Le Nouvel Économiste

Le syndrome Macron

Le président français fait rêver l’Allemagne, fatiguée de sa culture politique somnolente et âgée. Quelques jeunes ambitieux se sont mis en marche vers le pouvoir

- GUY CHAZAN, FT

Le président français fait rêver l’Allemagne, fatiguée de sa culture politique somnolente et âgée.

Deux photos publiées dans le journal ‘Bild Zeitung’ le mois dernier résument tout. Sur la première, une Angela Merkel un peu poussive faisant du ski de fond près de Saint-Moritz. Sur l’autre, un Emmanuel Macron “smart et élégant” dévalant les pentes des Pyrénées à “une vitesse folle”. Le contraste résume l’humeur allemande. Les Allemands semblent de plus en plus embarrassé­s par leurs politiques. Comparés à la nouvelle génération de leaders jeunes et télégéniqu­es en France et en Autriche, ils paraissent fatigués et à court d’idées. Quand M. Macron, 40 ans, a visité Berlin l’an dernier, la ville est tombée raide amoureuse de la nouvelle star. Et quand Sebastian Kurz, le plus jeune dirigeant européen à 31 ans, a remporté les élections d’octobre en Autriche, ‘Bild’ a demandé : “Pourquoi n’en avonsnous pas un comme ça ?” Les Allemands ont Mme Merkel, 63 ans, qui se prépare à un quatrième mandat de chancelièr­e, puis Horst Seehoferno­w, son allié et vétéran de trop de batailles, à la tête du parti bavarois de l’Union chrétienne sociale (CSU), et Martin Schulz, le candidat malchanceu­x des sociaux-démocrates (SPD). À eux trois, ils totalisent 193 ans. Le trio, actuelleme­nt plongé dans des négociatio­ns pour sortir l’Allemagne de quatre mois de paralysie politique, est régulièrem­ent accusé par les médias allemands d’être des poids morts s’accrochant les uns aux autres pour leur survie, comme les rescapés d’un naufrage. Les médias n’ont pas tort. L’incapacité de Mme Merkel à former un gouverneme­nt a entamé son autorité. M. Seehofer a perdu une lutte de pouvoir interne au sein du parti au profit de Markus Söder, son éternel rival. Quant à M. Schulz, qui a juré des mois durant que jamais il ne s’allierait au CDU/CSU, avant de changer d’avis, sa crédibilit­é est à terre. C’est ce désenchant­ement face à ce casting qui a rendu Kevin Kühnert, 28 ans, tellement populaire. Le dirigeant des jeunes sociaux-démocrates a semé le doute en Allemagne avec sa tonitruant­e campagnepg contre une énième “grande coalition”. À l’exception de M. Kühnert, l’absence d’une relève qui pourrait rebattre les cartes comme l’a fait M. Macron en France est ce qui frappe en Allemagne. Certains conservate­urs placent leurs espoirsp dans JJens Spahn,p, secrétaire d’État aux Finances, âgé de 37 ans. Porte-drapeau de la droite, il a provoqué un débat au sein de son parti en critiquant ouvertemen­t la généreuse politique allemande d’accueil des migrants en 2015-2016. Pour asseoir son pedigree de conservate­ur, il a tweeté un selfie de lui avec M. Kurtz à Vienne, lors de la fête organisée après la victoire électorale de ce dernier. Mais l’Allemagne n’a personne qui possède la fougue iconoclast­e d’un M. Macron, capable de créer de rien un mouvement politique comme En Marche. Christian Lindner, chef des Démocrates libres, a cherché à incarner cette nouvelle vague, moderne, sophistiqu­ée, dynamique, mais son parti plafonne à seulement 9 % dans les sondages. Le seul vrai “disrupteur” plébiscité à Berlin est le parti d’extrême droite Alternativ­e fur Deutschlan­d (AfD), qui a bousculé le petit monde assoupi de la politique allemande en remportant ses premiers sièges au Bundestag l’an dernier. Mais l’AfD n’a guère de nouvelles idées. Il invoque l’Allemagne des années 1950 et peste contre les fléaux modernes que sont l’Union européenne, la mondialisa­tion et les réfugiés. Ceux qui cherchent une vision pour le futur doivent la trouver ailleurs. Ils ne la trouveront pas forcément dans le contrat de coalition signé le mois dernier. Le SPD et le CDU/ CSU ont promis d’investir dans l’infrastruc­ture numérique et l’éducation – et de faire beaucoup de cadeaux aux retraités pour se garantir le vote à cheveux blancs. Selon le magazine ‘Der Spiegel’, M. Spahn a déclaré qu’il ressemblai­t en tout point au dernier accord de coalition avec le SPD en 2013, “avec juste plus d’argent et moins de fun”. “Je croyais que nous devions faire quelque chose de nouveau” a-t-il remarqué, se gagnant un regard assassin de Mme Merkel. On ignore si l’Allemagne découvrira­it “quelque chose de nouveau” avec M. Spahn au pouvoir. Mais quoi qu’il arrive, le désir d’injecter un peu de panache macronien dans la somnolente politique allemande devient chaque jour plus ardent.

Le trio, actuelleme­nt plongé dans des négociatio­ns pour sortir l’Allemagne de quatre mois de paralysie politique, est régulièrem­ent accusé par les médias allemands d’être des poids morts s’accrochant les uns aux autres pour leur survie, comme les rescapés d’un naufrage

Le seul vrai “disrupteur” plébiscité à Berlin est le parti d’extrême droite Alternativ­e fur Deutschlan­d (AfD), qui a bousculé le petit monde assoupi de la politique allemande en remportant ses premiers sièges au Bundestag l’an dernier. Mais l’AfD n’a guère de nouvelles idées.

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Jens Spahn, secrétaire d’État aux Finances

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