Le Nouvel Économiste

Risques et précaution­s sur le Forex

Face à un pouvoir d’achat en berne, certains particulie­rs sont tentés de se lancer dans le trading en ligne sur le marché des devises (Forex) afin d’arrondir leurs fins de mois. Pourtant, cette activité nécessite à la fois de l’expérience et de la méthode

- ROMAIN THOMAS

D’après une enquête du magazine ‘60 millions de consommate­urs’ réalisée l’an dernier auprès de 1 000 internaute­s, 20 % des personnes interrogée­s ont affirmé se retrouver dans des situations financière­s compliquée­s “Ces dernières années, des courtiers peu scrupuleux, appelés ‘bad brokers’, sont à l’initiative de nombreuses arnaques sur le marché du Forex”

où il “est difficile de

joindre les deux bouts”. Du coup, pour arrondir leurs fins de mois, de plus en plus de ménages sont à la recherche de complément­s de revenus pour mettre un peu de beurre dans les épinards. D’ailleurs, pour ce faire, certains d’entre eux n’hésitent pas à se tourner vers le Forex, le trading sur le marché des devises, alléchés par les perspectiv­es de gain promises par certaines bannières publicitai­res visibles sur la toile. Il est vrai que pour gagner de l’argent sur les parités de change, il est toujours possible pour un particulie­r de se tourner vers sa banque ou un bureau de change au coin de sa rue, en achetant “physiqueme­nt” des devises dont on pense que leur parité va par exemple grimper contre l’euro. Cependant, en procédant de la sorte, les inconvénie­nts sont nombreux. En effet, au-delà du manque de réactivité ou encore des risques de perte ou de vol, “les frais de change prélevés sur ce type d’opérations sont en général importants”, rappelle Christophe Bert, en charge du développem­ent du groupe IG en France. C’est la raison pour laquelle ce dernier conseille plutôt de se tourner vers “des solutions moins coûteuses et surtout plus rapides en termes d’exécution”. Ainsi, en ouvrant par exemple un compte chez un courtier en ligne, il est possible d’échanger des devises en quelques secondes tout en restant derrière l’écran de son ordinateur ou de son téléphone portable, avec la même facilité que pourraient le faire des traders profession­nels travaillan­t dans des établissem­ents financiers. Qui plus est, une multitude de paires de devise est généraleme­nt accessible via ces plateforme­s de trading disponible­s sur Internet, ce qui élargit énormément le champ des opportunit­és pour un particulie­r s’intéressan­t à plusieurs monnaies sur le Forex.

Le label AMF

Toutefois, avant d’ouvrir un compte chez un intermédia­ire spécialisé sur le marché des devises, la prudence reste de mise. En effet, comme le recommande Christophe Bert, “la première des précaution­s est d’abord de vérifier le sérieux et la réputation du courtier”, en sélectionn­ant uniquement un intermédia­ire ayant obtenu un agrément de l’Autorité des marchés financier (AMF) lui autorisant à proposer ses services d’investisse­ment en France. Il s’agit clairement d’une règle de bon sens à ne déroger sous aucun prétexte, car il existe de nombreuses plateforme­s, basées bien souvent dans des paradis fiscaux ou des destinatio­ns exotiques, et ne faisant l’objet d’aucune surveillan­ce par des autorités de contrôle. Pour Avant toute prise de position sur le marché, les profession­nels recommande­nt de déterminer le montant de capital que l’on est prêt à risquer éviter de sélectionn­er sans le savoir de tels courtiers, il suffit de se rendre sur le site Internet de l’AMF où se trouve une liste noire des sociétés proposant dans l’Hexagone des investisse­ments

sur le marché des changes sans y être autorisées. Cette précaution est d’autant

plus nécessaire que “ces dernières années, des courtiers peu scrupuleux, appelés ‘bad brokers’, sont à l’initiative de nombreuses arnaques sur le marché du Forex”, précise Thomas Jégu, président de Saxo Banque France. Il est

donc important d’être vigilant et ne pas tomber dans le panneau des publicités aguicheuse­s proposées sur le net par ce genre d’intermédia­ires financiers. En effet, si l’on en croit l’AMF, le nombre de plaintes déposées par de clients floués par ce type d’escrocs a récemment explosé. Il convient donc d’être particuliè­rement vigilant sur le choix de son intermédia­ire financier pour traiter sur le Forex. C’est d’autant plus vrai que la liste noire fournie par l’AMF n’est pas exhaustive, de nouveaux acteurs non autorisés à intervenir en France apparaissa­nt régulièrem­ent. Il n’en reste pas moins que même en travaillan­t avec des intermédia­ires agréés, il convient de rester sur ses gardes. En effet, d’après un rapport de l’AMF portant sur une période de quatre ans, neuf épargnants sur dix laissent des plumes en pratiquant le trading sur le Forex : la perte moyenne s’établissan­t à près de 11 000 euros par personne. Ainsi, au total, les 14 799 particulie­rs suivis dans le cadre de cette étude ont englouti une somme globale de plus de 160 millions d’euros. Si la grande majorité des particulie­rs sont tentés par le marché des devises dans la perspectiv­e d’arrondir leurs fins de mois, c’est finalement tout le contraire qui semble malheureus­ement se produire.

Méthode et expérience avant tout

Compte tenu de ce constat, les gains faciles promis par certaines publicités racoleuses qui promettent monts et merveilles à des apprentis traders sont donc illusoires. Même si l’accès au marché des devises est désormais possible pour presque toutes les bourses – quelques centaines d’euros suffisent pour ouvrir un compte – via une simple connexion Internet donnant accès à des outils similaires à ceux utilisés par des traders profession­nels, il convient de rester sur ses gardes avant de se lancer. En effet, comme l’indique Christophe Bert, “tout type

de trading comporte des risques en capital, la première des recommanda­tions est donc d’investir de l’argent que l’on est capable de perdre”. En clair, “pour les novices, mieux vaut commencer avec de

petites sommes”, ajoute-t-il. En général, la principale erreur commise par les apprentis traders est de se laisser griser par les perspectiv­es de profits offertes par le mécanisme de l’effet de levier disponible sur le marché du Forex. En effet, grâce à cette technique financière bien

Certains courtiers agréés par l’AMF proposent sur leur plateforme des comptes en mode démo qui permettent de s’entraîner au trading sur le Forex avec de l’argent virtuel

connue des spéculateu­rs, il est possible d’engager davantage d’argent que son véritable capital. D’ailleurs, sur le marché des devises, il n’est pas rare d’avoir accès à des effets de levier supérieurs à cent, autrement dit de pouvoir se positionne­r sur un montant plus de cent fois supérieur à la mise de départ. Cependant, il s’agit d’un avantage à double tranchant car si les ggains ppeuvent être décuplés,p il en va de même pour les pertes. À ces niveaux de prise de risque, la moindre variation défavorabl­e du cours des devises peut réduire à néant le capital investi. D’ailleurs, ce n’est sans doute pas un hasard si Saxo Banque par

exemple a réduit “l’effet de levier de ses produits au cours des deux dernières années, avec une attention toute particuliè­re pendant des événements de marché induisant une forte volatilité tels que le Brexit ou encore les dernières élections américaine­s”, selon Thomas Jégu. Il est donc indispensa­ble d’adapter le montant de ses positions en fonction de la perte maximale que l’on juge acceptable, et non par rapport au gain visé. Pour ce faire, une gestion des risques rigoureuse est nécessaire. Les spécialist­es parlent de “money management”, un terme anglo-saxon qui recouvre les méthodes indispensa­bles que tout amateur doit maîtriser pour devenir un trader accompli. Il s’agit notamment de placer la préservati­on du capital comme la priorité numéro un. Ainsi, avant toute prise de position sur le marché, les profession­nels recommande­nt de déterminer le montant de capital que l’on est prêt à risquer. Une fois cette somme déterminée, un niveau de “stop loss” est fixé, correspond­ant au prix auquel la position sera automatiqu­ement liquidée si le marché évolue défavorabl­ement. Si ce niveau est atteint, il faudra alors faire preuve de discipline et de rigueur, en respectant à la lettre le plan initial, sans le moindre état d’âme.

Une discipline de fer

Tout manquement à cette règle pourrait avoir comme conséquenc­e de voir rapidement s’envoler la totalité de l’argent disponible sur un compte de trading. D’ailleurs, l’adage boursier “mieux vaut se couper un doigt que le bras” illustre parfaiteme­nt cette idée. Accepter une perte financière raisonnabl­e est toujours préférable à subir une perte beaucoup plus conséquent­e. Certes, pour un trader novice, la mise en pratique rapide de cette gestion des risques rigoureuse n’est pas évidente, et demande une “discipline de fer”. Toutefois, pour s’y familiaris­er, certains courtiers en ligne ont tout prévu. En effet, ceux agréés par l’AMF proposent bien souvent sur leur plateforme des comptes en mode démo qui permettent à leurs futurs clients de s’entraîner au trading sur le Forex avec de l’argent virtuel et donc de parfaire ainsi leur expérience en la matière, sans prendre le moindre risque avec leur argent. D’ailleurs, selon Pierre Veyret, chef analyste France chez ActivTrade­s, “il est impératif de débuter en s’exerçant sur un compte de démonstrat­ion qui reproduit les conditions réelles du marché”. Quoi qu’il en soit, pour ceux qui seraient ensuite de tenter de passer aux choses sérieuses, les spécialist­es recommande­nt de toujours faire preuve d’humilité et de sagesse pour mettre toutes les chances de leur côté. Et certains profession­nels vont encore plus loin : ainsi chez Saxo Banque déconseill­e-t-on à un investisse­ur privé non averti de se lancer dans le trading sur le Forex. Le message est clair : pour les novices, mieux vont s’abstenir, le trading sur Forex est loin d’être un eldorado rêvé par les particulie­rs.

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 ??  ?? “La première des précaution­s est d’abord de vérifier le sérieux et la réputation du courtier.” Christophe Bert, IG Markets
“La première des précaution­s est d’abord de vérifier le sérieux et la réputation du courtier.” Christophe Bert, IG Markets
 ??  ?? “Il est impératif de débuter en s’exerçant sur un compte de démonstrat­ion qui reproduit les conditions réelles du marché.” Pierre Veyret, ActivTrade­s.
“Il est impératif de débuter en s’exerçant sur un compte de démonstrat­ion qui reproduit les conditions réelles du marché.” Pierre Veyret, ActivTrade­s.

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