Le trésor du secret fiscal
La mise à mal du secret de l’instruction dans les affaires financières n’incite pas à faire sauter le “verrou” de Bercy sur les fraudes fiscales
Les parquets ne peuvent poursuivre les auteurs de fraude fiscale que s’ils sont saisis par le ministère des Finances, après avis de la commission des infractions fiscales, et de nombreuses voix se font entendre depuis longtemps pour faire sauter ce “verrou de Bercy”. Une mission parlementaire d’information sur cette question a été récemment créée. L’enjeu est en fait limité, car les procureurs peuvent poursuivre de leur propre initiative les auteurs du délit de blanchiment de fraude fiscale, notion que la jurisprudence entend de manière extensive : le fraudeur qui utilise le produit de sa fraude est coupable de blanchiment. La Procureure nationale financière a néanmoins déclaré que le verrou de Bercy est un obstacle important à l’action de la justice, et il est certain que les dossiers de fraude fiscale traités par les services judiciaires seraient plus nombreux s’il sautait. Cette question est complexe, et je ne l’aborde que sous l’angle particulier, mais essentiel, du secret de l’instruction et du secret fiscal.
Le secret de l’instruction mis à mal
Depuis longtemps, les fuites d’informations dans les médias sur des affaires financières protégées par le secret de l’instruction sont très nombreuses. L’an dernier, elles ont fortement perturbé l’élection présidentielle. Or les journalistes ne volent pas ces informations ; les fuites sont si fréquentes que ce serait beaucoup trop difficile pour être imaginable. Les parties mises en cause n’ont généralement aucun intérêt à les diffuser. Ces informations sont transmises aux journalistes par des personnes qui travaillent dans les services judiciaires ou les services de police chargés de ces affaires, qui sont dépositaires de ces informations secrètes et qui violent le secret de l’instruction. La révélation de ces informations secrètes est un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. Ceux qui le commettent sont des délinquants, et il y en a donc beaucoup trop dans les services judiciaires et de police chargés des affaires financières. Ils sont très rarement sanctionnés car il est très difficile d’identifier l’origine de ces fuites. Les services judiciaires désignent souvent les policiers qui désignent les magistrats. Il s’est ainsi développé dans certains services judiciaires et de police une culture de la fuite, ce qui est très grave car la présomption d’innocence n’est plus protégée. En revanche, les violations du secret fiscal par les agents du ministère des Finances sont très rares. J’ai le souvenir d’un haut responsable du contrôle fiscal me disant que le secret fiscal est un “trésor” et que la direction générale des finances publiques fait tout pour le protéger. Il avait totalement raison. Le verrou de Bercy protège un trésor, le secret fiscal, qui est une condition essentielle du consentement à l’impôt, en France. Faire sauter ce verrou pourrait conduire à mettre ce trésor entre de mauvaises mains. Le site www.fipeco.fr développe les analyses de François Ecalle.
Il s’est ainsi développé dans certains services judiciaires et de police une culture de la fuite, ce qui est très grave car la présomption d’innocence n’est plus protégée