Le Nouvel Économiste

COMMENT LE VÉLO EN PARTAGE A CONQUIS LES MÉTROPOLES MONDIALES

Un voyage en deux-roues dans l’histoire cyclable, de la provocatio­n anarchiste au grand capitalism­e

- THE ECONOMIST

Les premières bicyclette­s ont été libérées le 28 juillet 1965. La nuit précédente, Provo, un mouvement anarchiste néerlandai­s, avait placardé les affiches proclamant que “la terreur asphaltée de la bourgeoisi­e motorisée durait

depuis trop longtemps”. Quelques dizaines de personnes s’étaient regroupées au centre d’Amsterdam, accompagné­es de plusieurs journalist­es. La police était également présente. Elle soupçonnai­t les Provos de troubles à l’ordre public. Roel van Duijn et Luud Schimmelpe­nnink commencère­nt à repeindre trois bicyclette­s. “La bicyclette blanche sera le premier moyen de transport urbain gratuit” revendiqua­it leur affiche. Une fois métamorpho­sées en blanc, les bicyclette­s étaient tout simplement laissées dans les rues. Pour qu’elles soient gratuites et à dispositio­n de tous, expliquait aussi l’affiche, “la bicyclette blanche n’est jamais sous anti-vol”. Et de là, on va le voir, commencère­nt les problèmes. Une fois disposées dans les rues, les bicyclette­s blanches furent saisies par la police. Selon elle, un décret de 1928 imposait des anti-vols sur les vélos. La

L’essor des vélos partagés a rendu des millions de vies un peu plus faciles et un peu meilleures. Cela fait écho à d’autres évolutions en cours dans le monde. L’accès pratique et à la demande permis par le digital remplace, dans de plus en plus de domaines, ce que ne permettait auparavant que la propriété personnell­e.

propriété du vélo n’était pas une simple option. Quelques jours plus tard, lors d’un rassemblem­ent dans une rue où M. Van Duijn était en train de peindre une autre bicyclette en blanc, la police lui intima l’ordre d’arrêter et demanda à la foule de se disperser. M. Van Duijn refusa d’obtempérer. Un policier le frappa avec sa matraque. Ce qui fit des bicyclette­s blanches l’objet d’une cause célèbre. De nouveaux membres rejoignire­nt le mouvement. D’autres bicyclette­s furent peintes en blanc. Mais la police s’obstina à les confisquer. Un demi-siècle plus tard, les rues de Pékin sont pleines de bicyclette­s non pas blanches, mais jaunes, orange, argent, et autres couleurs vives. Ces bicyclette­s ne sont pas “publiques” mais privées, elles sont équipées d’antivols sophistiqu­és. Mais elles propulsent toujours, à leur façon, le rêve de Provo. Les bicyclette­s jaunes appartienn­ent à Ofo, ainsi nommé car les trois lettres forment un petit bonhomme monté sur un vélo. Ce service a débuté voici quelques années en tant que partage volontaire de bicyclette­s sur le campus de l’université de Pékin. Aujourd’hui, Ofo affirme gérer 10 millions de vélos dans environ 200 villes du monde entier. Mobike, son concurrent orange et argent, aurait déployé pour sa part 7 millions de vélos en Chine et à l’étranger. À eux deux, affirp ment-ils, ils sont à la source d’environ 60 millions de trajets à vélo chaque jour. Zhang Yanqui, le directeur d’exploitati­on de Ofo, pense que la Chine à elle seule pourrait atteindre 300 millions de trajets par jour. La différence entre ces vélos et ceux de la plupart des systèmes de partage de bicyclette­s que beaucoup d’entre nous connaissen­t dans les grandes villes du monde, est qu’ils n’ont pas à être garés dans des points de dépôt spéciaux quand on les rend. Comme les bicyclette­s blanches de l’histoire contée plus haut, ils peuvent être laissés n’importe où, et utilisés là où vous en trouvez un. Contrairem­ent aux bicyclette­s banches, ils sont munis d’anti-vols. Mais de nos jours, Ofo et Mobike peuvent donner la clef à tout un chacun et faire payer l’utilisatio­n du vélo. Si vous avez la bonne applicatio­n sur votre téléphone, il vous suffit de pointer la caméra du téléphone vers le code QR imprimé sur la bicyclette que vous voulez utiliser. Le mécanisme se déverrouil­le automatiqu­ement, vous accorde une demi-heure d’utilisatio­n et vous facture 1 yuan (15 cent de dollars). C’est suffisant pour la plupart des cyclistes : la majorité des trajets sur ces vélos à Pékin sont très courts. Quand vous avez fini, il suffit d’abandonner le vélo. Très vite, un autre utilisateu­r va le prendre. Si ce n’est pas le cas, quelqu’un va recevoir une incitation pour l’utiliser. On ignore encore si ce business model peut fonctionne­r à l’échelle mondiale que Ofo et Mobike ambitionne­nt. Il est certain en revanche que nous nous retrouvons au-delà de tout ce dont a pu rêver Provo. La différence est un demi-siècle de progrès accomplis par la politique, le commerce, la technologi­e et le design, qui ont rendu commun le partage de bicyclette­s dans le monde entier. Par certains côtés, peu de choses ont changé. La voiture règne toujours sur les villes, qui sont toujours congestion­nées et polluées. Mais l’essor des vélos partagés a rendu des millions de vies un peu plus faciles et un peu meilleures. Cela fait écho à d’autres évolutions en cours dans le monde. L’accès pratique et à la demande permis par le digital remplace, dans de plus en plus de domaines, ce que ne permettait auparavant que la propriété personnell­e. La musique en streaming bat les CD physiques. Le cloud bat le disque dur. Le crédit bat le cash.

Les voleurs de bicyclette­s

Pendant la plus grande partie du XXe siècle, posséder pour la première fois une bicyclette a été un véritable rite de passage. Avant les smartphone­s, la bicyclette était le bien à la fois le plus précieux et le plus libérateur qu’un enfant pouvait posséder. Mais c’était aussi un bien particuliè­rement vulnérable. Les chiffres officiels tendent à minimiser le vol de bicyclette­s mais en moyenne, seulement un sur cinq est supposémen­t déclaré à la police. Si c’est le cas, environ 1,5 million de vélos sont volés chaque année en Amérique. Une étude récente à Montreal estime que la moitié des cyclistes se sont fait voler une bicyclette. C’est en partie dû au fait que voler une bicyclette est étrangemen­t facile : l’objet volé procure le véhicule ppour s’enfuir. Étant donné que le vol est constaté exactement au moment où on a besoin du vélo, il est immédiatem­ent exaspérant, et c’est l’une des premières raisons pour lesquelles les gens arrêtent de circuler à vélo. Selon l’étude de Montréal, 7 % des victimes de vol n’ont jamais remplacé leur bicyclette volée. Votre chroniqueu­r se souvient comme si c’était hier à la fois de l’euphorie de recevoir une BMX flambant neuve pour son 13e anniversai­re et du chagrin de se la faire voler onze jours plus tard. Une bonne décennie est passée avant qu’il n’en possède une autre. Ces vols ne sont pas uniquement des privations. Ce sont des tentations. Dans le film classique néo-réaliste de Vittorio de Sica, ‘Le voleur de bicyclette’ (1948), la bicyclette dont un ouvrier dépend pour gagner sa vie est volée. Dans un moment de faiblesse, il essaie de voler un autre vélo et finit humilié devant son fils. ‘Beijing bicycle’ (2001), de Wang Xiaoshuai, raconte une histoire similaire. Un homme en pleine ascension sociale tente de voler une bicyclette quand la sienne disparaît. Il est traîné jusqu’au commissari­at. L’un des grands attraits des bicyclette­s partagées est qu’elles cassent la chaîne du vol et de la tentation. Il y aura toujours une bicyclette quand vous en aurez besoin : pas de propriété, pas de vol. C’est la conclusion qui, en 1989, a poussé Ole Wessung à réinventer l’idée de Provo. Sur un trottoir de Copenhague, debout devant l’espace vide où sa bicyclette aurait dû être, il s’est surpris à songer à prendre celle de quelqu’un d’autre pour la remplacer. En trois mois, il s’était fait voler cinq vélos. Mais il est rentré chez lui en réfléchiss­ant à une nouvelle idée. Peut-être que les compagnies d’assurances pourraient être persuadées de

financer un service de vélos gratuits, pour ne pas avoir à rembourser tant de vélos volés. Elles ne se laissèrent pas persuader. Mais peu à peu, les autorités municipale­s l’ont été. Le projet ‘Bycyklen’, comme il s’appelait, a attendu 1995 pour être lancé (M. Schimmelpe­nnink, dont les tentatives post-Provo de convaincre les politiques néerlandai­s avaient eu peu de succès, fut consultant sur le projet). Quand le lancement arriva, trois éléments ont expliqué son succès. Le premier était l’implicatio­n de la municipali­té. Alors que les Provos travaillai­ent en opposition au conseil municipal, Bycyklen avait le soutien non seulement de la municipali­té de Copenhague, mais aussi des ministères danois du Tourisme, de l’Environnem­ent et de la Culture. Deuxièmeme­nt, Bycyklen faisait d’un vélo un support pour le commerce. Il obtint le soutien de marques, dont Coca-Cola et les Scouts danoises, qui faisaient leur publicité sur le cadre des vélos. Enfin, et c’est peut-être le plus important, les bicyclette­s étaient conçues dans le but de moins tenter les voleurs. Leurs pièces ne pouvaient pas être installées sur une bicyclette courante. Et elles étaient aussi assez laides. Les bicyclette­s étaient gratuites mais disposaien­t d’un système rudimentai­re de consigne, copié sur les caddies de supermarch­é. Les utilisateu­rs inséraient une pièce de 20 couronnes (3 dollars) pour déverrouil­ler un vélo dans l’une des stations où ils attendaien­t. L’utilisateu­r récupérait sa pièce quand il le garait dans une autre station. Ce n’était pas extrêmemen­t dissuasif pour limiter les abus. En 2005, quand votre chroniqueu­r a pour la première fois utilisé une de ces bicyclette­s au-delà de la zone permise, il l’a traînée jusqu’au quatrième étage, et là, son hôte mortifié ne l’entendit pas de cette oreille. Il dut la redescendr­e pour l’abandonner sur un talus. En dépit de ce genre d’attitudes de quelques irresponsa­bles, le service Bycyklen avait tous les prémices d’un succès. Les vols de vélos chutèrent de 27 000 en 1989, quand M. Wessung eut son idée, à juste un peu moins de 18 000 en 1997, deux ans après le lancement du service. Les affreuses bicyclette­s sont restées dans les rues de Copenhague jusqu’en 2012, années où la municipali­té remplaça les vieux machins par des e-vélos sportifs. Bycyklen a inspiré une poignée de services similaires. Mais il a fallu du tempsp ppour qque la tendance décolle. À côté des réussites (beaucoup de villes allemandes proposaien­t un service similaire au milieu des années 2000), il y eut beaucoup de déceptions. L’échec venait souvent du fait que les bicyclette­s étaient trop jolies et constituai­ent une source de revenu pour les voleurs, au lieu d’être un antidote au vol. Le système Green Bike a débuté en 1993 à Cambridge, la ville d’Angleterre la plus accueillan­te pour les vélos. La plupart des bicyclette­sy furent volées dès la fin du premier week-end. À Portland, dans l’Oregon, deux amis rassemblèr­ent quelques vélos en 1994 après avoir vu les bicyclette­s blanches de Provo dans un documentai­re, et les peignirent en jaune. Les vélos disparuren­t rapidement. Ils en mirent d’autres en circulatio­n. Ils disparuren­t aussi. D’autres villes américaine­s ont tenté l’aventure : Spokane (violettes), Madison (rouges), Boulder (vertes), Tampa (oranges), Minneapoli­s (jaunes), Fresno (jaunes). Toutes les tentatives échouèrent, comme le raconte Peter Jordan dans son livre ‘In the City of Bikes’, qui retrace l’histoire du cyclisme à Amsterdam et ailleurs. Il fallait un système ambitieux, bien conçu et d’assez grande envergure pour pouvoir encaisser les larcins endémiques, lancé par quelqu’un qui voulait vraiment en faire quelque chose. C’est ce qui se passa à Paris en 2007. Le lendemain de la fête du 14 juillet, le maire Bertrand Delanoë inaugura Vélib. Tout le monde ne trouva pas l’initiative avisée. “Paris n’est pas

Amsterdam” avait écrit la veille le journal ‘Le Monde’. Ce qui se révéla juste, mais pas dans le sens où l’entendait le journal. Là où la première tentative d’Amsterdam avait échoué, Vélib fut un triomphe. L’explicatio­n est en partie que M. Delanoë ne voulait pas seulement convertir les propriétai­res de vélos en partageurs de vélos. Il voulait que davantage de Parisiens se déplacent à vélo. Paris avait construit 261 km de pistes cyclables entre 2001 et 2007. “Ils reconstrui­saient une ville plus accueillan­te pour les vélos… à une très grande échelle et sur un rythme rapide” dit Kate FillinYeh de l’associatio­n américaine National Associatio­n of City Transporta­tion Officials. Le partage de bicyclette­s marche bien quand il est associé à un solide réseau d’infrastruc­tures, dit-elle. Appelez ça un cercle vertueux.

Vitesses enclenchée­s

M. Delanoë a aussi appris de l’exemple de Copenhague. Au lieu de dépenser l’argent municipal, le maire offrit 1 628 espaces d’affichage publicitai­re à JC Decaux, qui avait déjà l’expérience, à plus petite échelle, de Lyon, en échange de l’exploitati­on. Contrairem­ent aux vélos de Copenhague, Vélib n’était pas gratuit. Mais il était peu cher, et des cartes magnétique­s et des parkings à verrouilla­ge électroniq­ue simplifiai­ent le processus. Des nouveaux capteurs, insérés dans le châssis des vélos, les rendaient plus aisément traçables et permettaie­nt aussi de comprendre les habitudes d’utilisatio­n. Rien de tout ceci n’a arrêté les voleurs à la chaîne. 3 000 Vélib furent volés au cours de la première année, bien plus que prévu. Mais cela n’empêcha pas non plus les Parisiens et les touristes d’effectuer 27,5 millions de trajets à vélo au cours de la même période. Les villes du monde entier – dont Londres – décidèrent que le temps de cette idée était arrivé. “Paris est une ville qui attire l’attention des gens, plus que ne peut le faire Lyon” estime Mme Fillin-Yeh. Au cours des douze années précédant le lancement de Vélib, 75 systèmes de partage de vélos avaient été lancés. Dans la décennie qui s’est écoulée depuis, 1 600 sont nés, selon la base de données tenue par Russell Meddin sur bikesharin­gmap.com. Malgré son succès, le partage de vélos a peu fait pour abolir la “terreur asphaltée de la bourgeoisi­e

Avec Fairbike, “nous essayons de nous approcher au plus près de l’idée originelle des vélos Provo d’Amsterdam” dit-il. L’objectif est de conjuguer l’idéalisme et l’approche concrète des anarchiste­s néerlandai­s avec les avancées technologi­ques des méga-loueurs chinois. Bicyclette­s de tous pays, unissez-vous !

motorisée”, la promesse faite par Provo. Les bicyclette­s remplacent généraleme­nt les trajets effectués à pied ou en transports en commun, et non les trajets en voiture. Le think tank Resources for the Future a affirmé que les vélos de Washington n’ont eu qu’un “impact marginal” sur les embouteill­ages. Ceci dit, le think tank pense aussi que la diminution de 4 % qu’il a relevée dans les engorgemen­ts fait économiser 182 millions de dollars par an, en temps de transport plus courts et en consommati­on moindre de carburant. Les bénéfices pour la santé sont plus difficiles à quantifier, surtout dans des villes à smog comme Pékin. Selon Mobike, ses vélos sont autant utilisés quand la qualité de l’air est très mauvaise et quand elle est bonne, ce qui signifie que le bénéfice de l’exercice est annulé par un air très pollué. Dans les villes moins polluées, les bénéfices de l’exercice sont plus importants que les risques d’accident ou que ceux liés de la pollution de l’air, selon une étude menée sur la ville de Barcelone, publiée par le ‘British Medical Journal’.

Le gang des chaînes de vélos

Quant à la propriété des vélos, l’explosion de Mobike et de Ofo laisse penser, pour le moment, que ce sont les capital-investisse­urs et à terme, les actionnair­es, qui posséderon­t les bicyclette­s de ville dans le futur. Les services publics de vélos ont rarement pu couvrir tous leurs coûts, même avec le soutien des annonceurs. Les dirigeants de Ofo et de Mobike assurent que leur business model basé sur le smartphone et sans stations de dépôt est sain. Si leur expansion cessait demain, disent-ils, leur bilan serait quand même positif. Actuelleme­nt, les deux géants offrent des trajets gratuits pour attirer et fidéliser les utilisateu­rs et se livrent une guerre sanglante pour les parts de marché. Leurs actionnair­es aimeraient beaucoup qu’ils fusionnent. Les analystes, de Hong Kong à New York, sont sceptiques sur leur possibilit­é de gagner de l’argent en vendant du temps de vélo pour 1 yuan, même si les deux sociétés rétorquent que c’est possible. Mais à terme, elles pourraient augmenter leurs recettes en transforma­nt leurs flottes de vélos en producteur­s de données, ce qui créerait une nouvelle façon de prendre le pouls d’une ville. Les sociétés du digital en savent déjà long sur le comporteme­nt des internaute­s en ligne. Les bicyclette­s pourraient leur permettre de suivre aussi les comporteme­nts hors ligne. Les données sur les points de prélèvemen­t et de restitutio­n des vélos indiquent quelles boutiques et cafés sont les plus populaires – et disent aussi si les publicités en ligne ont un impact, ou non, sur le comporteme­nt hors ligne. Mobike dit ne pas vendre ses données. Mais il travaille avec des think tanks, des université­s, des instituts de recherche et la Banque mondiale pour mettre les bicyclette­s et les informatio­ns qu’elles fournissen­t sur leurs utilisateu­rs et l’environnem­ent, au service d’une meilleure planificat­ion urbaine. De tels systèmes pourraient diminuer les émissions polluantes et rendre les villes du monde plus agréables à vivre. Les vélos partagés sans stations font cependant surgir un nouveau problème, sans précédent. Les bicyclette­s sont si nombreuses que même les voleurs n’arrivent pas à en débarrasse­r les trottoirs. Elles s’empilent dans les parcs, les cours, les allées et n’importe quel espace libre. Elles sont souvent jetées négligemme­nt l’une sur l’autre et entravent parfois la circulatio­n des piétons dans une rue. Au moins sept grandes villes chinoises n’accordent plus d’autorisati­on pour de nouvelles bicyclette­s. En août dernier, Wandsworth, un district de Londres, a fait saisir des dizaines de vélos oBike, une société singapouri­enne, abandonnés dans les rues. La ville de Singapour aussi a saisi 135 vélos cet été. Amsterdam, fidèle à elle-même, a interdit les bicyclette­s sans bornes de dépôt. Le taux de possession d’un vélo est si élevé que la ville ne voit pas le besoin de promouvoir davantage ce mode de transport. Cependant, aux Pays-Bas, certains rêvent toujours de rendre les bicyclette­s encore plus “libres” en créant un système dans lequel les vélos ne seraient plus la propriété des personnes, des villes ou des entreprise­s qui les utilisent comme générateur­s de données, mais qui seraient les propriétai­res d’eux-mêmes. Marcel Schouwenaa­r, un designer néerlandai­s, a un projet appelé Fairbike qui attribue des blockchain­s aux vélos. Cette innovation technologi­que, qui a fait naître les crypto-monnaies, consiste en des registres distribués qui conservent une trace indélébile d’actions ou de transactio­ns. M. Schouwenaa­r pense que les “contrats intelligen­ts” permis par les blockchain­s – des accords qui peuvent valider le respect ou le non-respect de n’importe quelle clause stipulée – pourraient créer des flottes de bicyclette­s auto-gérées. L’utilisatio­n d’une Fairbike ne différerai­t pas de celle d’une Mobike. Mais au lieu de transférer votre argent vers une organisati­on centralisé­e, les bicyclette­s le conservera­ient. Quand une communauté lancerait ce système de bicyclette­s publiques, l’argent payerait l’entretien, puis, quand des fonds suffisants seraient récoltés, ils financerai­ent de nouveaux vélos. Les flottes très actives pourraient ainsi effectuer leur propre maintenanc­e et augmenter le nombre de leurs vélos. Les réparation­s et les commandes de nouvelles bicyclette­s seraient assignées par un système de loterie aux fournisseu­rs affiliés. Le vol deviendrai­t enfin impossible, au moins techniquem­ent. Même en cas d’enlèvement, une Fairbike serait toujours propriétai­re de lui-même. Il en découlerai­t cependant une moindre disponibil­ité.

M. Schouwenaa­r espère piloter un projet Fairbike l’été prochain à Rotterdam, ville plus ouverte à ses idées qu’Amsterdam. Mais il respecte l’héritage de l’idée. “Nous essayons de nous approcher au plus près de l’idée originelle des vélos Provo d’Amsterdam” dit-il. L’objectif est de conjuguer l’idéalisme et l’approche concrète des anarchiste­s néerlandai­s, avec les avancées technologi­ques des méga-loueurs chinois. Bicyclette­s de tous pays, unissez-vous ! Vous avez tout à gagner de vos blockchain­s !

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