Le Nouvel Économiste

Trump sans contre-pouvoirs

En évinçant toute voix discordant­e autour de lui, le président a construit une Maison-Blanche à son image

- VINCENT MICHELOT

Donald Trump est enfin un président heureux. Après quatorze mois d’exercice du pouvoir, il est parvenu à construire une Maison-Blanche à son image, dans laquelle les contre-pouvoirs internes et les possibles foyers de dissidence ont été réduits ou annihilés. Les interventi­ons de Sarah HuckabeeSa­nders, la porte-parole de la présidence...

Donald Trump est enfin un président heureux. Après quatorze mois d’exercice du pouvoir, il est parvenu à construire une Maison-Blanche à son image, dans laquelle les contre-pouvoirs internes et les possibles foyers de dissidence ont été réduits ou annihilés. Les interventi­ons de Sarah Huckabee-Sanders, la porte-parole de la présidence, ne sont même plus source d’inspiratio­n des émissions comiques du soir, tant le décalage entre la réalité politique et la langue de plomb officielle est fort. Jim Kelly, le secrétaire général de la Maison-Blanche, a renoncé à imposer au président toute forme de discipline dans la communicat­ion ou encore des méthodes de travail cohérentes, notamment dans l’harmonisat­ion du travail de l’exécutif en interne à la West Wing ou dans les relations avec les ministères, les agences fédérales, le Parti républicai­n et surtout le Congrès – alors qu’il lit presque chaque semaine quelque écho selon lequel il serait sur le départ. Annoncé dès novembre 2017 par le ‘New York Times’ qui fut à l’époque vilipendé par le président qui cria à la fake news, le “Rexit” a enfin eu lieu : Rex Tillerson a été licencié par tweet et remplacé par un homme lige du président, Mike Pompeo, le directeur de la CIA qui partage la vision du monde de Donald Trump sur l’Iran, la Corée du Nord, les barrières douanières, la Russie et tous les sujets qui avaient pprogressi­vementg détérioré la relation entre le secrétaire d’État et le chef de l’exécutif. Gary Cohn, le principal conseiller économique du président, a lui démissionn­é avant de devoir avaler, libre-échangiste qu’il est, la couleuvre survitamin­ée des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium. Il est remplacé par Larry Kudlow, un chroniqueu­r de télévision dont la liste des prédiction­s est un superbe cimetière du savoir économique. Enfin, le ‘Washington Post’ (fake news ?) affirme que le départ du général McMaster, le conseiller à la sécurité nationale, est acté, tant son entente avec le président est mauvaise. Il ne sera effectif que lorsqu’un remplaçant lui sera trouvé. Il ne reste donc à la Maison-Blanche qu’un seul adulte de garde, le général Mattis, qui plie beaucoup mais ne rompt que rarement, pour le moment.

OPA réussie sur le parti républicai­n

Donald Trump est donc un président libre dans cette “echo chamber” qu’est devenue la Maison-Blanche. Et cette liberté, il entend bien en jouir sans contrainte­s : il passe outre les recommanda­tions les plus fermes de ses conseiller­s diplomatiq­ues et appelle le président Poutine pour le féliciter de cette belle victoire de la démocratie en Russie. Alors que tout l’exécutif américain est déployé pour convaincre les Républicai­ns au Congrès et les milieux industriel­s et financiers que les droits sur l’acier et l’aluminium ne sont pas une aberration économique et sécuritair­e, il annonce qu’il va imposer 60 milliards de dollars de taxes sur les importatio­ns chinoises. Alors qu’aucun sommet entre le pprésident des États-Unis et le leader d’une puissanceé­tranq gère hostile n’a jamais eu lieu sans une longue préparatio­n en amont et à des conditions prédétermi­nées, Donald Trump accepte sans consulter ses équipes et sans exigences préalables de rencontrer Kim Jong-un. Enfin, alors que jusque-là, son équipe d’avocats personnels et ses conseiller­s politiques étaient parvenus à le convaincre de collaborer avec l’enquête du procureur Muller et de s’abstenir de toute attaque directe ou nominale contre l’ancien directeur du FBI, le barrage a finalement cédé : le président met maintenant directemen­t et publiqueme­nt en cause l’objectivit­é et le fondement même de la procédure, et ordonne par tweet interposé à Robert Muller de mettre fin à son enquête, au moment même où il s’approche d’une convocatio­n du président et exige la production des comptes financiers de la société Trump. Le vice-président Mike Pence est porté disparu. Paul Ryan et Mitch McConnell sont en exil sur le Capitole, qui commence à ressembler pour le parti de l’éléphant à la roche Tarpéienne. Le Parti républicai­n a renoncé à exercer tout contre-pouvoir contre la présidence, les signaux se multiplian­t qui permettent de dire que le président a aujourd’hui totalement réussi son OPA sur le parti. Pendant ce temps-là, les démocrates gagnent, dans une circonscri­ption de Pennsylvan­ie où Donald Trump l’avait emporté de 20 points en 2016, une élection partielle à la Chambre des représenta­nts avec un candidat qui présente le profil type de la reconquête du Congrès en 2018. Donald Trump est un président en liberté conditionn­elle.

Le Parti républicai­n a renoncé à exercer tout contre-pouvoir contre la présidence, les signaux se multiplian­t qui permettent de dire que le président a aujourd’hui totalement réussi son OPA sur le parti

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