La formation professionnelle au carré
La création d’un référentiel national de certification des organismes de formation vise une montée en gamme et une transparence attendues par tous
La réforme de la formation professionnelle présentée début mars par la ministre du Travail Muriel Pénicaud prévoit la mise en place d’une certification nationale des organismes de formation. Le projet de loi “pour la liberté de choisir son avenir professionnel”, qui sera étudié par le Parlement à l’été, indique que les prestataires de formation devront être “certifiés sur la base de critères définis par décret” pour pouvoir accéder aux financements publics ou paritaires. Cette certification sera “délivrée par un organisme dûment accrédité ou par une instance de labellisation reconnue par France Compétences”, la future agence nationale qui remplacera les trois instances de gouvernance actuelles : FPSPP (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels), Cnefop (Conseil national de l’emploi, de la formation et
Le projet de loi “pour la liberté de choisir son avenir professionnel” indique que les prestataires de formation devront être “certifiés sur la base de critères définis par décret” pour pouvoir accéder aux financements publics ou paritaires
de l’orientation professionnelles) et Copanef (Comité paritaire interprofessionnel pour l’emploi et la formation). Cette accréditation se fera sur la base d’un “référentiel
national” qui fixera les indicateurs d’appréciation des critères ainsi que les modalités d’audit. “La certification systématique des organismes de formation est essentielle pour améliorer la qualité, le professionnalisme
et la transparence du secteur”, juge Stéphane Carcillo, chef de la division emplois et revenus à l’OCDE. Comme le rappelle le Cnefop dans un rapport publié fin janvier 2018, la question de la qualité de la formation professionnelle est loin d’être nouvelle. C’est à la fin des années 1980 qu’elle arrive dans le débat public, sous deux angles : la qualité des organismes de formation euxmêmes, et la qualité des actions de formation qu’ils délivrent. Dans les années 1990, deux lois comportent des dispositions relatives à la qualité de la formation professionnelle, mais ces dernières ne font pas l’objet d’une traduction réglementaire et opérationnelle. Il faudra attendre la loi du 5 mars 2014 et le décret du 30 juin 2015 pour que des critères de qualité soient imposés à tous les organismes de formation financés par des fonds publics ou paritaires.
Une cinquantaineq de certifications et labels existants
Le secteur n’a pas attendu ce décret pour élaborer des politiques qualité et entreprendre des démarches de labellisation. Ainsi, la Fédération de la formation professionnelle (FFP) a promu dès 1994 la création de l’Office professionnel de qualification des organismes de formation (OPQF), et elle impose à tous ses membres d’avoir le label OPQF. Il existe beaucoup d’autres certifications et labels (norme ISO 9001, certifications Afnor, etc.) : en décembre 2017, le Cnefop en recensait 49 (30 certifications et labels
généralistes et 19 certifications et labels spécialistes) bénéficiant à 5 183 organismes de formation. “Il y a un véritable foisonnement de référentiels qualité possiblement applicables aux organismes de formation. L’avantage de la réforme telle qu’on la lit pour l’instant serait de simplifier cette situation avec la mise en place d’un référentiel national”, estime Aurélie Feld, présidente de CSP The Art of Training. Comment cette nouvelle réforme va-t-elle s’articuler avec celle de 2014 ? A priori, elles vont dans le même sens puisque cette dernière a justement amorcé un mouvement d’unification en matière de qualité. Les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) se sont saisis des six critères du décret du 30 juin 2015 pour les décliner en 21 indicateurs et mettre en place une base nationale recensant les organismes de formation qui les respectent, Datadock. Une procédure de référencement simplifiée sur Datadock a ensuite été mise en place pour les prestataires de formation bénéficiant d’une certification ou d’un label référencés ppar le Cnefop. p À la mi-janvier, plus de 30 000 organismes de formation étaient “datadockés”, dans un secteur qui compte environ 86 000 acteurs.
De nouveaux critères
Pour Laurence Carlinet, directrice France d’ETS Global, la nouvelle réforme devrait s’inscrire dans la continuité de Datadock. “C’est une première expérimentation qui fonctionne plutôt bien et il s’agit maintenant d’aller plus loin”, juge-t-elle. Il est probable que le référentiel national se base sur les six critères du décret et les indicateurs Datadock, qui portent notamment sur l’identification précise des objectifs de la formation, sur les dispositifs d’accueil, de suivi pédagogique et d’évaluation des stagiaires, sur l’adéquation des moyens pédagogiques, techniques et d’encadrement à l’offre de formation, ou encore sur la qualification professionnelle des formateurs. “Il serait bien que le futur référentiel intègre aussi des critères relatifs à la capacité de l’organisme à s’adapter aux évolutions sociales et technologiques, à sa faculté à prendre en compte son environnement et à sa solidité financière”, suggère Pascal Depeint, directeur des opérations de CSP The Art of Training. Directeur des ressources humaines et directeur éditorial chez Unow, Pierre Monclos aimerait quant à lui “plus de transparence sur les taux de satisfaction des apprenants, les taux de complétion des formations en ligne et le profil des formateurs”. Selon lui, “Datadock n’a pas suffisamment fait évoluer les pratiques des organismes de formation, notamment à cause d’un contrôle limité à des justificatifs papiers”. Pour sa deuxième année de fonctionnement, Datadock a justement prévu d’aller plus loin, avec l’ambition, affichée dans sa feuille de route 2018, de contrôler sur place 800 organismes de formation. Avec la nouvelle réforme, l’audit
pourrait devenir systématique. Une avancée que Pascal Depeint
appelle de ses voeux : “cela aurait notamment l’avantage d’éviter la surenchère documentaire qui caractérise certaines certifications existantes. Il faut parfois fournir 300 à 400 documents pour certains référentiels qui font peu ou pas d’audit.”
Un marqueurq qqualité lisible pour le grand public
La question de l’articulation entre la certification nationale et les certifications et labels existants reste ouverte. “S’il était décidé d’aller vers une certification nationale unique, il faudrait prévoir les conditions dans lesquelles des certifications ou labels spécialisés, qui actuellement permettent de valider les critères du décret du 30 juin 2015 (…), pourront se greffer à la certification nationale”, écrivait le Cnefop dans son rapport publié fin janvier. Dans ce document, plusieurs scénarios sont envisagés dont certains prévoyant la suppression de la liste élaborée par le Cnefop. Ce dernier souligne par ailleurs la nécessité de créer un marqueur qualité qui soit lisible pour le grand public. “Plus la focale se place sur l’individu, qui est au centre de son parcours et doit
être à même de développer ses compétences en choisissant les formations dont il a besoin, plus il est nécessaire d’avoir des garanties sur la qualité des organismes de formation et des
formations elles-mêmes”, explique Laurence Carlinet. C’est le sens de la réforme, qui prévoit la mise en place d’une application à partir de laquelle chaque actif pourra directement comparer les offres des différents prestataires de formation.
En décembre 2017, le Cnefop recensait 49 certifications et labels bénéficiant à 5 183 organismes de formation La question de l’articulation entre la certification nationale et les certifications et labels existants reste ouverte