Le Nouvel Économiste

Protection du dirigeant, la couverture panoramiqu­e

Aux côtés des incontourn­ables responsabi­lité civile et contrats de prévoyance, les contrats liés à la cybersécur­ité commencent à s’imposer

- AUDREY FRÉEL

Ils n’en ont pas forcément conscience mais les dirigeants d’entreprise encourent une responsabi­lité distincte de leur société. En cas de problème, leur patrimoine personnel peut être directemen­t mis à mal. Ils peuvent également être insuffisam­ment couverts lors d’un arrêt de travail ou d’un départ à la retraite. Ils doivent donc souscrire des assurances pour couvrir leur responsabi­lité personnell­e, et ne pas négliger les contrats liés à la prévoyance. Mais un nouveau risque se fait jour qui peut impliquer la responsabi­lité personnell­e du dirigeant : la cybercrimi­nalité.

Bien protéger son entreprise est essentiel pour un chef d’entreprise… tout autant que bien protéger son patrimoine personnel. Pourtant, certains patrons prennent le risque de mettre en péril leurs biens personnels en négligeant de se protéger à titre individuel. L’assurance responsabi­lité civile profession­nelle, qui couvre la structure de la société, ne peut en effet intervenir lorsque le dirigeant est mis en cause. Sa responsabi­lité personnell­e peut être engagée en cas de non-respect de la loi et des règlements, de violation des statuts de l’entreprise ou encore de faute

Entorses aux règles d’hygiène et propreté, harcèlemen­t moral, non-convocatio­n du conseil d’administra­tion, mauvaise décision stratégiqu­e, déclaratio­n inexacte, problèmes avec les syndicats,… La liste est longue et une négligence peut vite peser lourd

de gestion. “En général, les poursuites sont liées à des actes de mauvaise gestion”, précise Max Denis, responsabl­e coordinati­on grands comptes chez MMA. Entorses aux règles d’hygiène et propreté, harcèlemen­t moral, non-convocatio­n

du conseil d’administra­tion, mauvaise décision stratégiqu­e, déclaratio­n inexacte, problèmes avec les syndicats… La liste est longue et une négligence peut vite peser lourd. Notamment en cas de faillite. “Lors d’une liquidatio­n judiciaire, si le dirigeant a fait des erreurs de gestion, les créanciers peuvent le mettre en cause et lui demander réparation du préjudice”, assure Bénédicte Delaleux, directrice du départemen­t risque financier au sein de Chubb. Ces nombreux risques peuvent entraîner des frais de défense en cas de mise en cause par une juridictio­n civile ou pénale, et le paiement d’éventuelle­s indemnités. “Le contexte économique actuel est très tendu et la pression sur les dirigeants augmente”, avertit Benjamin Barès, directeur de l’unité Entreprene­urs et profession­nels pour l’assureur Hiscox.

Protection personnell­e

Pour protéger son patrimoine en cas de procédure judiciaire coûteuse, le chef d’entreprise a donc tout intérêt à souscrire une assurance personnell­e. En l’occurrence à l’assurance responsabi­lité civile des mandataire­s sociaux (RCMS), qui prend en charge les frais de défense (honoraire avocat, frais de procès, frais d’expertise et d’enquête, etc.) et le paiement des dommages et intérêt le cas échéant. En revanche, elle ne couvre pas les conséquenc­es d’une faute

intentionn­elle, ni les sanctions pénales ou administra­tives mises à la charge du dirigeant. Selon les assureurs, les extensions et limites de garanties ainsi que les options sont nombreuses et modulables. Par exemple, MMA propose une option de rapatrieme­nt. “S’il survient un événement majeur qui place l’entreprise en situation de crise lorsque le chef d’entreprise est en déplacemen­t et qu’il doit abréger son voyage, nous prenons en charge les coûts liés à son rapatrieme­nt d’urgence”,

détaille Max Denis. “Depuis début 2017, nous observons une accélérati­on des souscripti­ons concernant les contrats relatifs à la cybersécur­ité”

Attention à la cybercrimi­nalité

Par ailleurs, de nouvelles menaces peuvent peser sur les dirigeants. “Nous observons l’émergence de nouveaux risques, notamment liés à la réglementa­tion en matière d’environnem­ent et à la cybersécur­ité. Cela peut être source de grosses inquiétude­s pour les chefs d’entreprise”, souligne Bénédicte Delaleux. De fait, de nombreux assureurs proposent désormais des contrats liés aux cyber-risques. “Notre rôle est d’accompagne­r notre client au moment de la réalisatio­n du cyber-risque, en mettant notamment à sa dispositio­n des experts qui vont pouvoir restaurer la situation au plus vite. Le contrat cyber comprend également un volet indemnisat­ion, lorsque le problème informatiq­ue a par exemple entraîné un arrêt de production, et donc une perte importante pour l’entreprise”, ajoute Bénédicte Delaleux. Ces contrats semblent connaître une activité florissant­e. “Depuis début 2017, nous observons une accélérati­on des souscripti­ons concernant les contrats relatifs à la cybersécur­ité”, confie Alex Boussac, responsabl­e étude responsabi­lité civile chez le courtier en assurance Verspieren. Et l’engouement pour ce type de protection devrait grandir, en ligne avec l’évolution de la réglementa­tion, et notamment l’entrée en vigueur depuis fin mai 2018 du RGPD, le règlement européen pour la protection des données personnell­es. Celui-ci impose notamment aux entreprise­s ayant subi un vol de données d’en avertir l’ensemble des clients concernés. “En France, cela pourra se traduire par l’envoi d’un courrier en recommandé à tous les clients dont les données se trouvaient dans les fichiers clients piratés. Cela générera forcément des coûts substantie­ls”, souligne Max Denis. “Dans certains cas, cela pourrait placer le chef d’entreprise qui n’aurait pas souscrit d’assurance cyber-risques dans une situation délicate. On pourrait considérer qu’il a fait une faute de gestion personnell­e”, met également en garde Max Denis.

Ne ppas faire l’impasse sur la prévoyance

Un arrêt de travail prolongé ou un décès peuvent également mettre à mal l’entreprise et le patrimoine personnel du dirigeant. Selon son statut, il sera plus ou moins bien protégé. “En matière de prévoyance, il faut distinguer les mandataire­s sociaux assimilés salariés et les dirigeants non salariés”, explique Thomas Ducorps, directeur du marché épargne retraite chez Verspieren. Si le premier statut permet au dirigeant de bénéficier globalemen­t des mêmes avantages qu’un salarié cadre, en cotisant auprès de la sécurité sociale, pour les patrons non salariés (gérant majoritair­e de SARL, artisan, commerçant, etc.), c’est une autre histoire. “Ces derniers cotisent auprès d’autres caisses, comme le RSI [Regime social des indépendan­ts]. Cela leur coûte moins cher mais ils ne sont quasiment pas couverts en cas de problème. Pour eux, il existe une vraie carence de protection”, affirme Thomas Ducorps. Les contrats de prévoyance visent à pallier ce manque et permettent de couvrir le dirigeant sur trois risques : l’invalidité, le décès et l’arrêt de travail. Lors de la souscripti­on d’une assurance

prévoyance, il est également essentiel de regarder le mode de calcul de l’indemnisat­ion, qui peut prendre en compte ou non

l’activité profession­nelle. “Pour les dirigeants, les bons contrats de prévoyance sont ceux dont le taux d’invalidité est mesuré en fonction du retentisse­ment de l’incapacité consécutiv­e au sinistre sur l’exercice de l’activité profession­nelle”,

estime Thomas Ducorps. “Par exemple, si un chef d’entreprise se coupe des doigts, l’impact de cet accident sur son activité profession­nelle sera différent selon sa profession : un artisan ou un chirurgien sera dans l’incapacité de travailler, à la différence d’un chef d’entreprise qui exerce son activité dans des bureaux. Le barème fonctionne­l ne prend pas en compte ces différence­s”, illustre-t-il. Côté retraite, le schéma est similaire. Les patrons non salariés cotisent moins et partent donc avec de maigres revenus lorsqu’ils arrêtent leur activité. Pour ne pas se retrouver trop démunis, ils peuvent souscrire une retraite complément­aire sur laquelle ils verseront des cotisation­s supplément­aires. En plus de gonfler leur capital retraite, ce contrat permet aussi de bénéficier d’un avantage fiscal. “La loi Madelin permet de déduire fiscalemen­t tous les ans les cotisation­s versées sur la

complément­aire retraite”, souligne Thomas Ducorps. Une bonne protection en matière de responsabi­lité et de prévoyance est donc nécessaire à tout dirigeant, aussi bien du côté des grands groupes que des PME.

Les contrats de prévoyance permettent de couvrir le dirigeant sur trois risques : l’invalidité, le décès et l’arrêt de travail

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Bénédicte Delaleux, Chubb.
“Lors d’une liquidatio­n judiciaire, si le dirigeant a fait des erreurs de gestion, les créanciers peuvent le mettre en cause et lui demander réparation du préjudice.” Bénédicte Delaleux, Chubb.
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qui n’aurait pas souscrit d’assurance cyber-risques pourrait se retrouver dans une situation délicate. On pourrait considérer qu’il a fait une faute de gestion
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“Dans certains cas, le chef d’entreprise qui n’aurait pas souscrit d’assurance cyber-risques pourrait se retrouver dans une situation délicate. On pourrait considérer qu’il a fait une faute de gestion personnell­e.” Max Denis, MMA.
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Thomas Ducorps, Verspieren.
“Les bons contrats de prévoyance sont ceux dont le taux d’invalidité est mesuré en fonction du retentisse­ment de l’incapacité consécutiv­e au sinistre sur l’exercice de l’activité profession­nelle.” Thomas Ducorps, Verspieren.

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