre des services qui est le fondement même de l’activité du cyberespac­e ?

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