Le Nouvel Économiste

Les bulles boursières ne seraient-elles qu’un artefact ?

Les baisses boursières sont rapidement suivies par des hausses qui annulent, en tout ou partie, les baisses précédente­s

- BERTRAND JACQUILLAT

L’évolution des marchés financiers serait scandée par une succession de bulles plus ou moins prévisible­s, et on entend dire, depuis un certain temps déjà, qu’il en existe une aujourd’hui. Et chaque correction est saluée comme le début de son éclatement. Évidemment, tout le monde a à l’esprit la hausse...

Convient-il d’évoquer un optimisme irrationne­l à propos d’une hausse importante des cours qui se trouve subséquemm­ent corrigée ? Ou de pessimisme irrationne­l lors d’une baisse des cours rapidement corrigée par leur hausse ?

LA MAIN INVISIBLE DU MARCHÉ, BERTRAND JACQUILLAT L’évolution des marchés financiers serait scandée par une succession de bulles plus ou moins prévisible­s, et on entend dire, depuis un certain temps déjà, qu’il en existe une aujourd’hui. Et chaque correction est saluée comme le début de son éclatement. Évidemment, tout le monde a à l’esprit la hausse des marchés boursiers jusqu’en 2007 et leur chute marquée en 2008-2009. Ainsi une bulle serait caractéris­ée par une très forte hausse des actions impliquant une forte chute. Mais aucune recherche académique sérieuse n’a pu faire ressortir l’évidence d’une quelconque prévisibil­ité de la chute des cours boursiers. Tout au plus l’attention se focalise sur ceux qui avaient “prévu” la bulle. Mais les Nouriel Roubini sont éphémères, et qui se souvient de la prévision de Robert Schiller, devenu prix Nobel ? Dans son ouvrage ‘ Exubérance irrationne­lle’, Shiller évoque son déjeuner du 3 décembre 1996, où il suggéra à Alan Greenspan, alors président de la Réserve Fédérale américaine, que le niveau des cours boursiers était irrationne­llement élevé. Greenspan prononça son fameux discours sur l’exubérance irrationne­lle deux jours plus tard. L’indice constitué de toutes les actions américaine­s cotées recensées par le Center for Research in Security Price (CRSP) de l’Université de Chicago était alors à 1 518. Il fit plus que doubler à 3 181 le 1er septembre 2000, quatre ans plus tard… puis chuta. Ceci ne suffit ppas à conclure qque la pprévision originelle g d’une bulle était correcte. À son plus bas du 11 mars 2003, l’indice était quand même à 1739, 15 % au-dessus des 1518, lorsque fut faite la prévision initiale. Il n’est donc pas évident que les prix étaient irrationne­llement hauts en décembre 1996, à moins qu’ils ne le soient restés depuis !

Sur quelle jambe de la bulle ?

Mais il y a plus solide et plus convaincan­t. L’évolution de décembre 1925 à décembre 2017 de l’indice CRSP fait ressortir cinq déclins boursiers qui sont par ordre d’importance : août 1929 à juin 1932 ; octobre 2007 à février 2009 ; février 1937 à mars 1938 ; août 2000 à septembre 2002 et enfin août 1972 à décembre 1974. Tous ces importants déclins sont précédés de hausses tout aussi importante­s, si bien que ces cinq périodes sont des candidats évidents à la caractéris­ation d’une bulle. Ces cinq périodes sont associées à de sévères récessions, comme l’a évoqué Fama dans l’allocution qqu’il prononçapç à l’occasion de sa remise du prix Nobel d’Économie de 2013. Le pic du marché boursier en 1929 est concomitan­t au pic du cycle économique, et le précède pour les quatre autres épisodes. Le creux du marché précède la fin de la récession sauf pour la période août 2000-septembre 2002. Il semble donc que les amples fluctuatio­ns du marché américain des actions représente­nt un bon prédicteur de l’activité future de l’économie réelle. Autre observatio­n troublante des cycles boursiers américains : les baisses boursières sont rapidement suivies par des hausses qui annulent, en tout ou partie, les baisses précédente­s. Cette observatio­n soulève donc une question légitime. Convient-il d’évoquer un optimisme irrationne­l à propos d’une hausse importante des cours qui se trouve subséquemm­ent corrigée ? Ou de pessimisme irrationne­l lors d’une baisse des cours rapidement corrigée par leur hausse? Quelle est la jambe de la bulle qui est irrationne­lle, celle qui monte ou celle qui descend ? Ou les deux ? Ou aucune ? En tout état de cause, si les actions devaient aujourd’hui baisser au-delà d’une simple correction, telle qu’elle s’est déjà manifestée à deux reprises en 2018, ce serait le signal que le cycle économique le plus long de l’après-guerre s’est déjà retourné.

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