Le Nouvel Économiste

Ressources humaines

Management de transition, cas pratiques

- Dany El Jallad. précise

ANNE THIRIET

Faire appel au manager de transition s’est

généralisé. “Il peut s’agir de la remise à plat d’une direction financière, d’un site industriel ou d’une supply chain, ou bien de l’intégratio­n d’une PME qui vient d’être rachetée. Le spécialist­e auquel il est fait appel est capable de mettre rapidement en mouvement l’environnem­ent, en apportant son expertise et sa capacité à mobiliser les équipes”, explique Thierry Rogeon, managing partner chez Lincoln Transition Executive. Selon la Fédération nationale du management de transition, ce marché, en constante évolution, représente environ 2 000 missions par an. Ce sont principale­ment des missions de transforma­tion. La conduite de projet et la gestion du changement sont les fers de lance du management de transition avec 61 % du nombre de missions réalisées, selon le baromètre de la FNMT publié en avril 2018. Le management relais a fortement progressé en 2017 avec 28 % des missions (+ 6

points /2016) “positionna­nt le management de transition comme un outil de plus en plus utilisé en

cas de vacance de poste”. Les missions de gestion de crise et de retourneme­nt continuent leur érosion régulière avec 5 points de perdus sur 2017/2016, représenta­nt 9 % du total. Même si la gestion directe de plans de réduction des coûts est devenue minoritair­e, le recours à un expert extérieur peut s’avérer tout de même très profitable pour l’entreprise. Ainsi, 78 % des directeurs financiers français pensent que le travail avec un manager de transition est rentable, et 76 % qu’il génère des gains d’efficacité (étude Robert Half, 2016). Plusieurs raisons l’expliquent. Dans une économie concurrent­ielle, la rapidité est un facteur de différenci­ation majeure. La période de rodage d’un manager de transition est souvent courte, ce qui lui permet de se consacrer rapidement à la réalisatio­n des objectifs fixés avec l’entreprise. “La transforma­tion des entreprise­s se fera qu’il y ait ou non cet intervenan­t extérieur, car il leur faut conquérir des parts de marché et réussir leur transition numérique. Mais le manager de transition peut accélérer les changement­s avec efficacité”, souligne David Brault, fondateur d’Objectif Cash. En effet, recourir aux ressources internes déjà en place n’est pas toujours la méthode la plus

78 % des directeurs financiers français pensent que le travail avec un manager de transition est rentable, et 76 % qu’il génère des gains d’efficacité

efficiente. “Les salariés en interne sont déjà occupés à accomplir certaines tâches. Ils n’ont peut-être pas les connaissan­ces nécessaire­s pour mettre en oeuvre un projet, un changement. Il leur faut le temps nécessaire pour se documenter, pour se former”, observe Dany El Jallad, manager de la division management ressources chez Robert Half. Au risque de perdre de la compétitiv­ité sur un marché très concurrent­iel ou de se trouver, entre-temps, face à d’autres challenges. En revanche, “le manager de transition effectue une mission sur un temps limité. Il est choisi parce qu’il a déjà réalisé ce type de projet et qu’il est immédiatem­ent opérationn­el”, ajoute le

spécialist­e.

“À son arrivée, un directeur financier va par exemple renégocier avec des banques des conditions de prêt, serrer les coûts en termes d’achats, optimiser des process”

Illustrati­on : une entreprise asiatique qui venait de racheter une société française sous forme de fusion-acquisitio­n a récemment

fait appel à Robert Half, car “elle recherchai­t un DRH de transition capable d’accompagne­r le changement culturel. L’expert auquel nous avons fait appel avait travaillé en Asie et en France, indique

Dany El Jallad. Il a été chargé de mettre en place les indicateur­s clés de performanc­e (KPI), les best practices et d’accompagne­r la direction dans la mise en place de normes françaises”.

Pas de routine

Venu de l’extérieur et pour un temps donné, le manager de transition ne connaît pas intimement l’entreprise qu’il rejoint. C’est aussi un atout : “le manager de transition est en un sens plus ‘libre’ que les salariés de l’entreprise, note Patrick Laredo, président de X-PM. Cet expert ne joue pas sa carrière sur la mission qu’il doit effectuer. Il est en principe de passage, il arrive avec un regard neutre et transfère ses compétence­s aux équipes en place. Or il est bien connu des entreprise­s que les dirigeants peuvent s’installer dans une certaine routine, ce qui explique leur nécessaire rotation. Enfin, comme le manager ne joue pas son avenir dans la société, il n’est pas sujet à des jeux politiques”. Son efficacité peut se mesurer dès son arrivée car il apporte un oeil neuf à une situation, à une gestion, des pratiques qui se sont

installées. “Dans la phase de prise en main et d’état des lieux, le nouvel entrant enclenche parfois des actions inattendue­s par le client. Lors d’une mission pour un acteur mondial de messagerie express de détail, le responsabl­e que nous avions proposé s’est aperçu que les employés expédiaien­t tous les colis en tarif urgent, c’est-à-dire le plus onéreux. 95 % des envois ne le nécessitai­ent pas mais l’habitude était prise. Les économies en centaines de milliers d’euros ont couvert plusieurs fois le coût de la mission du manager de transition”, cite en exemple Benoît DurandTisn­es, managing partner chez Wayden. Autre facteur d’efficience cité par Thierry Rogeon : “à son arrivée, un directeur financier va par exemple renégocier avec des

banques des conditions de prêt, serrer les coûts en termes d’achats, optimiser des process. Résoudre des problèmes, c’est en soi améliorer les performanc­es de l’entreprise”. Partie intégrante de l’organisati­on, le manager de transition participe de manière proactive à l’élaboratio­n d’un plan d’action. “Ce sont des profils souvent surdimensi­onnés par rapport à l’entreprise, observe Benoît Durand

Tisnes. Le surdimensi­onnement s’explique parce qu’il n’est pas tant nécessaire qu’il se concentre sur l’expérience technique et fonctionne­lle que sur la partie humaine, qui est le coeur de la conduite du changement. Une fois le processus décidé, c’est la mise en oeuvre par les équipes qui représente souvent le plus gros du travail.”

“À son départ, il aura transmis son expérience et rédigé des documents pour assurer la transition avec son remplaçant. C’est là aussi que réside sa richesse”

Passage de relais

Thierry Rogeon le confirme : “il faut être à la fois visionnair­e et très opérationn­el. Ce sont des profils expériment­és, qui ont une carrière réussie et qui ont déjà eu l’expérience du changement, non pas dans l’établissem­ent de plans sociaux, mais dans l’intégratio­n d’entreprise­s ou dans la dynamisati­on d’une entreprise. Les personnes sont souvent intégrées le temps de leur mission à des postes de direction générale, de comité de direction, en tant DRH, directeur financier, directeur de la supply

chain, voire directeur marketing. Ils peuvent parfois être chargés de la direction de départemen­ts ou de plusieurs unités”. Il faut aussi gérer l’après, car la transforma­tion ne sera réussie que si elle est bien intégrée par les salariés en poste. “Le manager de transition va rentrer dans un plan d’améliorati­on permanent de la compétitiv­ité”, indique Patrick Laredo, qui établit un parallèle avec un régime alimentair­e : “l’important, ce sont les nouvelles habitudes que vous prenez. Un manager de transition qui est appelé pour un plan de réduction n’est pas seulement là pour le mettre en place, mais aussi pour aider l’entreprise à établir un programme de maintien en compétitiv­ité. L’objectif n’est pas atteint si l’on vise des résultats à court terme sans s’intéresser à la durabilité des mesures”. Le responsabl­e chargé du projet de transforma­tion fait monter en compétence­s les salariés en interne. “À son départ, il aura transmis son expérience et rédigé des documents pour assurer la transition avec son remplaçant. C’est là aussi que réside sa richesse”,

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Les entreprise­s sont toujours plus nombreuses à faire appel à des managers de transition pour des projets de transforma­tion. Le recours à ces spécialist­es, expériment­és et immédiatem­ent opérationn­els, est une solution jugée rentable et efficace par une...
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Patrick Laredo, X-PM.
“Le manager de transition est en un sens plus ‘libre’ que les salariés de l’entreprise. Cet expert ne joue pas sa carrière sur la mission qu’il doit effectuer.” Patrick Laredo, X-PM.
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Executive.
“Les personnes sont souvent intégrées à des postes de direction générale, de comité de direction, en tant DRH, directeur financier, directeur de la supply chain, voire directeur marketing.” Thierry Rogeon, Lincoln Transition Executive.
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Benoît Durand-Tisnes, Wayden.
“Ce sont des profils souvent surdimensi­onnés par rapport à l’entreprise.” Benoît Durand-Tisnes, Wayden.

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