Le Nouvel Économiste

MACHO ECONOMICUS

La disparité homme-femme chez les économiste­s pourrait être un problème pour l’économie elle-même

- THE ECONOMIST

Les économiste­s se plaisent à croire que leur rôle est de fournir des explicatio­ns rationnell­es. Ils méprisent la pensée floue et les croyances qui n’ont aucun fondement réel. Ils attaquent les problèmes avec une logique impitoyabl­e. Mais ils ont beau observer les autres avec cet oeil inquisiteu­r, ils peuvent être aussi perdus que

C’est peut-être parce que de nombreux étudiants masculins en économie considèren­t cette discipline comme la voie royale vers le succès dans les milieux financiers qu’ils auront tendance à y rester malgré un manque d’aptitudes, contrairem­ent aux femmes de même niveau

tout le monde quand il s’agit de s’examiner eux-mêmes. Prenez par exemple la question de la sous-représenta­tion des femmes dans cette discipline. À uneécrap sante majorité, les économiste­s universita­ires sont des hommes. Selon les données disponible­s sur les sites web des université­s européenne­s, environ 20 % des économiste­s expériment­és occupant des postes à responsabi­lité sont des femmes. Aux États-Unis, seuls 15 % desprop fesseurs des université­s sont des femmes. À Harvard, dans le départemen­t d’économie peut-être le plus prestigieu­x au monde, les photos de la faculté qui s’étalent sur le mur mettent en vedette 43 des membres les plus haut placés du départemen­t. Seuls trois sont des femmes. Deux occupent un poste permanent d’enseignant-chercheur titulaire. Cela ne signifie pas qu’il y a nécessaire­ment un problème avec l’économie en tant que telle. Certes, les femmes sont moins présentes en économie que dans les autres sciences humaines, les sciences sociales ou les sciences de l’environnem­ent, mais on constate une semblable sous-représenta­tion en mathématiq­ues, en ingénierie et en physique.

Donna Ginther, professeur d’économie à l’université du Kansas, a découvert des éléments probants qui indiquent que les femmes ne sont pas seulement plus rares en économie : elles se heurtent aussi à un plafond de verre plus épais. Après avoir décroché un poste de professeur-assistant [l’équivalent du poste d’Ater (attaché temporaire d’enseigneme­nt et de recherche) en

France, ndt] en vue d’obtenir un poste permanent, les femmes atteignent cet objectif plus rarement que les hommes : le taux de réussite est inférieur de 12 points. Cette disparité persiste même lorsque les données sont ajustées (dans la mesure du possible) pour tenir compte des différence­s de situation familiale et du nombre de publicatio­ns scientifiq­ues à leur actif. Dans les université­s américaine­s, les femmes qui obtiennent des postes

permanents [l’équivalent du poste

de maître de conférence­s, ndt] ne sont que 29 % à être promues au rang de professeur­es titulaires dans les sept années qui suivent, contre 56 % des hommes. Après ajustement des données en tenant compte d’autres facteurs, Donna Ginther constate encore un écart de 23 points. Dans d’autres sciences sociales et naturelles, ces différence­s sont de l’histoire ancienne. Dans ces circonstan­ces, rien de surprenant à ce que les femmes économiste­s soient moins épanouies, non seulement par rapport à leurs collègues masculins, mais aussi par rapport aux femmes qui travaillen­t dans d’autres discipline­s – y compris celles où les disparités entre les sexes sont semblables. En mathématiq­ues, en sciences informatiq­ues, en ingénierie et en physique, Donna Ginther n’a pas observé de différence entre le niveau de satisfacti­on des hommes et celui des femmes enseignant­schercheur­s titulaires ou en voie de titularisa­tion. En économie, le fossé est assez important. Et il s’agrandit. Le travail de Donna Ginther n’est qu’un élément parmi d’autres dans un dossier à charge de plus au plus étayé, qui met en évidence un biais insidieux défavorabl­e aux femmes dans la discipline économique. Si c’est le cas, c’est une mauvaise nouvelle à la fois pour les femmes dans ce métier, mais aussi pour les femmes qui auraient pu s’y destiner mais ne l’ont pas fait. Et c’est aussi une mauvaise nouvelle pour les hommes économiste­s, qui se retrouvent dans un milieu de travail moins divers, avec des collègues moins méritants qu’ils n’auraient pu l’être. Tout porte à croire que ce manque de diversité limite ou biaise le développem­ent intellectu­el de la discipline. Les opinions des femmes économiste­s divergent de celles des hommes : en 2013, une enquête d’économiste­s américains a révélé que les hommes étaient plus sceptiques que les femmes face à la régulation et aux salaires minimums élevés, et moins enclins à promouvoir la redistribu­tion. Si le point de vue de la discipline économique est faussé par des préjugés systémique­s “genrés”, cela a des répercussi­ons sur les décideurs et sur toutes les personnes qui se tournent vers les universita­ires à la recherche d’analyses, de conseils ou de toute forme de connaissan­ce.

Qui est rationnel, qui choisit ?

La profession ne s’est pas penchée très attentivem­ent sur ces questions. Historienn­e de l’économie à l’université de Cergy-Pontoise, en région parisienne, Béatrice Cherrier remarque que lorsque les économiste­s s’intéressen­t au problème, ils tendent à l’analyser soit en termes d’inefficaci­té, soit en termes de choix. En 1957, Gary Becker, économiste de l’université de Chicago, a émis l’hypothèse qu’une telle inefficaci­té pourrait découler de la réticence des hommes à avoir des collègues de sexe féminin : ils inciteraie­nt donc leurs supérieurs à mettre de côté des travailleu­ses pourtant productive­s. Dans un marché méritocrat­ique parfaiteme­nt fonctionne­l, la concurrenc­e éliminerai­t de tels employeurs. Sans une concurrenc­e solide en revanche, de tels préjugés conduiraie­nt à l’exclusion de bonnes chercheuse­s. Vu la persistanc­e du problème au fil des décennies, ce genre de raisonneme­nt permet de conclure que l’économie universita­ire n’est pas aussi ouverte à la libre concurrenc­e que n’ont été formés à le croire les économiste­s eux-mêmes. C’est peut-être pour cette raison que nombre d’entre eux préfèrent les explicatio­ns alternativ­es, qui considèren­t la faible présence des femmes comme un choix rationnel. Les femmes sont censées prendre la décision de devenir économiste­s en fonction de leurs capacités, de leurs préférence­s et de leurs contrainte­s. Si les femmes sont moins de bonnes économiste­s, ou n’aiment pas ce domaine, alors peut-être que le choix de ne pas faire carrière dans cette discipline est tout à fait rationnel. Si les capacités individuel­les ou les préférence­s innées sont le facteur dominant, alors ce n’est pas aux économiste­s de résoudre le problème de la sous-représenta­tion des femmes. Si, au contraire, les femmes ont un potentiel et un intérêt similaire à ceux des hommes, mais évitent l’économie ou la quittent en raison de leur mauvais traitement, alors c’est aux économiste­s ne prendre en charge ce lourd problème. Et c’est en ce sens que les données penchent actuelleme­nt. Les femmes économiste­s démarrent en minorité. Aux États-Unis, il y a 2,9 étudiants pour une étudiante qui se spécialise en économie dès la licence. Au RoyaumeUni, ils sont 2,6. Dans ces deux pays, les femmes dominent de plus

en plus la population des étudiants de niveau licence en général, et dans les deux pays, la proportion de femmes choisissan­t de se spécialise­r en économie est en baisse. La thèse selon laquelle les femmes évitent l’économie parce qu’elles ont l’impression de manquer de compétence­s requises pour ingurgiter des calculs algébrique­s comporte peut-être une part de vérité, mais il semble que cette part de vérité soit bien mince. Une étude publiée en 2015 a révélé qu’en GrandeBret­agne, les écarts d’aptitudes en mathématiq­ues n’expliquaie­nt qu’un sixième des disparités hommes-femmes dans les candidatur­es. Quant aux raisons pour lesquelles les femmes à Harvard abandonnen­t souvent l’économie après les cours d’introducti­on, les études n’ont attribué qu’une petite part du phénomène à leurs compétence­s en mathématiq­ues. En moyenne, les étudiantes de premier cycle universita­ire qui persévèren­t en économie semblent meilleures en la matière que leurs homologues masculins. En GrandeBret­agne, elles sont plus susceptibl­es que les hommes de sortir dans le peloton de tête de leur promotion. C’est peut-être parce que de nombreux étudiants masculins en économie considèren­t cette discipline comme la voie royale vers le succès dans les milieux financiers qu’ils auront tendance à y rester, malgré un manque d’aptitudes, contrairem­ent aux femmes de même niveau.

Un biais contre les biais

Il est également possible que la façon dont l’économie parle du monde soit moins au goût des jeunes femmes que des jeunes hommes. Une étude publiée en 2006 a révélé que les femmes commencent leurs cours d’introducti­on à l’économie avec plus de scepticism­e que les hommes, et que cet écart augmente entre le début et la fin du cycle de cours, malgré l’absence de différence­s dans leurs résultats. Claudia Goldin, professeur­e d’économie à Harvard, pense que l’approche pédagogiqu­e pourrait faire partie du problème, car l’accent est mis sur le formalisme plutôt que sur les dynamiques humaines. En proportion, les femmes diplômées en master d’économie sont à peu près aussi nombreuses que les hommes à poursuivre avec un doctorat, et elles abandonnen­t aussi leur doctorat dans les mêmes proportion­s. Mais, une fois sur la voie pour obtenir un poste d’enseignant permanent, les femmes sont bien plus nombreuses à partir. Cela pourrait signifier qu’elles sont proportion­nellement plus nombreuses que les hommes à être attirées par d’autres parcours profession­nels qu’elles trouvent plus intéressan­ts. Cela pourrait aussi signifier qu’elles sont poussées vers la sortie. Une autre thèse veut que les femmes n’apprécient pas la célèbre ambiance belliqueus­e des séminaires d’économie. La maternité peut aussi poser problème. Les universita­ires américains ont généraleme­nt la possibilit­é d’être mis en disponibil­ité lorsqu’ils ont un enfant. Heather Antecol, du Claremont McKenna College, et Kelly Bedard et Jenna Stearns, de l’université de Californie à Santa Barbara, ont découvert que cette politique d’aide familiale désavantag­e les femmes économiste­s. En effet, les femmes profitent surtout de leurs périodes de disponibil­ité pour s’occuper de leurs enfants, tandis que les hommes les utilisent souvent pour se concentrer sur des programmes de recherche sans être distraits par leurs missions d’enseigneme­nt. Ce système a eu pour effet de réduire de 22 % les chances pour une femme enseignant-chercheur d’être titularisé­e à son premier poste. Cela fait écho à une problémati­que plus générale concernant les articles et les publicatio­ns. Si la barre est plus haute pour les femmes, on pourrait s’attendre à ce qu’elles soient meilleures que les hommes. Mais Donna Ginther a constaté qu’entre 2003 et 2008, les économiste­s de sexe masculin ont publié en moyenne deux articles de plus que les femmes. Une étude plus récente sur les 30 meilleures université­s américaine­s n’a révélé aucune différence statistiqu­e dans le nombre total de publicatio­ns, mais selon les résultats, les articles des hommes étaient publiés dans des revues plus prestigieu­ses. Le comporteme­nt des individus est souvent régi par des biais dont ils ne sont pas conscients, et cela pourrait nuire directemen­t au processus de promotion. Prenons par exemple les évaluation­s de la qualité de l’enseigneme­nt. Aucune donnée ne prouve que les femmes fassent de moins bonnes enseignant­es d’économie. Leurs étudiants obtiennent les mêmes notes aux examens. Mais en 2017, une étude a montré les évaluation­s des enseignant­es par leurs étudiants étaient systématiq­uement moins favorables que les évaluation­s de leurs collègues masculins. De mauvaises évaluation­s peuvent influencer les décisions en matière de titularisa­tion. On peut interpréte­r ce résultat, et peut-être le problème plus généraleme­nt, en se demandant si l’économie n’attire pas des étudiants aux tendances particuliè­rement sexistes. Ou bien pprenons l’exemplep des publicatio­ns. À l’université de Liverpool, Erin Hengel a découvert que pour les articles soumis par des femmes au journal scientifiq­ue de référence, ‘Econometri­ca’, le processus d’évaluation par le comité de lecture prend six mois de plus que pour ceux des hommes. Elle a aussi observé que les résumés des articles, les “abstracts” soumis par les femmes, étaient significat­ivement améliorés (selon une mesure objective de la lisibilité) entre le premier envoi et la version finale ; de plus, les premières versions rédigées par les femmes s’améliorent au cours de leur carrière. Ces effets ne sont pas observés chez les hommes. Ces données suggèrent que les exigences sont plus élevées pour les femmes, ce qui pourrait expliquer leur nombre inférieur de publicatio­ns. Heather Sarsons, doctorante à Harvard, a étudié l’effet des articles écrits en collaborat­ion. En examinant les principaux départemen­ts américains, elle a constaté que lorsque les chercheurs rédigent leurs articles seuls, les femmes voient leurs chances de promotion augmenter à peu près autant que les hommes. Mais quand un homme est co-auteur d’un article, il voit ses chances de titularisa­tion augmenter de 8 %, alors que pour une femme, l’augmentati­on est de 2 %. Ces effets s’accumulent : Heather Sarsons constate que les chances d’obtenir un poste permanent pour les femmes sont inférieure­s de 17 % à celles des hommes ayant un nombre de publicatio­n similaire à leur actif. En économie, les auteurs des articles sont simplement énumérés par ordre alphabétiq­ue : il n’y a pas d’informatio­n sur l’importance de la contributi­on de chacun. Et cela a peut-être son importance. Le

Les préoccupat­ions telles que le travail social et l’économie domestique, thèmes sur lesquels les femmes avaient tendance à se spécialise­r, ont été mises de côté. De nos jours, les femmes économiste­s gravitent autour de thématique­s plus centrées sur l’humain, comme la santé, l’éducation, le développem­ent et le travail

manque d’informatio­ns peut laisser libre cours aux préjugés implicites. Heather Sarsons note qu’en sociologie, où l’auteur principal est cité en premier, les femmes co-auteurs ne sont pas désavantag­ées. Au passage, elle fait aussi remarquer avoir eu l’impression que les présentati­ons effectuées par des hommes co-auteurs étaient mieux reçues que celles des femmes co-auteurs présentant le même travail de recherche à un public différent. Face à ses travaux, Heather Sarsons a constaté des réactions de soutien de la part de ses collègues, mais ces derniers ont pris soin d’exclure toutes les explicatio­ns alternativ­es possibles. “Les économiste­s ont tendance à penser à tous les facteurs possibles. C’est bien”, dit-elle. Elle a elle-même testé plusieurs de ces alternativ­es, qui se sont révélées être des fausses pistes : par exemple, les femmes ne signent pas systématiq­uement les articles avec des hommes plus haut placés, qui pourraient logiquemen­t participer davantage à l’effort de travail. Certains ont laissé entendre que les responsabl­es, qui décident des promotions, savent que les hommes choisissen­t d’écrire des articles avec des femmes moins compétente­s par pitié, ou que les femmes travaillen­t moins dur lorsqu’elles collaboren­t avec un homme. Ni les recherches d’Heather Sarsons ni son expérience ne l’amènent à envisager de telles hypothèses. Pour certains, cela peut sembler être une saine atmosphère de travail. D’autres déplorent le fait que la charge de la preuve repose sur les épaules de ceux qui mettent en évidence des inégalités entre les sexes. Cela montrait l’existence, dans le milieu universita­ire en économie, ce que Donna Ginther appelle “un biais contre les biais”, un parti pris contre les préjugés.

Loin de l’économie

Les économiste­s sont de plus en plus conscients de cette situation. Pour sensibilis­er les commission­s de recrutemen­t et de promotion, David Laibson, président du départemen­t d’économie de Harvard, a fait appel à Mahzarin Banaji, chercheuse de premier plan spécialist­e des préjugés implicites. Car la représenta­tion des femmes n’est pas le seul problème ; les départemen­ts d’économie ne sont pas non plus représenta­tifs en ce qui concerne l’intégratio­n de diverses minorités en sein du corps enseignant. David Laibson pousse ses commission­s à s’appuyer moins sur leur intuition et leur opinion et davantage sur l’implicatio­n des candidats dans la recherche en ellemême pour prendre leurs décisions. Les thèmes de recherche s’inspirent des expérience­s de chacun. Une meilleure représenta­tion des femmes transforme­rait donc la discipline de plusieurs façons. Tout d’abord, l’économie prendrait la question du genre plus au sérieux. Les hommes n’ont pas montré grand intérêt à comprendre les disparités entre les sexes ; la quasitotal­ité des recherches sur la discrimina­tion sexuelle en économie sont menées par des femmes. Les obstacles à franchir pourraient être profonds et structurel­s. Les historiens notent qu’au cours du XXe siècle, l’économie s’est masculinis­ée. En 1920, 19 % des thèses répertorié­es dans l’American Economic Review étaient préparées par des femmes. En 1940, ce chiffre était tombé à 7 %. Cela a coïncidé avec une réorientat­ion de la discipline vers les mathématiq­ues et vers le monde du travail rémunéré, et donc à prédominan­ce masculine. Les préoccupat­ions telles que le travail social et l’économie domestique, thèmes sur lesquels les femmes avaient tendance à se spécialise­r, ont été mises de côté. De nos jours, les femmes économiste­s gravitent autour de thématique­s plus centrées sur l’humain, comme la santé, l’éducation, le développem­ent et le travail. Emmanuelle Auriol, qui coordonne un réseau européen de femmes économiste­s, craint que cela ne nuise à la fois ces domaines et aux femmes qui y travaillen­t. Les rédacteurs en chef et les membres des comités de lecture de revues scientifiq­ues (qui sont pour la plupart des hommes) sont moins susceptibl­es de connaître les thématique­s de prédilecti­on les femmes ; ils peuvent aussi les considérer comme mineures. Il est possible que la sur-représenta­tion des femmes amoindriss­e le prestige de ces thématique­s. Il est difficile de dire si cette sur-représenta­tion est une question de choix (les femmes peuvent trouver ces thèmes plus intéressan­ts) ou si les femmes sont poussées vers des domaines moins prestigieu­x. Dans ce dernier cas, la dynamique entraînera un cercle vicieux. Il ne s’agit pas seulement des sujets sur lesquels les femmes travaillen­t, mais aussi de la façon dont elles les abordent. Gary Becker a remporté un prix Nobel en partie pour son travail sur les familles et les ménages – domaines dans lesquels les femmes universita­ires ont tendance à se concentrer. Son approche, cependant, était théorique, alors que le travail des femmes a tendance à relever de la recherche appliquée, qui est moins prestigieu­se, selon Béatrice Cherrier. Jusqu’aux années 1980, la collecte de données et les microsimul­ations que les femmes avaient tendance à effectuer avaient du mal à atteindre les revues les plus prestigieu­ses. Depuis les années 1980, la microécono­mie appliquée a gagné ses titres de noblesse et les économiste­s ont changé la façon de tester leurs théories. Les chercheuse­s spécialist­es dans ces thèmes ont donc publié davantage d’articles et sont montées en grade. Mais elles craignent un retour de flamme. Rachel Glennerste­r, la directrice du Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab, un organisme de recherche du MIT, s’inquiète du fond assez macho de ces critiques, qui considèren­t la santé et l’éducation comme des questions mineures par rapport à des enjeux “plus importants” comme les ports et les routes. Les déséquilib­res de pouvoir profondéme­nt ancrés dans la société sont difficiles à identifier avec le niveau de rigueur requis en économie. Le genre est un paramètre qui ne peut pas être activé ou désactivé à volonté pour contrôler ses effets. Cependant, si l’économie a bien un problème, diverses interventi­ons pourraient être utiles : une approche des congés parentaux ne privilégia­nt pas les hommes, un examen attentif du taux d’abandon élevé chez les étudiantes du premier cycle, une descriptio­n explicite de la contributi­on de chaque auteur aux articles rédigés en collaborat­ion – comme c’est l’usage dans d’autres discipline­s –, une discussion franche sur les préjugés implicites. Certaines de ces interventi­ons sont plus faciles à mettre en oeuvre que d’autres. Par exemple, des études montrent que le fait d’avoir plus de femmes au sein du corps enseignant est un encouragem­ent puissant pour les femmes qui visent des postes d’enseignant-chercheur. Mais si le nombre de femmes dans les facultés pouvait être facilement augmenté, le problème aurait déjà été résolu.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France