Fitness et clubs de sport, la mode bien-être
De plus en plus de pratiquants, toujours plus de services et de visibilité : le fitness est définitivement tendance
En 2016, environ 4 000 clubs se partageaient un gâteau de 2,5 milliards de chiffres d’affaires, alors que le marché croissait de 5 % par rapport à 2015
Le fitness a la cote. Le nombre d’adhérents de clubs de sport ne cesse d’augmenter en France. L’arrivée de salles à bas coût a permis la démocratisation d’une pratique qui séduit désormais jeunes comme quinquas, hommes comme femmes. De nouvelles pratiques comme le HIIT ou le CrossFit ne cessent de gagner des aficionados. Les codes du fitness sortent du secret des salles pour s’épanouir sur les réseaux sociaux, ou dans la mode. Ce succès en dit aussi beaucoup sur notre société : nous voulons prendre soin de nous dans un souci de santé, mais aussi d’apparence. Et derrière la volonté de se dépasser, le culte de la performance n’est jamais loin.
Selon Deloitte, en 2016, 5,46 millions de Français étaient adhérents d’un club de fitness, ce qui représente 8,2 % de la population. On est encore loin des 14 % de taux de pénétration du marché allemand, mais la France rattrape peu à peu son retard. Environ 4 000 clubs se partageaient alors un gâteau de 2,5 milliards de chiffres d’affaires, tandis que le marché croissait de 5 % par rapport à 2015. Et nul doute qu’en 2017, le nombre d’adhérents, le chiffre d’affaires, le nombre de clubs, et la taille du marché ont continué de croître. Cette bonne santé est visible dans nos villes, car les salles de sport y poussent comme des champignons, comme le firent autrefois les salons de coiffure, les opticiens ou les marchands d’e-cigarettes. Le marché est porté à la fois par le développement de réseaux de franchises, à l’instar du leader l’Orange Bleue (plus de 360 clubs), de réseaux possédants leurs clubs en propre comme CMG Sports Club, ou d’indépendants. Cette bonne fortune du secteur est pourtant fort récente. Il y a dix ans encore, l’accès aux salles de sport était réservé aux personnes ayant un bon niveau de revenu, car les abonnements étaient trop souvent vendus à l’année, difficilement résiliables, et au-delà des 700 euros. Bref, le fitness ronronnait. “Nous étions dans une situation quasi monopolistique à Paris pendant une trentaine d’années, raconte Renaud Carpe, directeur marketing chez CMG Sports Club (ex-Club Med Gym). Il y a 5 ou 6 ans, le low cost est arrivé sur le marché avec notamment Neoness et Fitness Park, ce qui nous a motivés à repenser notre offre et à redéfinir le positionnement.” Les clubs positionnés low cost ont d’entrée proposé des abonnements compris entre 20 et 30 euros par mois, renouvelables ou résiliables à l’envi, avec une approche de la salle de sport proche du libre-service. De quoi donner un coup de fouet au marché et y amener une nouvelle génération, celle des millennials.
La différenciation par les services
Les locaux des clubs, quel que soit leur positionnement, sont en général
séparés en plusieurs ambiances. L’espace cardio qui regroupe les tapis de course, les vélos, et les rameurs… L’espace musculation avec les machines qui assistent le sportif, et tout un attirail de poids et d’haltères. Et l’espace fitness à proprement parler, avec des cours collectifs en vidéo ou un coach en chair et en os. Autour de cette base, des couches de services s’additionnent au fur et à mesure que le club se “premiumise”, et que l’abonnement renchérit. “Selon les résultats de notre enquête interne, les critères de choix les plus importants sont d’abord les services, ensuite les cours encadrés, et seulement
en troisième position : le prix”, analyse Thierry Marquer, PDG de L’Orange Bleue. Par exemple comme la plupart des clubs premiums, le CMG de Saint-Lazare à Paris donne la possibilité d’effectuer des cours collectifs ou individuels (yoga, danse, step… il y en a des dizaines !), encadrés par des professionnels. La présence de sacs de frappe et d’un ring annonce divers sports de combat; celle d’une box, qu’on y pratique le Cross Fit (voir encadré). On y trouve aussi une salle de vélo immersif, sans oublier le sauna, les douches, un espace restauration qui vend tout un éventail de plats et de boissons souvent bio, détox, végans et sans gluten. Certains ont leur propre piscine. Les clubs Mon Coach Wellness (Orange Bleue) proposent par exemple un suivi personnalisé aux adhérents, qui passent entre les mains d’un diététicien, d’un ostéopathe, puis d’un coach. Viennent ensuite les clubs haut de gamme comme l’Usine. La différenciation avec les autres salles de sport se fait d’abord par le design. Les lumières, les ambiances, les matériaux sont choisis avec soin, la propreté est impeccable. Mais ce qui fait vraiment la différence, c’est le nombre et la qualité des adhérents. “Alors que dans les salles low cost il y a en général cinq adhérents au mètre carré, trois dans les clubs milieu de gamme, à L’Usine, nous avons seulement 1,3 adhérent au m2”, précise Patrick Rizzo, son directeur général. Ce qui signifie que les adhérents n’auront pas à attendre pour avoir une machine, même en heure de pointe. Par ailleurs, ils pourront s’exercer aux côtés d’acteurs, d’animateurs télé ou même de stars internationales en goguette à Paris. Le prix de cette tranquillité d’esprit? 1 800 euros par an. Ces clubs qui proposent une foule de services et un accompagnement personnalisé sont davantage plébiscités par les plus de 40 ans, alors que les clubs low cost sont plutôt le point de ralliement des 20/30 ans. Sachant que certains groupes possèdent à la fois des clubs d’entrée de gamme et des clubs premiums. Par exemple “le groupe Moving propose Fitness Park pour une cible jeune, les Clubs Moving pour une cible quadra ou quinqua, et les clubs Lady Moving pour les femmes”, explique Georgia Cadudal, directrice générale du Groupe Moving. Chacun pourra donc trouver le club qui correspond ses attentes.
Une pratique ambivalente
En caricaturant un peu, on peut affirmer que les jeunes clients des low cost seront un peu plus dans la recherche de performance, alors que les clients un peu plus âgés des clubs premiums auront plus à coeur
la santé ou la perte de poids. Tous auront le souci de leur corps, de leur apparence… et beaucoup, celui de le faire savoir. “Les gens sont fiers de montrer sur les réseaux sociaux qu’ils
prennent soin d’eux”, analyse Renaud Carpe. D’un côté on peut voir dans cette tendance un narcissisme rendu plus puisant encore par les possibilités de partage qu’offrent réseaux sociaux et applications. De l’autre, on ne peut que se féliciter que la pratique d’une activité physique se développe au sein de la population, et que les Français prennent soin de leur santé. Outre leurs photos, certains adhérents vont partager leurs performances : le nombre de développercoucher, de séries lors d’un exercice, de calories brûlées, leur temps sur une distance… Car de plus en plus, le suivi personnalisé et le perfectionnement des machines installées dans les clubs permettent ce contrôle en analysant les performances des adhérents. Lesquels sont souvent équipés d’objets connectés leur permettant de continuer cette surveillance lorsqu’ils sont hors des locaux du club. Là encore, ce souci de la performance questionne. Dans une vie, notamment professionnelle, où l’on est souvent évalué, mis sous pression, sommé d’être efficaces, a-t-on vraiment besoin de pratiquer une activité de loisir qui nous replonge dans cet état d’esprit? “Chez certains, la pratique d’une activité physique ou sportive peut être soit la continuation, soit un exutoire de la vie professionnelle, Autre signe d’un changement radical : les tenues sont de plus en plus haut de gamme et lookées. “Désormais on porte des matières et des textiles antitranspirants, bien coupés, produits par des marques de sport mais aussi de mode”
analyse Thierry Sourmail, professeur
d’EPS et de boxe française. D’ailleurs, je trouve qu’il y a une similitude entre les open spaces du bureau et les espaces ouverts des salles de sport, avec toutes ces machines alignées…” Pour les spécialistes du fitness, il s’agit plutôt de mesurer les progrès accomplis grâce aux efforts consentis en salle. Et partager ses progrès et ses objectifs relève plus de la motivation en groupe, entre membres d’une communauté. Une communauté avec ses mots, ses codes vestimentaires et ses stars en la personne de “youtuber” qui prodiguent cours et conseils en ligne.
Le fitness casse les codes
Reste que le fitness est désormais
tendance. “Avant le fitness était caché, les salles étaient souvent en sous-sol, se
souvient Renaud Carpe. Aujourd’hui, nous recherchons des espaces lumineux, pourvus de baies vitrées, avec une visibilité sur l’extérieur, ce qui permet aux passants de la rue de voir les adhérents en pleine action et de comprendre que le fitness est accessible à tous.” Autre signe d’un changement radical : les tenues sont de plus en plus haut de gamme et lookées. On ne pratique plus le fitness avec de
vieux vêtements de sport comme par le passé. “Désormais on porte des matières et des textiles anti-transpirants, bien coupés, produits par des marques de sport mais aussi de mode, révèle Richard Martin, directeur du
salon Body Fitness Paris. Ce profond changement de mentalité et de comportement vient des marques qui ont bien compris que le phénomène fitness était en plein essor et qu’il fallait lui redonner ses lettres de noblesse !” Des marques de sport comme Reebok, Adidas et Nike ont considérablement fait évoluer leurs collections ces dernières années, et beaucoup de marques de mode ont intégré une ligne sportswear, sport chic afin de séduire les fitnesseurs (Mango, Yohji Yamamoto, Stella McCartney…). “Un véritable échange de matières techniques et de styles entre ces deux mondes ! La mode a pris certains codes du sport et le sport ceux de la mode”,
résume Richard Martin.