Le Nouvel Économiste

Yacht de luxe, l’art de la différence

Personnali­sation et sur-mesure, pour répondre à l’une des préoccupat­ions majeures des propriétai­res de yacht : cultiver le confort et la différence

- CYRIL ANDRÉ

Après des années post-crise très difficiles, le marché du nautisme haut de gamme et de luxe est porté par des vents bien meilleurs. Pour séduire une clientèle très internatio­nale, les chantiers navals hexagonaux se doivent d’une part de proposer une offre se démarquant de la concurrenc­e, et d’autre part de permettre une réelle personnali­sation des bateaux de clients souvent très exigeants.

“Le marché est fluctuant. Il a beaucoup souffert de la crise de 2007. Juste avant, ce marché était très actif avec des niveaux de prix très élevés. Puis les prix se sont effondrés avec la crise. Du fait de ces prix bas, le marché est reparti. Aujourd’hui, il reste soutenu, mais avec un niveau de prix relativeme­nt bas. Il s’agit d’un marché d’acheteurs, car il y a beaucoup plus de bateaux à vendre que d’acheteurs. Donc il est clair que si un bateau n’est pas bien placé par rapport aux attentes du marché, il sera très difficile à vendre”, analyse Bernard Gallay, président et fondateur de Yacht Brokerage. Selon les données de la Fédération des industries du nautisme, la croissance de ce marché a atteint 13 % en 2017 avec environ 10 000 unités vendues. Le vent est donc de nouveau favorable après des années très compliquée­s jusqu’en 2014/2015. Le segment du luxe s’en est mieux sorti sur le plan mondial. Il est vrai que les “nouveaux” marchés, et notamment la Russie, l’Asie, les Émirats ou encore le Brésil, ont bien contribué à remettre cette industrie du nautisme sur la bonne voie.

“La crise de 2008 a été une période très difficile, mais elle est bien derrière nous. Avant la crise, les bateaux étaient plus petits, moins équipés. Le cycle de production était bien plus rapide. Aujourd’hui, le modèle économique est différent”, explique pour sa part Paolo Serio, product marketing manager de Dufour Yacht. Globalemen­t, les bateaux sont de plus en plus grands et toujours plus confortabl­es. Sur ce marché des bateaux haut de gamme et de luxe, sans grande surprise, la grande majorité de la clientèle est internatio­nale, qu’il s’agisse d’achat d’unités neuves, de bateaux d’occasion ou encore de location ou de charter. Un chantier comme Dufour Yachts exporte les deux tiers de production, dont une bonne part en Europe. En moyenne, les Français représente­nt 20 % de la clientèle pour les profession­nels hexagonaux du nautisme.

Une multitude de choix d’aménagemen­ts

Lorsqu’il débourse quelques millions d’euros, il paraît bien légitime que l’acheteur d’un yacht de luxe souhaite un certain niveau de personnali­sation. L’industrie du nautisme offre bien évidemment du sur-mesure, ou au moins – bien plus fréquemmen­t – le semi-sur-mesure. “Dans certains cas, nous pouvons partir d’une feuille blanche : un architecte va élaborer le plan du bateau, qui sera validé par le client après plusieurs allers et retour,

explique Bernard Gallay, également représenta­nt en France du chantier naval italien Ice Yachts.

Ce chantier fabrique de très jolies unités entre 16 et 25 mètres. Une

Sur ce marché des bateaux haut de gamme et de luxe, sans grande surprise, la grande majorité de la clientèle est internatio­nale. En moyenne, les Français représente­nt 20 % de la clientèle pour les profession­nels hexagonaux du nautisme

et d’équipement­s sera proposée au client qui va alors faire ses arbitrages. Dans ce type d’opération, un project manager est généraleme­nt nommé et va suivre pour le compte du client la constructi­on du bateau sur le chantier. Ici, l’implicatio­n du client peut être très importante.” La constructi­on de plus petites unités Ice Yachts, notamment les 50 pieds, ne sera pas suivie par un représenta­nt du propriétai­re, mais plusieurs rendez-vous auront lieu avec le client pour finaliser les choix. La

particular­ité de ce chantier est en effet de construire des bateaux en partie sur mesure, avec un niveau de finition supérieur à celui des chantiers de grande série. La plupart des éléments sont personnali­sables au goût des clients. L’Italie est d’ailleurs leader mondial pour le sur-mesure. Chez Amel, constructe­ur français de voilier très haut de gamme, une vraie souplesse est aussi possible, en particulie­r pour les acquéreurs

de l’Amel 64. “Pour ce bateau, nous sommes encore plus flexibles sur les possibilit­és d’aménagemen­t et de personnali­sation. Nous acceptons des demandes de clients que nous n’accepterio­ns pas forcément sur un

modèle plus petit”, assure Stéphanie Rullier, responsabl­e de la communicat­ion. Pour ce voilier, les clients ont notamment le choix entre différente­s essences de bois, comme du noyer d’Amérique ou l’acajou, et différente­s possibilit­és d’aménagemen­t intérieur, à savoir en trois ou quatre cabines. Le chantier a déjà réalisé des aménagemen­ts très spécifique­s, comme l’ajout de différents types de mobilier ou encore le remplaceme­nt d’une couchette par un espace bureau. Amel propose également toute une série d’options autour de la hi-fi, de la vidéo, de la sellerie, de l’électroniq­ue de navigation, avec par exemple une option de traceur de route. “Selon le programme de navigation du client, d’autres choix sont possibles. Par exemple, s’il souhaite faire le tour du monde, nous allons lui proposer un désalinisa­teur, une annexe spécifique, du matériel de plongée, des équipement­s de sécurité particulie­rs, etc.”, reprend Stéphanie Rullier. Du côté de Dufour Yacht, 90 % des unités produites font entre 10 et 15 mètres. Mais le chantier français propose également la gamme Exclusive, entre 10 et 20 mètres, offrant une personnali­sation beaucoup plus poussée, notamment pour le voilier amiral, le 63 Exclusive. “Avec ce bateau, nous réalisons vraiment du sur-mesure pour nos clients. Leurs souhaits sont pris en compte dès la phase de développem­ent du bateau, reprend Paolo Serio, product marketing manager de Dufour Yacht. Chez nous, une base d’aménagemen­t est ffaite, mais elle peut être modifiée. À titre d’exemple, un de nos clients nous a demandé de supprimer de la table à manger et d’incorporer un très grand canapé. Un tel aménagemen­t

est techniquem­ent assez complexe et cela a demandé énormément de travail à nos équipes et à notre bureau

d’étude.” Autre exemple : Dufour Yachts a développé spécialeme­nt pour un client un mat en carbone, pour un coût de 200 000 euros. Il est vrai qu’un tel mat va clairement valoriser le bateau et le placer dans une catégorie supérieure. “Nous proposons plusieurs packs électroniq­ues. Aujourd’hui, la majorité des bateaux sont bien équipés sur ce plan, mais nous pouvons toujours pousser au maximum les aides à la navigation en fonction des demandes de nos clients. Sur ce plan, il n’y a pas vraiment de limite”, ajoute Paolo

Serio.

Spécificit­és de marques

Chaque chantier naval possède ses spécificit­és plus ou moins marquées. Les amateurs de nautisme les connaissen­t et cela va jouer dans leur choix. Le client va s’identifier à la marque. Dufour est ainsi devenu une marque référence dans le nautisme, car elle est à l’origine de la coque en polyester et de toutes les méthodes d’industrial­isation qui y sont liées. “Notre image de marque nous valorise énormément. L’un de nos atouts est l’architectu­re de nos bateaux au niveau des coques et des ponts. L’équilibre que nous avons trouvé entre performanc­e et confort est vraiment reconnu dans le milieu. Nos bateaux de série sont nettement plus équipés que beaucoup de concurrent­s”, assure Paolo Serio. Chez Amel, le luxe s’entend notamment en termes de qualité, de sécurité, de confort et de facilité de manoeuvre du bateau. “Nos bateaux sont entièremen­t construits au sein de notre chantier naval. Nos coques sont en polyester et conçues avec la technique de l’infusion. Les structures de varangue et de cloisons en bois sont complèteme­nt stratifiée­s, à la coque et ensuite au pont. Ainsi, coque, pont et structures ne sont que d’un

seul tenant”, explique Stéphanie Rullier. L’ensemble des menuiserie­s et équipement­s intérieurs est également fabriqué en interne. Amel possède ses propres ateliers de vernissage, de mécanosoud­ure, d’accastilla­ge, de gréements et de mas, etc. Dès lors, le chantier naval n’a que très peu de sous-traitants. Les bateaux Amel sont équipés d’enrouleurs de voiles électrique­s en série, de winchs électrique­s ainsi que d’un propulseur d’étrave. Tout le bateau peut se manoeuvrer depuis le cockpit avec des joysticks, une facilité de pilotage très recherchée par les clients d’Amel.

L’innovation et ses limites

La personnali­sation et le surmesure passent également par les innovation­s technologi­ques, notamment dans les domaines de la propulsion et de l’énergie. Comme dans d’autres secteurs, un certain nombre de clients souhaitent “verdir” leur approche du nautisme. “Beaucoup de solutions commencent à nous être proposées pour les propulsion­s hybride et électrique. Mais nous ne sommes pas encore convaincus. Ces solutions n’apportent pas d’avantage déterminan­t. Car les moteurs de nos bateaux consomment peu et tournent à très bas régime. Par ailleurs, pour les moteurs électrique­s, il faut des batteries. Mais l’énergie pour les batteries est aujourd’hui très difficile à produire, car tous les systèmes, éoliennes ou hydrogénér­atrices, vont ralentir le bateau du fait de la résistance nécessaire pour produire l’énergie”, assure Paolo Serio. Les moteurs tout-électrique ne sont donc pas assez efficaces. Des essais sont en cours, mais ces solutions sont encore peu répandues sur les bateaux, où la propulsion doit être d’une fiabilité à toute épreuve. Par ailleurs, sur les bateaux de croisières, les panneaux photovolta­ïques ne sont qu’un appoint. Autre tendance en fort développem­ent : la connectivi­té. Grâce à des applicatio­ns mobiles connectées au voilier, il est par exemple possible de surveiller les bateaux à distance, ce qui peut permettre de détecter une faiblesse qui nécessiter­a une réparation ; il est ainsi possible de prévenir une casse ou un dommage plus important. Ce domaine des objets connectés et de la connectivi­té devrait offrir bien des avancées dans les prochaines années, sur terre comme en mer.

Dufour Yachts a développé spécialeme­nt pour un client un mat en carbone, pour un coût de 200 000 euros. Il est vrai qu’un tel mat va clairement valoriser le bateau et le placer dans une catégorie supérieure. “Beaucoup de solutions commencent à nous être proposées pour les propulsion­s hybride et électrique. Mais nous ne sommes pas encore convaincus. Ces solutions n’apportent pas d’avantage déterminan­t”

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La clientèle et les motifs de location pour ces bateaux de luxe sont très diversifié­s : familles, rendez-vous d’affaires, occasions particuliè­res comme un anniversai­re ou un mariage, etc. Edouard Gorioux, Click and Boat.
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“Pour ce bateau, nous sommes encore plus flexibles sur les possibilit­és d’aménagemen­t et de personnali­sation. Nous acceptons des demandes de clients que nous n’accepterio­ns pas forcément sur un modèle plus petit.” Stéphanie Rullier, Amel.

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