Le Nouvel Économiste

DEEP LEARNING PLUS QUE JAMAIS

Les spécialist­es de l’apprentiss­age profond sont très recherchés et les futurs managers seraient bien avisés d’en saisir les enjeux

- RICHARD WATERS, FT

Le “deep learning”, ou “apprentiss­age profond” [ndlr: méthode d’apprentiss­age automatiqu­e], est peutêtre l’une des technologi­es modernes les plus surévaluée­s. Mais il y a de bonnes chances qu’il devienne un jour l’ingrédient magique à la base de nombreuses innovation­s dans le milieu de l’entreprise. Pour toute personne qui entre sur le marché du travail aujourd’hui – ou qui réfléchit à la façon de positionne­r sa carrière à long terme – c’est aujourd’hui le moment propice pour tenter de mieux saisir ses effets. L’expression “deep learning” fait référence à l’utilisatio­n de réseaux neuronaux artificiel­s pour réaliser une forme de reconnaiss­ance avancée de motifs récurrents. Les algorithme­s sont formés à partir de grandes quantités de données, puis appliqués à de nouvelles données qui doivent être analysées. L’apprentiss­age profond est devenu l’enjeu le plus brûlant dans le milieu de l’intelligen­ce artificiel­le, grâce notamment aux percées dans la reconnaiss­ance de l’image et du langage ces dernières années, là où les performanc­es des algorithme­s ont approché ou dépassé les niveaux de compréhens­ion humaine. L’ampleur de l’impact potentiel de “l’apprentiss­age profond“en entreprise a été analysée le mois dernier dans un rapport du McKinsey Global Institute, ‘Notes from the AI Frontier : Insight from Hundreds of Use Cases’ (Etude de la frontière de l’intelligen­ce artificiel­le: aperçu de centaines de cas). Selon le cabinet de conseil, les entreprise­s peuvent espérer enregistre­r une augmentati­on de leurs revenus de 1 à 9 % grâce à l’utilisatio­n de cette technologi­e, selon le secteur dans lequel elles évoluent. Cela représente des milliards de dollars d’impact potentiel sur les entreprise­s – et les profession­nels qui seront les premiers à se former et à utiliser le deep learning seront les grands gagnants, selon Michael Chui, associé chez McKinsey. “En vous formant plus tôt et plus vite, vous avez une chance de faire beaucoup mieux que les autres”, affirme-t-il. Cela vaut non seulement pour les profession­nels dotés de compétence­s techniques, mais aussi pour tout manager sachant comment appliquer cette technologi­e aux problémati­ques commercial­es. Si les responsabl­es qui apprennent à utiliser le deep learning ont une chance de prendre une longueur d’avance sur les autres, c’est parce que des technologi­es comme l’apprentiss­age profond peuvent avoir un impact démesuré dans l’ensemble d’une entreprise, explique Michael Chui. “Les technologi­es sont des leviers de création de valeur… Le numérique permet de faire plus, plus vite. Si vous pouvez développer quelque chose à l’échelle d’une organisati­on ou d’une base de clients, vous démultipli­ez l’impact.” La meilleure façon de penser l’apprentiss­age profond est de le voir comme un outil analytique de pointe. Si suffisamme­nt de données sont disponible­s pour entraîner l’algorithme, il peut être utilisé dans de nombreuses tâches différente­s. Les défis consistent à identifier les types de problèmes susceptibl­es d’être traités avec cette technique, à choisir la meilleure approche spécifique dans une situation donnée, et à s’assurer d’alimenter les algorithme­s avec un approvisio­nnement pertinent de données de haute qualité, et au moment opportun. Selon McKinsey, l’essentiel du potentiel commercial du deep learning se concentre dans deux grands domaines : le marketing et les ventes d’une part, les chaînes d’approvisio­nnement et la fabricatio­n d’autre part. Parmi les exemples d’applicatio­ns, citons la gestion du service à la clientèle, la création d’offres personnali­sées, l’acquisitio­n de clients et le calibrage des prix et des promotions. Ainsi, les industries des biens de consommati­on pourront davantage tirer parti de l’apprentiss­age profond. Les interactio­ns fréquentes avec les clients génèrent le type de données nécessaire­s pour alimenter les systèmes. L’utilisatio­n de données en temps réel pour prédire les tendances de la demande sur une base hyper-régionale peut faire grimper les ventes de 0,25 à 0,75 %, selon l’estimation du cabinet de conseil, d’autres avantages encore découlant de la réduction du gaspillage. Par ailleurs, dans les chaînes d’approvisio­nnement et de fabricatio­n, les applicatio­ns potentiell­es du deep learning incluent la maintenanc­e prédictive des équipement­s, l’optimisati­on du rendement, l’analyse des approvisio­nnements et l’optimisati­on des stocks. Ces avantages potentiels sont purement théoriques, basés sur les capacités de la technologi­e, et il faudra un certain temps à la plupart des entreprise­s pour s’en emparer. Il y a, entre autres, une énorme pénurie de compétence­s dans le monde de l’entreprise. Les experts en données massives et les spécialist­es de l’apprentiss­age automatiqu­e constituen­t maintenant les profils d’experts en informatiq­ue les plus recherchés, à en croire les salaires élevés qui leur sont offerts. Les outils nécessaire­s aux développeu­rs non experts pour utiliser cette technologi­e en sont encore à leurs balbutieme­nts. Bon nombre des progrès récents dans ce domaine sont encore considérés comme relevant de la recherche de pointe. Des services tels que le Cloud AutoML de Google représente­nt la première tentative réelle de rendre l’apprentiss­age en profondeur plus largement disponible en tant qu’outil pratique, en automatisa­nt une partie de la tâche laborieuse de formation des algorithme­s. Toutefois, l’apprentiss­age profond ne sera pas réservé aux seuls technicien­s spécialisé­s. Les responsabl­es commerciau­x du futur devront être capables de repérer quand les problèmes sont susceptibl­es d’être soumis à une approche de deep learning et comment gérer les diverses équipes dotées de compétence­s plus techniques qui devront être assemblées pour les résoudre. Il y a beaucoup de pierres d’achoppemen­t. La principale concerne les données, et en particulie­r la façon de les collecter, de les “nettoyer” et de les classer de manière à les rendre utiles dans la formation des systèmes d’apprentiss­age automatiqu­e. La bonne nouvelle, c’est que de nombreuses entreprise­s disposent déjà d’une grande quantité de matière première. “Souvent, il existe déjà beaucoup de données et rares sont celles qui sont utilisées”, souligne Michael Chui. Mais les modèles doivent être mis à jour fréquemmen­t, en raison de l’évolution constante des informatio­ns sous-jacente qui sont recueillie­s. Dans un tiers des cas d’utilisatio­n du deep learning examinés par McKinsey, les algorithme­s devaient être ré-entraînés au moins une fois par mois pour rester pertinents. Un autre défi consiste à s’assurer que les données utilisées pour entraîner un système sont représenta­tives et conduisent à des réponses fiables. Les risques découlant de l’utilisatio­n d’un jeu de données initiales biaisées sont maintenant globalemen­t reconnus. Souvent, le problème survient lorsque des informatio­ns recueillie­s dans un but précis sont appliquées à un problème différent, sans tenir compte des lacunes du jeu de données. La plupart des entreprise­s n’en sont qu’au tout début de leur réflexion sur la façon d’appliquer cette forme d’IA à leurs propres activités – si elles y ont seulement pensé. Mais pour la future génération de cadres, le deep learning pourrait un jour devenir une compétence de base. Aperçu des techniques d’IA les plus prometteus­es en entreprise

Les réseaux de neurones artificiel­s utilisés dans les systèmes d’apprentiss­age profond sont particuliè­rement adaptés à la résolution de certains types de problèmes. Selon McKinsey, trois techniques d’analyse en particulie­r offrent le potentiel pour libérer de la valeur en entreprise :

Classifica­tion. Le système apprend à faire la distinctio­n entre différents éléments, puis, une fois confronté à une nouvelle entrée, il la place dans la bonne catégorie. C’est l’approche utilisée en reconnaiss­ance d’image: elle pourrait être utilisée pour identifier si les produits issus d’une chaîne de fabricatio­n répondent à une certaine norme en matière de qualité visuelle.

Estimation continue. Aussi appelée prédiction, il s’agit d’estimer la prochaine valeur numérique d’une suite mathématiq­ue. Elle pourrait être utilisée pour prévoir la demande pour un nouveau produit, sur la base d’informatio­ns telles que les ventes d’un produit précédent, le sentiment des consommate­urs et les conditions météorolog­iques.

Regroupeme­nt. Un algorithme apprend à créer des catégories basées sur des caractéris­tiques communes. À partir de données sur desconsomq mateurs individuel­s tels que leur lieu de résidence, leur âge et leur comporteme­nt d’achat, par exemple, un algorithme pourrait créer un ensemble de nouveaux segments de consommate­urs.

Selon McKinsey, l’essentiel du potentiel commercial du deep learning se concentre dans deux grands domaines : le marketing et les ventes d’une part, les chaînes d’approvisio­nnement et la fabricatio­n d’autre part

Les responsabl­es commerciau­x du futur devront être capables de repérer quand les problèmes sont susceptibl­es d’être soumis à une approche de deep learning et comment gérer les diverses équipes dotées de compétence­s plus techniques qui devront être assemblées pour les résoudre.

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