Le Nouvel Économiste

Les robots à l’assaut des back-offices

Des start-up qui proposent l’automatisa­tion par l’IA des tâches administra­tives enregistre­nt des valorisati­ons records

- RICHARD WATERS, FT

Les robots logiciels sont à la pointe de la transforma­tion numérique des entreprise­s, et une nouvelle vague d’intelligen­ce artificiel­le se prépare à déferler sur les fonctions backoffice des grandes entreprise­s. Les investisse­urs se ruent sur cette tendance même si, sous sa forme actuelle, le marché pourrait n’être jamais assez important pour justifier les valorisati­ons boursières astronomiq­ues des start-up concevant des “bots”, comme UiPath, qui a rejoint depuis peu les rangs des licornes, ces sociétés privées valorisées plus d’un milliard de dollars. Les robots logiciels effectuent les tâches routinière­s des humains devant un écran d’ordinateur. Quand les applicatio­ns logicielle­s ont récupéré les processus directeurs des entreprise­s par le passé, beaucoup d’employés des services administra­tifs se sont retrouvés occupés à combler les “blancs”...

Les robots logiciels sont à la pointe de la transforma­tion numérique des entreprise­s, et une nouvelle vague d’intelligen­ce artificiel­le se prépare à déferler sur les fonctions backoffice Les investisse­urs se ruent sur cette tendance même si, sous sa forme actuelle, le marché pourrait n’être jamais assez important pour justifier les valorisati­ons boursières astronomiq­ues des start-up concevant des bots des grandes entreprise­s. Les investisse­urs se ruent sur cette tendance même si, sous sa forme actuelle, le marché pourrait n’être jamais assez important pour justifier les valorisati­ons boursières astronomiq­ues des start-up concevant des “bots”, comme UiPath, qui a rejoint depuis peu les rangs des licornes, ces sociétés privées valorisées plus d’un milliard de dollars. Les robots logiciels effectuent les tâches routinière­s des humains devant un écran d’ordinateur. Quand les applicatio­ns logicielle­s ont récupéré les processus directeurs des entreprise­s par le passé, beaucoup d’employés des services administra­tifs se sont retrouvés occupés à combler les “blancs” entre des systèmes fragmentés, faisant souvent fonction de colle dans un processus

d’informatio­n aveugle. “Vous avez beaucoup de processus fastidieux qui consistent à prendre une informatio­n dans un endroit pour

l’injecter dans un autre”, explique Rich Wong, partenaire du cabinet de capital-risque Accel, qui a dirigé un tour de table de 153 millions de dollars cette semaine pour UiPath. La société fondée à Bucarest et désormais domiciliée à New York a du coup atteint une valorisati­on de 1,1 milliard de dollars. L’invasion des bots menace les employés des bureaux administra­tifs. Quelque quatre millions de ces travailleu­rs devraient perdre p leur travail d’ici à la fin 2021 aux États-Unis, selon Craig Le Clair, analyste chez Forrester Research. Chaque bot peut effectuer le travail de trois ou quatre employés à plein-temps, dit-il. Et le coût des licences d’utilisatio­n des robots, environ 8 000 à 9 000 dollars par an, est bien moindre que leurs salaires. Cependant, selon beaucoup d’experts de l’automatisa­tion, la majorité de ces travailleu­rs évincés conservero­nt un poste. Pour Leslie Willcocks, professeur à la London School of Economics, qui étudie la robotic process automation (RPA), la plupart des sociétés l’utiliseron­t pour automatise­r uniquement les tâches les plus routinière­s des emplois administra­tifs, et conservero­nt les employés pour collaborer avec les bots en se chargeant des tâches plus intéressan­tes. “Cela supprimera le robot qui est dans l’humain” résume-t-il. Les robots ont évolué à partir d’un ensemble de technologi­es créées à l’origine pour des activités très banales. UiPath, dirigée par Daniel Dines, un ingénieur roumain qui a travaillé chez Microsoft, a passé presque une décennie à n’aller nulle part avec sa technologi­e de visualisat­ion par ordinateur. Elle avait été développée pour extraire les textes des documents en ligne, une aptitude devenue soudain utile quand elle s’est appliquée au monde émergent des bots. Au cours de l’année écoulée, de nombreuses grandes sociétés se sont jetées à l’eau et ont testé les robots logiciels dans une ou deux divisions de leur back-office. Selon UiPath, le nombre de ses clients a explosé, passant de 100 à 700 l’an dernier. BMW, Huawei et la Sumitomo Mitsui Banking Corp utilisent sa technologi­e. L’intérêt est particuliè­rement fort au Japon, selon M. Dines, où les statistiqu­es démographi­ques laissent présager des pénuries de main-d’oeuvre. La valorisati­on de UiPath est aussi la preuve d’un intérêt croissant pour les logiciels de RPA. Une autre société, Automation Anywhere (AA), une start-up à fonds privés de la Silicon Valley qui n’a jamais eu recours à l’investisse­ment externe, pourrait bientôt dépasser UiPath. Automation Anywhere a embauché un directeur financier expériment­é le mois dernier et étudie l’idée de “faire une très importante levée de fonds ou d’aller directemen­t en bourse”, annonce son CEO Mihir Shukla. Tenu au secret sur les chiffres, M. Shukla affirme néanmoins que AA est désormais le leader de son secteur, qu’il dépasse Blue Prism, un concurrent britanniqu­e coté en bourse qui a déclaré avoir fait 24,5 millions de livres de ventes dans sa dernière déclaratio­n fiscale. Blue Prism vaut plus d’un milliard de dollars, soit un chiffre 21 fois plus élevé que les résultats attendus pour cette année, après avoir déjà vu tripler le cours de son action cette année sur l’Alternativ­e Investment Market (AIM) de Londres. L’hyper-croissance et la perspectiv­e de devenir des guichets d’entrée stratégiqu­es pour l’intelligen­ce artificiel­le dans les entreprise­s de leurs clients expliquent les valorisati­ons très élevées. Selon UiPath, ses revenus récurrents ont été multipliés par huit l’an dernier. Une accélérati­on encore supérieure au facteur 6 d’augmentati­on enregistré l’année précédente. Automation Anywhere annonce par ailleurs que la croissance de ses services par abonnement est de 146 %. “Il est difficile de faire un parallèle avec un autre secteur, quel qu’il soit” dit Bryan Bergin, analyste chez Cowen. “C’est un marché qui provoque un engouement incroyable.” Financer les sociétés de RPA est par ailleurs devenu l’une des rares possibilit­és d’investir directemen­t dans l’intelligen­ce artificiel­le, ajoute-t-il. Mais la simple reprise de tâches routinière­s de bureau ne va pas déboucher sur un marché suffisamen­t vaste pour justifier ces valorisati­ons hautes, rappelle M. Le Clair. Le marché pèsera probableme­nt 2,9 milliards de dollars en 2022, selon Forrester, plus de dix fois ce qu’il valait en 2016, mais il ne relèvera que de l’“erreur d’arrondi” dans le marché de l’IA, évalué à 48,5 milliards de dollars dans quatre ans. Leurs partisans assurent que les bots occupent une position stratégiqu­e, à l’intersecti­on de différents logiciels d’entreprise, ce qui leur offre une chance d’augmenter leur utilité. “C’est le guichet des données qui transitent entre tous les systèmes” explique M. Wong d’ Accel. “Appliquer l’apprentiss­age automatiqu­e à ces données pourrait aussi faire envisager leurs activités d’une autre façon aux entreprise­s”, dit-il. Le logiciel d’automatisa­tion est aussi une manière naturelle d’introduire d’autres types d’intelligen­ces artificiel­les dans l’entreprise, ajoute M. Dines de UiPath. Une fois qu’une tâche routinière est automatisé­e, il devient souvent logique d’ajouter un service d’intelligen­ce artificiel­le d’un service tiers. Par exemple : utiliser un système de reconnaiss­ance visuelle pour analyser les signatures pour le règlement des factures. Automation Anywhere a signé des accords avec IBM et Google pour améliorer ses propres logiciels avec leurs services d’intelligen­ce artificiel­le, dit M. Shukla. Il donne l’exemple d’une compagnie d’assurances dont il ne révèle pas le nom, et qui a utilisé ses bots pour automatise­r le travail de 1 500 employés qui traitent les nouvelles demandes d’assurance. Elle utilise un service tiers “cognitif” pour l’aide à la prise de décision sur les garanties accordées. Ces exemples nourrissen­t l’espoir, chez les investisse­urs, que les fabricants de bots deviendron­t des acteurs importants du logiciel au moment où l’intelligen­ce artificiel­le envahit les entreprise­s. Mais la plupart d’entre eux en sont encore à un stade précoce de l’automatisa­tion de base. Les bots ont encore beaucoup à prouver.

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