Le Nouvel Économiste

America first ou L’esprit des lois ?

Le discours de Macron au Capitolep nous rappellepp que le Congrès est le premier des trois pouvoirs aux États-Unis

- VINCENT MICHELOT

On a beaucoup glosé, des deux côtés de l’Atlantique,q sur les objectifsj visés ppar Emmanuel Macron lors de sa visite d’État, sur la capacité du président français à infléchir le cours de la ppolitique­q extérieure des États-Unis, sur le caractère “surjoué” de la relation entre les deux hommes, sur ce pessimisme réaliste qui transparut à la fin du déplacemen­t. La mise en scène médiatique fut celle d’un bras de fer entre deux hommes dont on a souligné à l’envi les différence­s, les opposition­s et les désaccords, mais aussi fortement exagéré les ressemblan­ces sur le thème de l’outsider ou de la “surprise électorale” qui avait bouleversé le corps politique des deux pays. Dans ce face-à-face de western, les entourages des deux hommes s’estompaien­t, épouses, ministres et conseiller­s étaient relégués dans la pénombre et l’anonymat, comme si les décisions sur les tarifs douaniers sur l’aluminium et l’acier ou sur l’accord sur le nucléaire iranien allaient être prises par le seul président dans le Bureau ovale. In fine, Donald Trumpp aura bien le dernier mot : il est le chef de l’État et le chef des armées.

Nonobstant, il ne faudrait pas confondre l’homme et la fonction. Le politologu­e Benjamin Ginsberg le dit fort bien dans son récent essai sur l’exécutif américain,

‘Presidenti­al Government’ : “Le président est certes une personne, mais la présidence est une fonction qui s’intègre dans une structure institutio­nnelle et constituti­onnelle et dans un cadre historique qui limite certaines possibilit­és et en ouvre d’autres”. La singularit­é de Donald Trump tient au fait qu’il a toujours refusé d’accepter les contrainte­s de la fonction, se privant ainsi de la légitimité et du pouvoir qu’elles lui apportent. Il est un président solitaire et coupé de la matrice constituti­onnelle, et c’est à cet homme seul que la diplomatie française s’est adressé dans un exercice de réalisme froid et calculé.

Le Congrès, premier des trois pouvoirs

Mais au-delà des tête-à-tête et des dîners, il y eut aussi deux exercices de soft power qui s’inspirent d’une lecture plus classique des institutio­ns américaine­s, le discours au Congrès et la rencontre avec les étudiants de l’Université George Washington. La fonction de ces deux moments devient très claire dès lors que l’on comprend que même si le président Trump devait sortir de l’accord sur le nucléaire iranien le 12 mai, c’est au Congrès qu’il appartiend­rait de voter d’éventuelle­s nouvelles sanctions et de poser un cadre différent pour la relation avec l’Iran. Même si l’Europe, le 1er juin, devait ne plus être exemptée des tarifs douaniers, ce sont l’entourage direct du président et les élus, essentiell­ement républicai­ns, qui devront répondre de cette décision devant les consommate­urs américains, mais aussi devant les secteurs industriel­s qui seront affectés en retour. Or le contexte partisan à 6 mois des élections de mi-mandat est tel que le président Trump devra peut-être à négocier la refondatio­n de l’Alena, les dossiers nord-coréen et iranien, ou la question des tarifs douaniers avec un Congrès dont l’une des deux chambres au moins pourrait être à majorité démocrate. Certes, il est seul en son palais et en matière de politique étrangère, jouit d’un pouvoir bien supérieur que sur les qquestions intérieure­s. Pour autant, aucun président des États-Unis n’est jamais parvenu à conduire une politique extérieure transforma­trice contre le Congrès. Et donc dans une ironique inversion des formes géographiq­ues de la ville de Washington, Emmanuel Macron Sisyphe a roulé sa pierre dans la plaine de la MaisonBlan­che pour mieux gravir la colline du Capitole, un rappel à la loi organique pour ceux qui avaient oublié que les constituan­ts de Philadelph­ie considérai­ent que le Congrès était le premier des trois pouvoirs. L’esprit des lois ou America First ?

Donald Trump est un président solitaire et coupé de la matrice constituti­onnelle, et c’est à cet homme seul que la diplomatie française s’est adressé dans un exercice de réalisme froid et calculé

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