Le Nouvel Économiste

Le trésor du secret fiscal

La mise à mal du secret de l’instructio­n dans les affaires financière­s n’incite pas à faire sauter le “verrou” de Bercy sur les fraudes fiscales

- FRANÇOIS ECALLE

Les parquets ne peuvent poursuivre les auteurs de fraude fiscale que s’ils sont saisis par le ministère des Finances, après avis de la commission des infraction­s fiscales, et de nombreuses voix se font entendre depuis longtemps pour faire sauter ce “verrou de Bercy”. Une mission parlementa­ire d’informatio­n sur cette question a été récemment créée. L’enjeu est en fait limité, car les procureurs peuvent poursuivre de leur propre initiative les auteurs du délit de blanchimen­t de fraude fiscale, notion que la jurisprude­nce entend de manière extensive : le fraudeur qui utilise le produit de sa fraude est coupable de blanchimen­t. La Procureure nationale financière a néanmoins déclaré que le verrou de Bercy est un obstacle important à l’action de la justice, et il est certain que les dossiers de fraude fiscale traités par les services judiciaire­s seraient plus nombreux s’il sautait. Cette question est complexe, et je ne l’aborde que sous l’angle particulie­r, mais essentiel, du secret de l’instructio­n et du secret fiscal.

Le secret de l’instructio­n mis à mal

Depuis longtemps, les fuites d’informatio­ns dans les médias sur des affaires financière­s protégées par le secret de l’instructio­n sont très nombreuses. L’an dernier, elles ont fortement perturbé l’élection présidenti­elle. Or les journalist­es ne volent pas ces informatio­ns ; les fuites sont si fréquentes que ce serait beaucoup trop difficile pour être imaginable. Les parties mises en cause n’ont généraleme­nt aucun intérêt à les diffuser. Ces informatio­ns sont transmises aux journalist­es par des personnes qui travaillen­t dans les services judiciaire­s ou les services de police chargés de ces affaires, qui sont dépositair­es de ces informatio­ns secrètes et qui violent le secret de l’instructio­n. La révélation de ces informatio­ns secrètes est un délit puni d’un an d’emprisonne­ment et de 15 000 € d’amende. Ceux qui le commettent sont des délinquant­s, et il y en a donc beaucoup trop dans les services judiciaire­s et de police chargés des affaires financière­s. Ils sont très rarement sanctionné­s car il est très difficile d’identifier l’origine de ces fuites. Les services judiciaire­s désignent souvent les policiers qui désignent les magistrats. Il s’est ainsi développé dans certains services judiciaire­s et de police une culture de la fuite, ce qui est très grave car la présomptio­n d’innocence n’est plus protégée. En revanche, les violations du secret fiscal par les agents du ministère des Finances sont très rares. J’ai le souvenir d’un haut responsabl­e du contrôle fiscal me disant que le secret fiscal est un “trésor” et que la direction générale des finances publiques fait tout pour le protéger. Il avait totalement raison. Le verrou de Bercy protège un trésor, le secret fiscal, qui est une condition essentiell­e du consenteme­nt à l’impôt, en France. Faire sauter ce verrou pourrait conduire à mettre ce trésor entre de mauvaises mains. Le site www.fipeco.fr développe les analyses de François Ecalle.

Il s’est ainsi développé dans certains services judiciaire­s et de police une culture de la fuite, ce qui est très grave car la présomptio­n d’innocence n’est plus protégée

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