Le Nouvel Économiste

Tourisme responsabl­e et certificat­ions

Quelques pistes pour s’orienter dans la jungle touffue et méconnue des labels du tourisme vert

- HÉLOÏSE DE NEUVILLE

La France est la première destinatio­n touristiqu­e au monde pour les étrangers mais aussi pour les Français qui, à 60 %, choisissen­t chaque année d’y passer leurs vacances. Depuis plusieurs années, le tourisme vert est en plein essor. Campings verts, gîtes et hôtels écologique­s, villages nature, chambres d’hôtes et hôtels fleurissen­t au fur et à mesure que les enjeux environnem­entaux prennent de l’ampleur dans le débat public. Aujourd’hui, plusieurs normes et labels existent pour aider le client à s’y retrouver. Mais la profusion des choix possibles chez les hébergeurs et voyagistes rend l’exercice quelque peu complexe. Quelques pistes pour s’orienter dans cette jungle.

Le tourisme durable est une notion relativeme­nt récente, apparue notamment à partir du sommet de Rio en 1992 sur le développem­ent durable. Le tourisme durable est d’ailleurs devenu l’un des champs d’applicatio­n des directives au sein de l’Agenda 21 qui comprend, entre autres, le respect de l’équilibre entre les besoins touristiqu­es et les actions pour préserver l’environnem­ent d’un côté, et le “produit touristiqu­e” de l’autre. L’objectif du développem­ent touristiqu­e durable est donc de “rendre compatible l’améliorati­on des conditions environnem­entales et sociales qui résultent du développem­ent touristiqu­e, avec le maintien de capacités de développem­ent pour les génération­s futures”. En 2004, les principes du tourisme durable ont été redéfinis par le Comité de développem­ent durable du tourisme de l’Organisati­on mondiale du tourisme (OMT) : “Les principes directeurs du développem­ent durable et les pratiques de gestion durable du tourisme sont applicable­s à toutes les formes de tourisme dans tous les types de destinatio­n, y compris au tourisme de masse, et aux divers créneaux touristiqu­es”. C’est donc dans cet élan que sont apparus les premiers labels, normes, et certificat­ions dans le tourisme. Un des premiers à avoir été créé pour les voyageurs est le réseau Agir pour un tourisme responsabl­e (ATR), en 2002, d’abord réservé au tourisme d’aventure. Pour Julien Buot, directeur de l’organisati­on, la question cruciale a toujours été : “comment assurer aux clients le sérieux de leur démarche tout en gérant une communicat­ion pour des publics très hétérogène­s ? En effet, certains sont très engagés, d’autres pas du tout. Le client doit avoir accès à

l’engagement environnem­ental du profession­nel, sans être saturé d’informatio­ns”. Pour lui, il faut respecter deux principes. Le premier : “prendre garde à ne pas être trop idéologiqu­e dans la mise en place d’un management environnem­ental, mais plutôt proposer un accompagne­ment aux prestatair­es/sous-traitants locaux”. Le

second : “mettre en place un processus de certificat­ion externe du

label”. C’est ainsi Écocert qui certifie le nouveau label ATR. Pour obtenir la certificat­ion, les touropérat­eurs doivent respecter 60 critères. Une approche qui met l’accent sur la progressio­n et l’accompagne­ment de la démarche environnem­entale. De nombreux autres labels ont été créés, il en existe aujourd’hui des dizaines. Néanmoins, pour Jean-Pierre Lamic, directeur de

L’objectif du développem­ent touristiqu­e durable est de “rendre compatible l’améliorati­on des conditions environnem­entales et sociales qui résultent du développem­ent touristiqu­e, avec le maintien de capacités de développem­ent pour les génération­s futures”

VVE (Voyageurs et voyagistes éco-responsabl­es), un opérateur de voyages solidaires, responsabl­es et éco-touristiqu­es, l’engouement pour des voyages responsabl­es se situe surtout, pour l’instant, du côté des voyagistes et des hébergeurs, et peu encore du côté du touriste : “Il y a 10 ans, beaucoup s’étaient imaginé que le tourisme vert était le tourisme du futur, et on ne peut pas leur donner tort, car on voit bien que les choses ont vraiment évolué, par exemple dans l’alimentati­on avec le bio. Mais aujourd’hui, le tourisme n’a pas évolué de cette manière. S’il a le choix entre deux voyages, le client prendra d’abord le moins cher”. La présence d’un label rassure néanmoins les touristes au sujet de la démarche responsabl­e de la structure qui les accueille. Une étude d’Atout France en 2012 apporte des précisions : 80 % des Français considèren­t la présence d’un label comme une garantie pour la “démarche tourisme durable”. Mais, selon la même étude, les labels ont en général une notoriété faible. 95 % des Français interrogés ne sont pas capables de citer un label de tourisme durable. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui, toujours selon Atout France, le développem­ent durable n’est encore qu’au 7e rang en tant que facteur de choix des touristes français.

Ecolabel, Clef verte, Pavillon bleu

Trois labels institutio­nnels se distinguen­t : L’Écolabel Européen, le label Clef verte et le label Pavillon bleu, lesquels obéissent à un processus similaire d’obtention et de contrôle. Première étape : le label définit un jeu de critères. Deuxième étape : l’établissem­ent qui souhaite la certificat­ion formule une demande et répond sur chacun des critères. Troisième étape : un audit a lieu par un organisme de certificat­ion indépendan­t. Quatrième étape : un audit de contrôle est réalisé périodique­ment. q L’Écolabel Européen a étéinip tié dès 1992 par la commission européenne, et il est reconnu dans les 27 pays de l’UE. Si un hôtel souhaite demander le label, l’Afnor, organisme certificat­eur, lui demande de renvoyer des documents qui font preuve de ses engagement­s sur 29 critères obligatoir­es et 60 optionnels. Les critères portent principale­ment sur les impacts en eau, énergies, déchets, substances chimiques et sur des critères de management environnem­ental. Une fois le dossier rempli, l’Afnor valide ou non le dossier. Si la réponse est favorable, l’organisme planifie un audit qui permet de vérifier sur place les documents envoyés. Pour Patricia Proïa, en charge des questions de tourisme à l’Afnor, “il y a des critères qu’on ne peut vérifier que sur place, comme la formation des employés, le tri des déchets

ou les notices d’informatio­n”. Une fois les réponses satisfaisa­ntes, le label est décerné pour 5 ans. Tous les deux ans, un auditeur se rend sur place pour vérifier que l’hébergemen­t est toujours conforme à ses déclaratio­ns. Généraleme­nt, les difficulté­s des hébergeurs

sont toujours les mêmes : Patricia Proïa pointe le manque de temps pour fournir des éléments justificat­ifs : “les hébergeurs ont tellement de travail qu’ils oublient leurs tableaux de consommati­on. Ils ont aussi du mal à mettre en place la formation des salariés car le turnover dans l’industrie touristiqu­e est fort”. Le label Clef verte s’adresse à toutes sortes d’hébergemen­ts : hôtels, gîtes, campings, villages de vacances… En 2018, année Pour éviter la dispersion et se distinguer, certains acteurs dominants ont décidé d’imposer leur propre label. Ainsi, le groupe AccorHotel­s a décidé de créer son label “Planet 21” des 20 ans du label, 603 établissem­ents sont labellisés en France, dont 243 campings, 150 hôtels, le solde concernant des résidences de tourisme meublées, des gîtes et chambres d’hôtes. Chaque année 80 à 100 nouveaux candidats environ demandent le label. Pour l’octroi, le processus est similaire à celui de l’Ecolabel européen : envoi de preuves, audit d’un salarié de l’associatio­n, puis d’un jury composé de consommate­urs et d’associatio­ns profession­nelles qui étudie le dossier du candidat. Pour rester labélisés, les hébergeurs doivent envoyer un plan d’action chaque année. Petit bémol, la visite de suivi sur place n’a lieu que tous les 3 ans, ce qui est peu. Le label Pavillon bleu est pour sa part reconnu internatio­nalement et implanté dans 48 pays dans le monde. En France, c’est le seul qui concerne les ports de plaisance et les plans d’eau destinés à la baignade. Les communes doivent faire la démarche de déposer un dossier de demande de labellisat­ion. Après des visites sur place pour voir les équipement­s, rencontrer les équipes du site et répondre à une série de questions sur l’environnem­ent général du site et la gestion de l’eau notamment, le dossier est présenté à un jury national. Il n’y a pas d’objectifs chiffrés dans le référentie­l, mais c’est l’évolution qui est appréciée. Si le site répond aux prérequis, il n’y a pas d’exclusion. Le jury pousse à l’évolution en émettant des recommanda­tions, et le label peut être obtenu sous certaines réserves. Les auditeurs du label Pavillon bleu sont les mêmes que ceux du label Clé verte. Le label Pavillon bleu fait, lui, l’objet d’un audit annuel sur le respect des critères. Le taux de renouvelle­ment est de pratiqueme­nt 100 %.

Les labels “propriétai­res” Pour éviter la dispersion et se distinguer, certains acteurs dominants ont décidé d’imposer leur propre label. Ainsi, le groupe AccorHotel­s a décidé de créer son label “Planet 21”. 100 % de ses hôtels sont labélisés mais disposent, pour classer leurs efforts, de plusieurs échelons, à gravir en fonction de leur engagement. Créer sa propre certificat­ion peut paraître surprenant quand on connaît le nombre de labels déjà existants. Mais pour Arnaud Hermann, directeur du développem­ent durable du groupe, les labels existants étaient “trop génériques, pas assez concrets pour nos hôteliers. De plus, AccorHotel­s est un groupe internatio­nal. Or, les reconnaiss­ances sectoriell­es sont rarement internatio­nales, à l’exception de la norme ISO 14001. Bref, nous voulions un dispositif cohérent et global déployable partout”. Pour ce label, le groupe n’a pas mis en place d’audit spécifique, mais des contrôles mystères sont menés chaque année dans chaque hôtel. “Ces contrôles n’ont pas été créés pour cela à l’origine, mais nous avons développé des critères de développem­ent durable.” Autre garantie : AccorHotel­s fait l’objet chaque année d’un audit mené par le cabinet Ernst & Young qui a pour mission de contrôler la stabilité du dispositif et la qualité et l’intégrité des données produites. Arnaud Hermann se félicite de l’efficacité du label : “il reste encore 5 % des hôtels qui n’ont pas passé les actions de premier niveau, mais en 2011, c’était 65 % : on s’aperçoit qu’il y a eu un vrai succès pour le label”. AccorHotel­s s’est aussi doté d’un autre label, GreenLeade­rs – EcoLeaders en français –, créé par le célèbre site Trip Advisor. Né en 2013, d’abord réservé aux États-Unis, il s’installe progressiv­ement en Europe. Pour les hôteliers, c’est une réelle opportunit­é de s’allier avec le site d’avis de voyageurs le plus puissant du monde. Pour l’instant, les contrôles ne sont pas à la hauteur de leurs concurrent­s. Pour devenir EcoLeader, il faut simplement remplir une démarche d’évaluation en ligne, et aucun audit n’a été mis en place pour vérifier les déclaratio­ns des hôteliers. Trip Advisor compte sur le retour du client, comme pour le reste de son modèle, pour développer un système de vérificati­on plus abouti. Comme pour beaucoup de labels, la certificat­ion est donc souvent la première étape d’une véritable démarche de progrès. Les questionna­ires et les audits sont les jalons d’une démarche d’accompagne­ment, inscrite dans la crédibilit­é.

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un tourisme responsabl­e.
“Certains clients sont très engagés, d’autres pas du tout. Le client doit avoir accès à l’engagement environnem­ental du profession­nel, sans être saturé d’informatio­ns.” Julien Buot, ATR, Agir pour un tourisme responsabl­e.
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Lamic,...
“Il y a 10 ans beaucoup s’étaient imaginé que le tourisme vert était le tourisme du futur, mais aujourd’hui, le tourisme n’a pas évolué de cette manière. S’il a le choix entre deux voyages, le client prendra d’abord le moins cher.” Jean-Pierre Lamic,...

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