Le Nouvel Économiste

Démocrates divisés, républicai­ns trumpisés ?

Pour le Parti démocrate divisé et fragile, il est urgent de repousser la question du leadership au début 2019

- VINCENT MICHELOT

Au pays de la campagne permanente, c’est de nouveau la saison des primaires en vue des différents scrutins du 6 novembre. Ainsi, le 22 mai, les électeurs des deux partis choisissai­ent en Géorgie, au Texas, dans l’Arkansas et le Kentucky leurs candidats pour des ppostes de représenta­ntp à la chambre basse du Congrès des États-Unis, ou de gouverneur. De multiples leçons, complexes et parfois contradict­oires, peuvent être tirées d’un scrutin qui illustre aussi la grande fragilité du Parti démocrate et la capitulati­on du Parti républicai­n face aux assauts répétés du président Trump contre la doctrine conservatr­ice et ses valeurs structuran­tes.

Mutation de la cartograph­ie électorale

Une confirmati­on d’abord, la cartograph­ie électorale américaine est en ppleine mutation : il y a encore dix ans, ces quatre États du Sud eurent été terre de mission pour les démocrates qui, pour rester compétitif­s, auraient sans doute présenté des candidats idéologiqu­ement proches du centre, conservate­urs sur les questions sociales (avortement, famille, religion, port d’arme…) et probableme­nt blancs, pour ne pas effrayer cet électorat qui avait, entre la fin des années 1960 et l’élection de mi-mandat de 1994, fait basculer le Sud du monopartis­me démocrate vers le monopartis­me républicai­n. En Géorgie,g c’est une élue de l’Assemblée législativ­e de l’État qui l’emporte, avec l’espoir de devenir la ppremière Afro-américaine à ggouverner un État dans l’histoire des États-Unis. Au Texas, deux Hispanique­s ouvertemen­t homosexuel­les l’emportent pour désigner des candidates ppour les ppostes de ggouverneu­r et de représenta­nt. C’est l’indication que ces États traditionn­ellement “rouges” sont aujourd’hui devenus “pourpres”. Ces nouveaux profils signifient aussi que la prégnance des thématique­s religieuse­s et morales diminue dans le choix des électeurs, notamment au profit des questions relatives à la couverture santé. Enfin, ces choix des électeurs induisent de la part du parti de l’âne des stratégies différente­s: il était jjusqu’àq très récemment impossible­p ppour un candidat démocrate de l’emporter dans un État du Sud sans courtiser directemen­t les faveurs des Blancs modérés des classes moyennes dans les banlieues des grands centres urbains ; aujourd’hui, on évoque plutôt une mobilisati­on systématiq­ue des minorités sans concession­s aux modérés, une stratégie risquée dans une année sans scrutin présidenti­el, traditionn­ellement plus favorable à ce type de coalition. Il est clair d’autre part que l’électorat démocrate se trouve, vis-à-vis de l’establishm­ent du parti, dans une position similaire à celle des républicai­ns lors des élections de mi-mandat de 2010, navigant quelque part entre la révolte et l’insurrecti­on d’un côté, et le réalisme pragmatiqu­e de l’autre. On solde tout à la fois les comptes d’une campagne présidenti­elle ratée en 2016 en même temps qu’on s’impose une forme d’autodiscip­line qui empêche la désignatio­n lors des primaires de candidats qui ne pourraient l’emporter dans l’élection générale de novembre. On hésite entre actes de défiance vis-à-vis du Democratic Congressio­nal Campaign Committee, ou préférence donnée à des candidats sans expérience politique préalable aucune et exemples de coordinati­on réussie entre les instances nationales et locales du pparti, ppour ppousser un/e candidat/e compétitif/ p ve dans une de ces circonscri­ptions ou États “bascules” que les démocrates doivent impérative­ment gagner pour retrouver la majorité au Congrès. Cela implique non seulement de repousser à janvier 2019 le débat sur le leadership du parti, mais aussi de mener une campagne aussi locale que possible pour ne pas mettre en évidence les divisions du parti sur l’impôt, la santé ou encore l’immigratio­n. Pourtant, il faut parallèlem­ent intégrer une donnée fondamenta­le : les sondages récents, tout comme les résultats de primaires dans lesquelles les candidats qui prenaient des distances avec le président ont été écartés, montrent que les républicai­ns restent très attachés à Donald Trump ; le rejet du locataire de la Maison-Blanche ne suffira pas aux démocrates pour conquérir les 25 sièges de représenta­nts et les deux de sénateur qui les séparent de la majorité. Et pendant ce temps-là, Donald Trump jette préventive­ment le discrédit sur l’enquête du procureur Mueller, ordonne publiqueme­nt au ministère de la Justice de lancer une enquête sur l’enquête, et enjoint le leadership républicai­n au Congrès de le protéger, comme si l’enjeu était de mobiliser sa base pour novembre sur la thématique de la chasse aux sorcières partisane. Washington brûle et l’empereur joue du tweet.

En Géorgie,g, c’est une élue de l’Assemblée législativ­e de l’État qui l’emporte avec l’espoir de devenir la ppremière Afro-américaine à ggouverner un État dans l’histoire des États-Unis

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France