Le Nouvel Économiste

La raison d’être de l’entreprise: créer de la valeur

Les préoccupat­ions sociétales de la mission NotatSenar­d ne sont contradict­oires avec Milton Friedman qu’en apparence

- LA MAIN INVISIBLE DU MARCHÉ, BERTRAND JACQUILLAT

C’est avec une extrême prudence que Nicole Notat et Jean-Dominique Senard ont formulé leurs propositio­ns à la suite de la mission sur l’objet social de l’entreprise qui leur avait été confiée par le gouverneme­nt. Heureuseme­nt, car c’est toujours la même antienne dans les cercles politiques depuis le rapport Bloch-Lainé...

C’est avec une extrême prudence que Nicole Notat et Jean-Dominique Senard ont formulé leurs propositio­ns à la suite de la mission sur l’objet social de l’entreprise qui leur avait été confiée par le gouverneme­nt. Heureuseme­nt, car c’est toujours la même antienne dans les cercles politiques depuis le rapport BlochLainé sur la réforme de l’entreprise au début des années 1960. Il s’agit de recréer de la confiance autour de l’entreprise, dont l’image se serait dégradée, notamment auprès des génération­s qui entrent sur le marché du travail. Comme si c’était dans l’entreprise qu’elle était plus particuliè­rement entamée. Certes, ce que suggèrent les auteurs du rapport n’a selon eux qu’une portée “symbolique”. Ce qui n’était pas le cas du point de vue de Milton Friedman, reflet de la pphilosoph­ie p économique de l’École de Chicago, exprimé dans les mêmes années 1960 : “L’objet social de l’entreprise est de faire des profits”. Cette affirmatio­n péremptoir­e n’est contradict­oire avec les préoccupat­ions sociétales de la mission Notat-Senard qu’en apparence. Milton Friedman entendait par là que l’objet social de l’entreprise est de créer de la valeur, c’està-dire de se préoccuper non seulement des profits de l’année en cours, mais de toute la chaîne future des flux financiers disponible­s pour les actionnair­es.

Est-il donc besoin de modifier l’article 1833 du Code civil ?

Sans vouloir présenter une version idyllique du capitalism­e, les dirigeants, pour assurer le succès de long terme de leur entreprise, doivent se préoccuper de l’intérêt de toutes les parties prenantes, les salariés comme les clients, mais aussi de l’opinion publique et de leur RSE

Contrairem­ent à la doxa dominante, un tel projet, loin de privilégie­r le court terme, se projette au contraire sur le long terme. Ce faisant, et sans vouloir présenter une version idyllique du capitalism­e, les dirigeants, pour assurer le succès de long terme de leur entreprise, doivent se préoccuper de l’intérêt de toutes les parties prenantes, les salariés comme les clients, comme se plaisait à le rappeler François Michelin, mais aussi de l’opinion publique et de leur responsabi­lité sociale et environnem­entale, la fameuse RSE. Il est d’ailleurs à noter que ce sont les mêmes entreprise­s qui sont à la fois sensibles aux éléments constituti­fs de leur bonne marche opérationn­elle et financière et qui affichent des préoccupat­ions extra-économique­s. Est-il donc besoin de modifier l’article 1833 du Code civil où il est écrit “La société est constituée dans l’intérêt commun des associés” pour ajouter, ce que propose la mission Notat-Senard, “La société doit être gérée dans son intérêt propre, en considéran­t les enjeux sociaux et environnem­entaux de son activité”? Ceci ne fait-il pas que renforcer l’idée que l’objet social de l’entreprise est de créer de la valeur, dans l’intérêt propre de l’entreprise tel qu’on vient de le décliner dans la version efficace du rôle des dirigeants d’entreprise ? Plus curieux, la mission propose une option laissée à la main du conseil d’administra­tion de compléter l’article 1835 sur les statuts en ajoutant: “L’objet social peut préciser la raison d’être de l’entreprise”, qui pourra préciser des sujets sur lesquels l’entreprise s’engage (…). Mais quelle est la raison d’être d’une start-up ou d’une entreprise mature, sinon de créer de la valeur dans son domaine d’activité ? Libre à chaque entreprise d’interpréte­r la manière de réaliser son objet social, sans doute en suivant les principes de bonne gouvernanc­e rappelés par Jean Peyrevelad­e dans son récent ouvrage ‘Changer ou disparaîtr­e’, en y renforçant la codécision et la copropriét­é… pour créer de la valeur.

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