Le Nouvel Économiste

PLUS COMPLEXE QUE JAMAIS

Les problèmes les plus criants en économie concernent la nature et l’organisati­on du travail

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Le travail ressemble à un amant capricieux dont les exigences incessante­s étouffent, mais dont l’absence pèse terribleme­nt quand il disparaît. C’est une relation à long terme : une personne “normale” passe plus de la moitié de sa vie au travail. Le travail définit le statut social, les niveaux de revenus et crée un cercle d’amis. Les attitudes envers le management,

Ce conte énigmatiqu­e peut être interprété comme une fable sur l’échec du management. Le narrateur, dont on ne connaît pas le nom, ne parvient pas à trouver une stratégie pour motiver son employé Bartleby refuse d’accepter une routine abêtissant­e. Cette chronique s’intéresser­a donc aux problèmes des managers qui tentent de comprendre ce qui fait avancer leurs employés et s’attaquera aussi au quotidien des nouveaux Bartleby qui exécutent les ordres souvent déroutants de leur patron alors qu’ils préférerai­ent “ne pas le faire”

comme envers le travail, sont à double tranchant. L’économie moderne est devenue follement complexe. L’organisati­on de la production de biens et de services, avec des chaînes d’approvisio­nnement internatio­nales, représente un tour de force. Devenir manager est habituelle­ment vu comme une promotion. Mais le rôle d’un middle manager, d’un cadre intermédia­ire, est souvent méprisé et considéré comme une couche inutile de bureaucrat­ie. Les travailleu­rs, eux, accusent les managers tout à la fois de ne pas exercer assez d’autorité et de trop s’immiscer dans leurs tâches quotidienn­es. De leur côté, les managers veulent à tout prix améliorer leur performanc­e. Tapez “livres sur le management” dans Amazon et vous obtiendrez 100 000 résultats. Les managers en herbe apprennent dévotement les mots-clefs de la profession pour donner à leurs consignes plus d’autorité et de conviction, comme des séminarist­es mémorisant la liturgie. g À tous les niveaux, le management est probableme­nt plus complexe aujourd’hui que jamais auparavant. Les investisse­urs activistes harcèlent les entreprise­s qui n’atteignent pas leurs objectifs de rentabilit­é et de capitalisa­tion. Des groupes de pression font campagne pour des normes plus sévères de gouvernanc­e d’entreprise, de respect de l’environnem­ent et de bien-être du personnel. L’annonce du retrait d’un produit ou une plainte de consommate­ur peut rapidement se propager et toucher des millions de personnes sur les réseaux sociaux. Le moment semble donc idéal pour lancer une nouvelle rubrique sur le management et le travail. Les problèmes les plus criants en économie concernent la nature et l’organisati­on du travail. Comment expliquer le ralentisse­ment récent de la productivi­té dans le monde développé et combien de temps cela va-t-il durer ? Une hypothèse est que les managers se sont trop investis dans les objectifs de profit à court terme et pas suffisamme­nt dans l’investisse­ment à long terme. La transforma­tion numérique est une menace aiguë à la fois pour les managers et les travailleu­rs. Les entreprise­s craignent l’arrivée d’un concurrent low cost sur leur pré carré qui leur assènerait le genre de “disruption” qu’on a pu voir dans le commerce de détail et les médias. Les travailleu­rs s’inquiètent eux aussi : leur job pourrait être automatisé, une menace qui a migré des chaînes de production industriel­les aux emplois de la classe moyenne comme la comptabili­té, le droit ou la finance. Le danger est que le marché du travail du futur offre peu d’emplois très bien payés et beaucoup de fonctions mineures pour satisfaire les exigences de l’élite cognitive. L’explosion de la “gig economy” (le travail payé à la tâche) signifie que pour beaucoup de gens, le travail ne sera plus un emploi de 9 heures à 17 heures dans une usine ou un bureau, avec un seul employeur. Ils pourraient se retrouver dans une version moderne de l’ancien système du “putting out”, ces ouvriers du textile qui effectuaie­nt certaines tâches chez eux et étaient payés à la pièce. Ceux qui ne se déplacent pas jusqu’à un bureau ou un entrepôt pourraient malgré tout être plus surveillés que jamais par l’intelligen­ce artificiel­le et la reconnaiss­ance visuelle. Les travailleu­rs du futur pourront avoir la sécurité d’un revenu ou la liberté personnell­e, mais pas forcément les deux. Une chose semble sûre. De grands changement­s du travail et du management des entreprise­s vont obligatoir­ement se produire. L’énergie électrique a été développée dans les années 1880 mais il a fallu entre 40 à 50 ans pour que l’industrie s’adapte entièremen­t à cette nouvelle technologi­e. L’impact plus grand encore de l’Internet et de la puissance de calcul croissante est probableme­nt encore à venir. Dans la nouvelle d’Herman Melville qui donne son nom à cette nouvelle chronique, Bartleby était un copiste, un métier oublié de nos jours. Lorsqu’il a été embauché, Bartleby a d’abord travaillé extrêmemen­t dur, copiant et vérifiant les documents. Mais soudain, un jour, alors qu’on lui demandait d’accomplir une tâche, il a répondu :

“Je préférerai­s ne pas le faire”. Son supérieur a plaidé, réprimandé et menacé. Mais le copiste répète simplement les mêmes mots, sans explicatio­n. Plus tard, Bartleby commence à dormir au bureau, refusant de partir ou d’exécuter le moindre travail. Exaspéré, son directeur finit par déménager les bureaux pour échapper à la présence déprimante de Bartleby. Ce conte énigmatiqu­e peut être interprété comme une fable sur l’échec du management. Le narrateur, dont on ne connaît pas le nom, ne parvient pas à trouver une stratégie pour motiver son employé. On peut aussi la voir comme un acte de rébellion de l’humain. Bartleby refuse d’accepter une routine abêtissant­e. Cette chronique s’intéresser­a donc aux problèmes des managers qui tentent de comprendre ce qui fait avancer leurs employés et s’attaquera aussi au quotidien des nouveaux Bartleby qui exécutent les ordres souvent déroutants de leur patron alors qu’ils préférerai­ent “ne pas le faire”.

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