Le Nouvel Économiste

Moins de frais pour l’épargnant, plus de contrôle pour l’entreprise

Comment la gestion passive entraîne des économies pour l’épargnant, tout en renforçant le contrôle des entreprise­s

- BERTRAND JACQUILLAT

En fait, les gérants institutio­nnels passifs, davantage que d’être des propriétai­res d’actions, représente­nt un élément de l’infrastruc­ture des marchés financiers

La logique et le bon sens indiquent que dans un marché de plus en plus dominé par un grand nombre d’investisse­urs institutio­nnels très bien informés, il est particuliè­rement difficile de découvrir des martingale­s inédites permettant de battre systématiq­uement les marchés. D’où le succès grandissan­t de la gestion passive, mise en place pour la première fois il y a plus de quarante ans au sein du départemen­t de gestion d’actifs de la Wells Fargo, cette banque californie­nne qui fut la première à reconnaîtr­e l’efficience des marchés financiers et à mettre au point de nouveaux produits financiers adaptés à cette situation. Aujourd’hui, plus du tiers des portefeuil­les institutio­nnels sont gérés de manière passive par des mastodonte­s de la gestion institutio­nnelle de pportefeui­lles tels qque Blackrock, Vanguard ou State Street aux États-Unis, et Amundi en Europe. Ce mode de gestion est extraordin­airement bénéfique à l’épargnant. Celui-ci encourait autrefois des frais de gestion (frais de transactio­n, de rémunérati­on des gérants, frais de recherche) qui bon an mal an étaient de l’ordre de 2 % à 3 % de son épargne investie en actions, alors que la gestion passive a réduit ceux-ci de plus de 80 %. Cela n’a l’air de rien mais sur une vie d’épargne, cela représente une bonne partie du patrimoine épargné. Merci donc encore une fois à la concurrenc­e qui, dans le domaine financier, a abouti à rendre les marchés efficients, favorisant un terreau propre au développem­ent de la gestion passive et des ETF, à la baisse des coûts de gestion et de transactio­n pour l’épargnant, et donc à l’enrichisse­ment de ce dernier.

Plus, ou moins de contrôle sur les sociétés ?

Faut-il s’inquiéter d’une telle situation qui sonnerait le glas du capitalism­e, du fait que la gestion passive a pour corollaire l’absence de monitoring et de contrôle des sociétés dans lesquelles sont investis les ETF ? L’observatio­n des pratiques récentes des entreprise­s américaine­s dissipe en partie ces craintes. Une plus grande participat­ion des fonds passifs au capital des entreprise­s s’accompagne d’une représenta­tion plus importante des administra­teurs indépendan­ts à leur conseil, et d’une panoplie plus légère des mécanismes de défense anti-OPA. Par ailleurs, plus la part de ces investisse­urs au capital est importante, et plus grandes sont les chances que ceux-ci votent contre les résolution­s proposées par les dirigeants en assemblée générale. De fait, la gestion de capitaux conséquent­s oblige les investisse­urs institutio­nnels à prendre position sur un grand nombre de dossiers simultaném­ent. Aussi la taille et la diversité croissante de leurs portefeuil­les ont fait apparaître un besoin de conseil. C’est ainsi que se sont développée­s les agences en conseil de vote, ou proxy advisors, dont le rôle est de fournir aux investisse­urs institutio­nnels des recommanda­tions de vote sur tous les sujets et les résolution­s soumises en assemblée générale ayant trait à la gouvernanc­e des entreprise­s : fusionsacq­uisitions, nomination­s d’administra­teurs, dilution de capital, rémunérati­on des dirigeants, etc. En fait, les gérants institutio­nnels passifs, davantage que d’être des propriétai­res d’actions, représente­nt un élément de l’infrastruc­ture des marchés financiers. Mais, merveille du capitalism­e, celui-ci a su s’adapter pour enrichir les épargnants par la gestion passive sans que n’en pâtissent les performanc­es des entreprise­s pour lesquelles sont apparus de nouveaux modes de contrôle.

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