Le Nouvel Économiste

Les masques d’unité affichée sont tombés

Loin sont les jours heureux de l’entente cordiale entre des régimes qui avaient un mode opératoire commun

- ARDAVAN AMIR-ASLANI

Lorsque sous la pression américaine, l’Arabie saoudite a créé le Conseil de coopératio­n du Golfe le 25 mai 1981, l’objectif était de resserrer les liens entre les pétromonar­chies arabes du ggolfe Persique,q à savoir, outre l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le sultanat d’Oman, le Koweït et le Qatar. L’objectif principal, à l’époque, était de protéger ces pétromonar­chies des soubresaut­s de la révolution iranienne et de les unir face à ce qui était perçu comme une menace existentie­lle, l’irruption de l’islam politique. En 1981, la guerre Iran-Irak battait son plein et l’Arabie saoudite sortait à peine du traumatism­e de la prise de la grande mosquée de La Mecque fin 1979 par des fondamenta­listes sunnites. Il était donc légitime pour ces monarchies de vouloir se syndiquer afin d’assurer leur pérennité en cette période trouble. Plus d’un quart de siècle s’est écoulé depuis et le monde a bien évolué, mais pas pour ces pétromonar­chies qui restent toujours, dans leur esprit du moins, menacées par le même danger que naguère : l’Iran. Davantage même. Car si l’Iran du début des années 80 ne représenta­nt que lui-même, l’Iran d’aujourd’hui j est de ffacto un empirep avec des États qui lui sont plus ou moins inféodés, tel que l’Irak, la Syrie, le Liban, le Yémen des Houthis ou encore l’Afghanista­n. Ce qui a en revanche réellement changé, c’est la disparitio­n de l’unité qui semblait réunir ces pays. En effet, loin sont les jours heureux de l’entente cordiale entre des régimes qui avaient leur mode opératoire en commun. L’expulsionp du QQatar de ce conseil il y a un an par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Bahreïn a fini par définitive­ment les séparer. Les masques d’union affichés sont tombés. Aujourd’hui, le conseil est bien séparé en deux camps. D’un côté les trois pays qui ont déclaré une quasi-guerre à l’encontre du Qatar, et de l’autre le camp de la neutralité ou d’un léger tropisme en faveur des Iraniens regroupant le sultanat d’Oman, le Qatar et le Koweït.

Un Conseil de coordinati­on saoudo-émirien ? Et voilà que les Saoudiens et les Émiratis annoncent la création d’un nouveau conseil, qualifié de Conseil de coordinati­on saoudoémir­ien. L’objectif affiché de ce conseil est d’assurer la promotion des intérêts de ces deux pays dans un certain nombre de domaines, dont le militaire. Ce dernier domaine pose particuliè­rement problème car il a toute l’apparence de la création d’un groupe d’alliés visant à asseoir leur hégémonie militaire sur la péninsule arabique, en particulie­r contre le Qatar qui a du souci à se faire. Doha doit se souvenir de l’invasion du Bahreïn par la garde nationale saoudienne, qui écrasa dans un bain de sang une révolte populaire à la belle époque de ce que l’on nommait le Printemps arabe. Les Qataris ne savent que trop bien qu’ils partagent avec les Saoudiens la même version dure de l’islam, le wahhabisme, les autorisant donc aux yeux des éléments les plus réactionna­ires de l’islam à briguer, au même titre que les Saoudiens, les deux villes saintes de l’islam. Les Qataris savent aussi qu’ils sont les principaux financiers des Frères musulmans qui concurrenc­ent la version salafiste défendue par Ryad pour la capture du coeur de l’extrémisme musulman sunnite. Cette distinctio­n est de taille car les Frères musulmans proposent un modèle de société exactement à l’opposé de celui qui prévaut chez les cheikhs. En effet, la légitimité des Frères musulmans vient du bas vers le haut, donc des urnes, alors que le modèle des pétromonar­chies est celui qui est fondé sur les largesses du cheikh distribuée­s du haut vers le bas. Il n’est donc pas étonnant que le parti des Frères musulmans, le “Islah” (ou rectificat­ion), soit interdit dans l’ensemble de la péninsule arabique, exception faite du Qatar qui accepte ce parti sous condition de ne pas militer sur place! Les bookmakers ne donnent pas chers de la possibilit­é que la réunion, prévue de longue date à Camp David, entre les pays membres du Conseil de coopératio­n du Golfe et le président Donald Trump, se tienne en septembre prochain. Même si les cheikhs évitent de se dire les choses en face, le moment est peut-être venu pour eux d’officielle­ment dissoudre ce conseil moribond.

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