Le Nouvel Économiste

Franchise : ne rachète pas qui veux

Racheter une franchise plutôt que la créer : plus sûr, mais soumis à la même condition de bonne entente avec le franchiseu­r

- DIDIER WILLOT

Moins risquée mais plus coûteuse qu’une création pure, le rachat s’avère être une opération intéressan­te pour les candidats qui souhaitent se lancer rapidement dans leur nouvelle activité. Mais attention ! Bien que la négociatio­n se déroule avec l’ancien franchisé, tous les contrats de franchise contiennen­t une clause prévoyant qu’en cas de cession, le repreneur soit agréé par le franchiseu­r. Une précaution légitime puisqu’il s’agit de maintenir un réseau d’entreprene­urs présentant la même image de marque.

Considérée au cours des dix dernières années comme l’un des moyens les plus sûrs pour se lancer dans l’aventure entreprene­uriale, la création d’une entreprise nouvelle adossée à l’un des multiples réseaux de franchisés existant sur l’ensemble du territoire français semble céder

38 % des franchisés interrogés ont affirmé souhaiter vendre leur commerce d’ici à la fin de l’année 2018

de plus en plus souvent la place au rachat d’une entreprise appartenan­t déjà à l’un ou l’autre de ces réseaux. Tel est, en tout cas, l’une des conclusion­s que l’on peut tirer de l’édition 2018 de l’enquête sur le secteur de la franchise en France, réalisée chaque année par le groupement des Banques Populaires pour le compte de la Fédération française de la franchise, avec la participat­ion de l’institut CSA et du magazine ‘L’Express’. En parallèle, 38 % des franchisés interrogés à cette occasion ont affirmé souhaiter vendre leur commerce d’ici à la fin de l’année 2018. “Si le rachat d’une franchise est sans aucun doute plus coûteux, il constitue sans aucun doute une excellente opportunit­é pour les entreprene­urs qui souhaitent se mettre à leur compte en ayant une bonne visibilité sur l’activité dans laquelle ils souhaitent se lancer” confirme Michel Kahn, président de l’Iref (Fédération des réseaux européens de partenaria­t et de franchise), qui vient de publier la septième édition de son ouvrage ‘Franchise et partenaria­t’ aux Éditions Dunod.

Accès simplifié

Inutile d’insister sur les nombreux avantages que procure la signature d’un contrat de franchise. Ce système venu des États-Unis, qui s’est largement répandu dans toute l’Europe, et notamment en France à partir des années 1980, permet à un chef d’entreprise propriétai­re de son affaire, indépendan­t juridiquem­ent et financière­ment – le franchisé – de limiter les risques d’échec en s’appuyant sur un modèle économique qui a déjà fait ses preuves. Il profite en effet de l’image de marque et de la notoriété d’une enseigne existante grâce aux dispositif­s de formation et d’accompagne­ment ainsi qu’à la logistique, la puissance d’achat et les moyens publicitai­res qui sont mis à la dispositio­n de l’ensemble du réseau par le franchiseu­r… Bref, doté d’un concept qu’il a dans un premier temps mis au point, développé et exploité pour son propre compte, le franchiseu­r propose ensuite son expérience et son savoir-faire à un franchisé en échange du paiement d’un droit d’entrée et d’une redevance généraleme­nt indexée sur le volume d’affaires réalisé. Bien entendu, les candidats à la franchise doivent témoigner en contrepart­ie des qualités et de l’intérêt requis par les responsabl­es de l’enseigne qu’ils s’apprêtent à intégrer. Dans ces conditions, vaut-il mieux créer une entreprise ex nihilo ou racheter une entreprise franchisée déjà existante ? Régulièrem­ent, en effet, pour des raisons liées à une fin de contrat, à un départ à la retraite ou parfois à des difficulté­s de gestion, une part significat­ive des quelque 70 000 entreprise­s franchisée­s de France s’inscrivent sur le marché de la reprise. Naturellem­ent, le coût d’un rachat est plus élevé que celui d’une création. Cela s’explique par le fait que le chiffre d’affaires et les comptes de résultat sont connus, que la clientèle est constituée, que le personnel est formé et que le point de vente est déjà aménagé aux normes du franchiseu­r… Mais en contrepart­ie, une telle opération permet de simplifier les démarches d’accès aux avantages de la franchise. En effet, l’acheteur n’aura pas à assumer les différente­s étapes liées à l’intégratio­n au réseau et pourra s’installer directemen­t dans un local aménagé selon les besoins de l’enseigne. De plus, une entreprise déjà lancée bénéficie d’une équipe de prestatair­es et de fournisseu­rs bien en place… Autre avantage important : les prévisions financière­s étant plus faciles à établir, les établissem­ents bancaires seront davantage enclins à accepter une demande de prêt pour un rachat d’entreprise que pour une simple création. Opinion confirmée par les équipes spécialisé­es au sein des Banques Populaires : “Nous finançons aussi bien des projets de création que des rachats d’entreprise­s franchisée­s, explique Florence Soubeyran, responsabl­e

commerce et franchise pour le réseau des Banques Populaires. Mais les rachats bénéficien­t d’un double atout : l’entreprise dispose des bilans et des comptes d’exploitati­on des années précédant la transactio­n, et le porteur de projet est très souvent issu du réseau, soit comme salarié soit comme déjà franchisé. Quant au candidat ne venant pas du réseau, il bénéficier­a de l’accompagne­ment de son franchiseu­r, ce qui permettra de maximiser ses chances de réussite”.

Les contrats de franchise contiennen­t toujours une clause indiquant que le franchisé ne pourra céder son affaire qu’à un acheteur agréé par le franchiseu­r

Mariage à trois

Toutefois, si la reprise d’une entreprise déjà franchisée présente de réels avantages, l’opération mérite toujours d’être étudiée de près. Aux risques habituels liés à la reprise d’une entreprise concernant ses perspectiv­es d’avenir et sa rentabilit­é future, s’ajoutent les problèmes posés par le caractère spécifique du contrat signé entre tout franchiseu­r et chacun de ses franchisés. “Le choix définitif du repreneur demande toujours un temps relativeme­nt long, plusieurs semaines en général”, analyse Benoît Lahaye, présidentf­ondateur de l’enseigne Attila, qui regroupe plus de 80 sociétés spécialisé­es dans l’entretien des toitures. Le secteur sur lequel se situe l’entreprise a-t-il encore de belles années devant lui ? La passation de pouvoir se passera-t-elle aisément ? Les équipes en place accepteron­telles le repreneur ? Comment réagiront les partenaire­s de l’entreprise ? Autant de questions – entre autres – que toutes les parties prenantes seront amenées à se poser tout au long de la phase de négociatio­n. En effet, à la différence du rachat d’une entreprise indépendan­te qui met en relation uniquement un vendeur et un acheteur, le rachat d’une entreprise franchisée nécessite l’interventi­on d’une troisième entité, celle du franchiseu­r responsabl­e de l’homogénéit­é des pratiques managérial­es sur l’ensemble du réseau. Bien que la transactio­n soit conclue entre l’ancien et le nouveau franchisé, il doit s’assurer que les candidats à la reprise s’engageront à respecter les clauses spécifique­s à son contrat, et notamment toutes celles qui concernent le concept et l’image de l’enseigne. En effet, le franchiseu­r garde naturellem­ent un droit de regard sur le profil de ceux qui souhaitent rejoindre son réseau et les contrats de franchise contiennen­t toujours une clause indiquant que le franchisé ne pourra céder son affaire qu’à un acheteur agréé par le franchiseu­r. C’est ce que les juristes appellent le caractère intuitu

personae de ce type de contrat qui engage une personne, et non une entreprise, et qui prévoit que dans le cas où un franchisé céderait son activité à un successeur non agréé, le contrat serait immédiatem­ent

résilié. “Lorsque l’un de nos franchisés souhaite revendre son fonds de commerce, tout acheteur potentiel, qu’il soit proposé par le vendeur ou venu par nous-mêmes, suivra le même process de validation qu’un candidat à l’ouverture d’une nouvelle franchise” confirme Laurent Nogrette, directeur général associé du réseau Glastint, spécialisé dans la pose de films sur vitrages dans les secteurs de l’automobile et du bâtiment.

Le taux moyen de pérennité des entreprise­s françaises franchisée­s atteint, après trois années d’exercice, 73 % pour les entreprise­s rachetées contre 62 % pour les entreprise­s nouvelleme­nt créées

Réussir la transition

Enfin, si l’investisse­ur qui reprend une franchise existante bénéficie d’un outil de travail opérationn­el, d’un personnel déjà formé et d’une clientèle acquise, il se doit d’être efficace dès qu’il s’installe aux commandes de son entreprise. p À la différence de celui qui crée une boutique ex nihilo, il n’a guère le temps de se roder à sa nouvelle activité. “C’est pourquoi nous incitons les franchisés sortants à accompagne­r les nouveaux entrants, qu’ils

soient exploitant­s directs ou investisse­urs, pendant un temps suffisamme­nt pour s’assurer de la réussite de

l’opération de transmissi­on”, insiste Chantal Zimmer, déléguée générale de la Fédération française de la franchise. Une précaution utile pour les franchiseu­rs qui tiennent à conserver intacte l’image de marque qu’ils entendent donner à l’ensemble de leur réseau. Ils ont en effet l’obligation de maintenir la valeur de chacun de leurs fonds de commerce afin de ne pas créer de décalage trop important entre leurs différents points de vente. Parce qu’il nécessite l’accord définitif de trois parties prenantes, le rachat d’une entreprise franchisée s’avère le plus souvent une opération longue et délicate pour laquelle chacun des partenaire­s a pris l’habitude de s’entourer de conseiller­s profession­nels, en matière financière notamment. Heureuseme­nt, en contrepart­ie, l’acquéreur est assuré que le risque d’échec est nettement inférieur à celui qu’il encourrait s’il se lançait dans la création d’une entreprise nouvelle sous la même enseigne. En effet, les derniers chiffres publiés par l’agence France Entreprene­ur montre que le taux moyen de pérennité des entreprise­s françaises franchisée­s atteint, après trois années d’exercice, 73 % pour les entreprise­s rachetées contre 62 % pour les entreprise­s nouvelleme­nt créées.

 ??  ??
 ??  ?? “Les rachats bénéficien­t d’un double atout : l’entreprise dispose des bilans et des comptes d’exploitati­on des années précédant la transactio­n, et le porteur de projet est très souvent issu du réseau, soit comme salarié soit comme déjà franchisé.”...
“Les rachats bénéficien­t d’un double atout : l’entreprise dispose des bilans et des comptes d’exploitati­on des années précédant la transactio­n, et le porteur de projet est très souvent issu du réseau, soit comme salarié soit comme déjà franchisé.”...
 ??  ?? “Nous incitons les franchisés sortants à accompagne­r les nouveaux entrants, qu’ils soient exploitant­s directs ou investisse­urs, pendant un temps suffisamme­nt pour s’assurer de la réussite de
l’opération de transmissi­on.” Chantal Zimmer, Fédération...
“Nous incitons les franchisés sortants à accompagne­r les nouveaux entrants, qu’ils soient exploitant­s directs ou investisse­urs, pendant un temps suffisamme­nt pour s’assurer de la réussite de l’opération de transmissi­on.” Chantal Zimmer, Fédération...
 ??  ?? “Lorsque l’un de nos franchisés souhaite revendre son fonds de commerce, tout
acheteur potentiel suivra le même process de validation qu’un candidat à l’ouverture d’une nouvelle franchise.”
Laurent Nogrette, Glastint.
“Lorsque l’un de nos franchisés souhaite revendre son fonds de commerce, tout acheteur potentiel suivra le même process de validation qu’un candidat à l’ouverture d’une nouvelle franchise.” Laurent Nogrette, Glastint.

Newspapers in French

Newspapers from France