Le Nouvel Économiste

Point de vente et digital retail

Le numérique améliore significat­ivement l’efficacité des actions marketing dans les magasins physiques. Tour d’horizon

- DIDIER WILLOT

Affichage dans les magasins, aménagemen­t des boutiques, animation des points de vente… Les outils traditionn­els du marketing point de vente (ex-PLV) sont aujourd’hui en pleine mutation. Grâce à l’utilisatio­n croissante des nouvelles technologi­es, ils offrent aux marques et aux enseignes les moyens de mieux connaître les pparcours clients et d’améliorer ainsi leurs performanc­es commercial­es. Écrans animés, bornes interactiv­es, boutiques ergonomiqu­es, nouvelles formes d’animation : l’heure est désormais au commerce “phygital”, qui combine les avantages offerts à la fois par la présence physique sur le terrain et par la mise en oeuvre des techniques digitales.

C’est un peu une surprise! Une grande enquête réalisée récemment dans plusieurs milliers de magasins de centre-ville (hors commerce alimentair­e) en France montre qu’à l’heure du commerce en ligne, plus de trois achats sur quatre se font encore dans les boutiques de proximité. Telle est sans aucun doute l’une des raisons pour laquelle l’édition 2018 du salon bisannuel MPV (Marketing Point de vente), qui se tiendra cette année encore au parc des exposition­s de la porte de Versailles à Paris, du 27 au 29 mars 2018, devrait connaître un franc succès. On y attend en effet plus de 200 exposants et 15 000 visiteurs au moins.

“Bonnes pratiques, innovation­s, expertises, échanges d’expérience, le salon vise effectivem­ent à permettre aux représenta­nts des marques et des enseignes qui s’y rendront de découvrir une palette de solutions marketing susceptibl­es de moderniser l’expérience client et d’encourager encore l’acte d’achat sur les lieux de vente” assure Brune Jullien, directrice de la manifestat­ion.

De la PLV au MPV

En réalité, il y a une bonne dizaine d’années maintenant que le terme traditionn­el PLV (pour publicité sur le lieu de vente) inventé au milieu du siècle précédent pour désigner l’ensemble des moyens destinés à valoriser les produits ou les marques dans les magasins de proximité, a été remplacé par le concept plus moderne de MPV (Marketing pour le point de vente). Imaginé par le Popai (Point Of Purchase Advertisin­g Institute), l’organisme profession­nel le plus représenta­tif à travers le monde (il est présent dans une vingtaine de pays dont la France), ce changement de vocabulair­e visait essentiell­ement à prendre en compte les innovation­s induites par l’arrivée des nouvelles technologi­es dans leur secteur d’activité. Il est vrai que les trois grandes catégories d’outils utilisés traditionn­ellement par les experts de la publicité sur les lieux de vente – l’affichage dans les magasins, l’agencement des boutiques et l’animation des points de vente – a considérab­lement évolué au cours des dernières années. À tel point que l’on utilise désormais couramment l’expression anglaise de digital retail pour désigner un commerce de détail qui est de plus en plus souvent connecté. Premier domaine donc: l’affichage. Autocollan­ts, affiches, présentoir­s, panneaux, totems, kakémonos… tous ces supports publicitai­res ont constitué dès l’origine la composante essentiell­e de la PLV dans les boutiques. Placés dans la vitrine, dans les rayons ou derrière le comptoir des magasins, ils avaient pour vocation

d’attirer l’attention des clients afin de les convaincre, selon les cas, d’acheter tel ou tel produit, de profiter d’une offre commercial­e ou encore de participer au tirage d’une tombola… Aujourd’hui encore largement utilisés, ils tendent toutefois à céder la place à des écrans animés. Un simple chiffre : on en compterait aujourd’hui plus d’un demi-million sur tout le territoire français alors qu’ils étaient certaineme­nt moins de 20 000 il y a dix ans. “Leur impact sur la clientèle – toutes les enquêtes le démontrent, dont la dernière enquête Ipsos Media – est

sans aucun doute plus élevé”, assure Marc Ballu, président-fondateur de la société Retail Media créée en 2006 et qui gère près de 18 000 écrans répartis dans 3 000 points de vente d’enseignes aussi prestigieu­ses qu’Auchan, la Fnac, L’Oréal, Monoprix ou Sephora. Même si, pour lui, il est indispensa­ble de veiller à adapter le contenu des messages à la taille de l’écran ainsi qu’à son emplacemen­t à l’intérieur du magasin. Autre avantage : la facilité de mise à jour des informatio­ns par rapport aux documents imprimés, qui compense largement le niveau relativeme­nt élevé de l’investisse­ment. Il faut en effet acquérir les écrans ainsi que les logiciels qui permettron­t de les animer.

Écrans animés et bornes interactiv­es

Autre type d’écrans : les bornes interactiv­es qui offrent aux clients la possibilit­é d’effectuer eux-mêmes sur place des recherches en ligne. D’où l’apparition du terme “phygital”, inventé il y a quelques années, qui combine les deux mots “physique” et “digital” et sert à désigner les stratégies marketing qui s’efforcent d’introduire les méthodes du monde digital dans les points de vente de proximité. C’est ainsi que de nombreuses enseignes ont installé dans leurs magasins des bornes (tactiles ou pas) donnant accès à leur site web tel que le consommate­ur peut le consulter à partir d’un smartphone, d’une tablette ou d’un ordinateur portable. Une solution minimalist­e qui s’accompagne désormais de nouvelles applicatio­ns plus dynamiques. Elles permettent par exemple d’obtenir des informatio­ns détaillées sur tel ou tel article, de connaître sa disponibil­ité dans le magasin (ou éventuelle­ment dans un autre magasin proche), de déclencher une commande et même d’effectuer directemen­t le règlement en ligne. Dans la même logique, on commence à voir apparaître des bornes équipées d’un casque de réalité augmentée qui permettent d’immerger les clients au coeur d’un univers virtuel. Exemple: le client peut découvrir en 3D l’apparence de sa cuisine composée avec les meubles et les appareils qu’il envisage d’acheter… Autant d’innovation­s qui vont avoir un impact important sur l’aménagemen­t intérieur des boutiques. “En effet, assure Olivier Zavaro, co-fondateur de Zagass Design, l’arrivée du commerce phygital entraîne des modificati­ons importante­s dans l’agencement des magasins de proximité.” Pour lui, il est désormais indispensa­ble de transforme­r la boutique un peu “pauvre” dans laquelle le client n’avait pas d’alternativ­e au libre-service – sans pouvoir obtenir beaucoup de renseignem­ents – en un véritable espace de sociabilit­é et de conviviali­té en adéquation avec l’image de la marque qui doit plus que jamais séduire. C’est ainsi que chez Leroy-Merlin, il a mis au point un système de signalétiq­ue qui permet de guider aisément les clients dans les allées, que chez Sephora, un système d’encaisseme­nt par les conseillèr­es évite les longues attentes en caisse au moment du règlement, ou que chez Etam-Undiz Machine, un dispositif d’organisati­on des stocks empêche la surcharge des rayons… Autre impératif: l’expérience sensoriell­e. Au-delà des avantages que procurent les usages du web, les magasins de proximité doivent également

À l’heure du commerce en ligne, plus de trois achats sur quatre se font encore dans les boutiques de proximité

offrir à leurs clients la possibilit­é de voir et de toucher les produits qui y sont commercial­isés. Exemple type: celui des grands magasins de bricolage, comme Décocéram, une société du groupe Saint-Gobain, où Zagass Design offre aux clients la possibilit­é de disposer d’échantillo­ns des produits du catalogue à côté des images virtuelles permettant d’en imaginer le rendu dans sa maison ou dans son appartemen­t en cas d’achat.

Des espacesp réservés à l’organisati­on d’événements

Enfin, dernier aspect important du marketing sur les points de vente, celui de l’animation commercial­e. Pour la plupart des experts, le temps de la recherche à tout prix de la rentabilit­é des surfaces commercial­es est révolu. Aujourd’hui, les responsabl­es de la gestion des marques sont de plus en plus nombreux à solliciter de la part des distribute­urs la possibilit­é de disposer d’espaces consacrés à l’organisati­on de dispositif­s événementi­els. C’est ainsi, par exemple, que la firme de produits agroalimen­taires Dessert Chefs a pris l’habitude de mettre en place des séances de dégustatio­n dans les hypermarch­és du groupe Metro, tandis que les magasins La Halle organisent régulièrem­ent des ateliers créatifs à destinatio­n des enfants à l’occasion de la fête d’Halloween. Mieux : Carrefour vient d’accepter de mettre à la dispositio­n des marques qui le souhaitent un espace permanent bien placé dans plusieurs de ses hypermarch­és. Dans la même logique, les commerces de proximité se lancent, eux aussi,

dans les animations commercial­es. Il est de plus en plus fréquent de voir les marques les plus célèbres de l’industrie alimentair­e dans les boulangeri­es ou les épiceries de quartier. “Bref, les enseignes expriment désormais clairement leur volonté de réenchante­r le point de vente. C’est à ce titre que l’animation commercial­e, lorsqu’elle est en cohérence avec l’image et les valeurs des marques concernées, apparaît comme une réponse pertinente pour l’enrichisse­ment du contact client, à la fois pour le point de vente et la marque. Et encore davantage lorsqu’elle est connectée aux plateforme­s digitales de l’un et de

l’autre” confirme Guillaume Raguet, directeur général de Buzzeo, une agence de marketing spécialisé­e dans l’expérience terrain. Voilà. On comprend que l’avenir du commerce physique passe par une diminution significat­ive de ce que les Anglo-Saxons appellent le showroomin­g, c’est-à-dire le fait de se rendre dans une boutique pour choisir le produit que l’on recherche avant de rentrer chez soi pour l’acheter en ligne. C’est à cette fin qque deux jjeunes diplômés p de l’École polytechni­que ont créé en 2015 une start-up baptisée Occi, qui s’efforce d’introduire en France une technologi­e qqu’ils ont conçueç aux États-Unis lors de leurs études àl’unig versité de Berkeley. Reposant sur une approche big data, elle consiste, grâce à un système de géolocalis­ation de leur smartphone, à établir le parcours client de tous les visiteurs qui sont entrés dans la boutique. Le temps qu’ils y ont passé ? Les rayons qu’ils ont parcourus ? Ceux dans lequel ils ont effectué un achat ? Ceux dans lequel ils n’ont rien acheté ? “En traitant toutes ces informatio­ns, explique Yves Benchimol, l’un des deux co-fondateurs, nous permettons aux distribute­urs de mieux connaître leur clientèle et de pouvoir leur proposer des offres adaptées à leur profil.” Ainsi, après avoir étudié le parcours de plus de 10 millions de clients, Occi a déjà permis à ses clients – Auchan, Carrefour, le BHV, Les Galeries Lafayette… – d’élaborer des campagnes promotionn­elles très ciblées qui se sont traduites par un doublement (ou presque) de leur taux de conversion et une augmentati­on du panier moyen des meilleurs clients de l’ordre de 50 %.

 ??  ??
 ??  ?? “Notre manifestat­ion permet aux représenta­nts des marques et des enseignes de découvrir une palette de solutions marketing susceptibl­es de moderniser
l’expérience client.” Brune Jullien, Salon MPV.
“Notre manifestat­ion permet aux représenta­nts des marques et des enseignes de découvrir une palette de solutions marketing susceptibl­es de moderniser l’expérience client.” Brune Jullien, Salon MPV.
 ??  ?? “L’arrivée du commerce phygital entraîne des modificati­ons importante­s dans l’agencement des magasins de proximité.” Olivier Zavaro,
Zagass Design.
“L’arrivée du commerce phygital entraîne des modificati­ons importante­s dans l’agencement des magasins de proximité.” Olivier Zavaro, Zagass Design.
 ??  ?? “Les enseignes et les marques expriment désormais clairement leur volonté de réenchante­r le point de vente.” Guillaume Raguet, Buzzeo.
“Les enseignes et les marques expriment désormais clairement leur volonté de réenchante­r le point de vente.” Guillaume Raguet, Buzzeo.

Newspapers in French

Newspapers from France