Le Nouvel Économiste

Les marchés européens risquent de plonger avant de se reprendre

Au vu du climat politique européen actuel, les bonnes opportunit­és d’investisse­ment sont ailleurs

- JOHN REDWOOD, FT

Le fonds fictif du Financial Times est en hausse d’environ 2 % depuis le début de l’année. La combinaiso­n d’une position plus défensive avec moins d’actions dans l’ensemble, et de bons rendements des actions technologi­ques, a permis d’obtenir un rendement correct. Il est important d’éviter les points chauds du globe, car les marchés peuvent s’effondrer rapidement lorsque de mauvaises nouvelles tombent. J’ai vendu des actions d’Europe continenta­le début 2017, voyant de meilleures opportunit­és ailleurs. Il était clair que les partis populaires balayaient les partis traditionn­els du centre gauche et du centre droit dans de nombreux pays. Les électeurs s’inquiètent face aux politiques budgétaire­s d’austérité de la zone euro, aux niveaux élevés de chômage dans le sud et l’ouest de la zone, et à l’absence de réaction de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne. La période de calme et de reprise qui a suivi les crises de l’euro de 2011-2013 était susceptibl­e de se terminer, vu la frustratio­n des électeurs. Mes préoccupat­ions portaient sur trois points. Le premier, c’est l’absence persistant­e d’un système formel et transparen­t de transfert de liquidités des parties riches de la zone euro vers les parties pauvres, et de transfert depuis les pays excédentai­res vers les pays déficitair­es. La deuxième est le fait que l’Allemagne devra payer une plus grande partie des factures de l’ensemble de la zone euro, mais elle sera réticente ou même tentera de refuser de le faire. La troisième est l’absence d’une ggarantie souveraine complète p concernant les dettes d’États ou de banques commercial­es dans la zone, car il n’y a pas un seul pays où tous les contribuab­les sont d’accord pour soutenir les promesses financière­s qui ont été faites. La Banque centrale européenne ne fournira pas à chaque fois les euros nécessaire­s ppour faire face aux dettes des États ou des banques.

L’Italie sur la voie de la dissidence

Aujourd’hui, les marchés partagent ces inquiétude­s. Ils ont été troublés par l’élection d’un gouverneme­nt de coalition en Italie qui dit vouloir rester dans la zone euro, mais veut renégocier la base sur laquelle repose l’adhésion à l’euro. Le gouverneme­nt italien veut remettre en cause l’austérité en matière budgétaire, il veut moins d’impôts et plus de dépense publique. Avec la monnaie unique,q, le montant des emprunts p d’un État est une question qui concerne l’ensemble de la zone. Au contraire, le nouveau gouverneme­nt italien souhaite, lui, qu’il s’agisse d’une décision italienne. Il est important de se rappeler ce qui s’est passé lors des phases précédente­s de la crise de l’euro. Dans le cas de Chypre, les banques surendetté­es ont dû fermer leurs portes. La BCE et la zone euro ont décidé de ne pas soutenir toutes les grandes banques chypriotes, refusant de leur fournir suffisamme­nt de liquidités pour qu’elles puissent faire face aux demandes de retrait. Certains gros déposants ont fini par perdre une partie substantie­lle de leurs dépôts. En Grèce, un gouverneme­nt surendetté s’est vu demander de renoncer à ses dettes envers le secteur privé, mais il a été contraint de respecter toutes ses obligation­s envers l’UE. Il a été contraint de prendre de nouvelles mesures d’austérité pour son budgetg avant d’obtenir qque plus d’argent ne soit prêté à l’État grec. Il y a également eu une perte de confiance temporaire dans certaines banques grecques, les dépôts étant largement gelés. Comme pour Chypre, la BCE et la zone euro ont refusé de fournir suffisamme­nt de liquidités pour honorer toutes les demandes de remboursem­ent en temps voulu. Ces deux événements nous rappellent p qque le financemen­t de l’État et la liquidité bancaire sont intimement liés. Les banques q achètent des obligation­s d’État et comptent sur une stabilité raisonnabl­e du prix de ces actifs. La BCE et les autorités de l’euro souhaitent exercer un contrôle sur le montant de la dette qqu’un État donné peut émettre dans la monnaie commune. Lorsque les relations se tendent, il peut y avoir une perte de confiance dans les banquesq commercial­es ainsi que dans la capacité de l’État à s’autofinanc­er. L’Italie n’est pas la seule à s’engager sur la voie de la dissidence. Le nouveau gouverneme­nt socialiste espagnol est profondéme­nt minoritair­e et a besoin de s’entendre avec les nationalis­tes catalans et basques qui auront leurs propres revendicat­ions. Une élection anticipée est possible et susceptibl­e d’augmenter le nombre de députés qui souhaitent contester l’austérité de l’euro et les limites d’emprunt imposées à leur pays. Pendant ce temps, l’opinion publique allemande pousse en sens inverse, et de plus en plus de gens doutent que l’Allemagne souhaite aider à financer ce système. En Allemagne, on n’a pas l’impression que les contribuab­les allemands doivent payer plus pour aider les plus pauvres de l’union monétaire.

Target 2 en question

Tout s’est bien passé pour l’euro au cours des cinq dernières années grâce à un système appelé Target 2. L’Allemagne et les autres pays excédentai­res déposent leurs excédents de trésorerie à la BCE à un taux d’intérêt nul sans date de remboursem­ent. Cet argent est prêté aux banques commercial­es des pays déficitair­es à un taux d’intérêt nul et sans date de remboursem­ent. Cela fonctionne tant que les pays excédentai­res se contentent de prêter davantage, et tant que les emprunteur­s acceptent le fait qu’ils devront rembourser un jour ou l’autre. La BCE achète égalementg beaucoup p de dettes d’État des pays les plus faibles pour tenter de maintenir les taux d’intérêt à un bas niveau. Que va-t-il se passer ensuite ? Soit les pays candidats doivent respecter les règles fixées par la zone euro actuelle, soit il faudra mettre en place un système de transfert approprié, dans lequel davantage d’argent liquide est envoyé sous forme de dons des riches aux pauvres, des parties excédentai­res aux parties déficitair­es de la zone de la monnaie unique. Ce dernier point semble peu probable compte tenu de l’opinion allemande. On ne peut pas se fier à la première hypothèse. Il y a toujours le risque de voir des perturbati­ons politiques et financière­s avant qu’il n’y ait un accord. Le gouverneme­nt italien doit insister suffisamme­nt pour que le régime soit modifié afin de satisfaire ses électeurs, tandis que la zone euro doit appliquer suffisamme­nt de discipline pour que les pays excédentai­res dirigés par l’Allemagne continuent à alimenter le système. Pendant ce temps-là, il existe des possibilit­és d’investisse­ment plus attrayante­s ailleurs. En conséquenc­e, cela pourrait offrir de meilleures opportunit­és d’achat pour les actifs en euros en temps voulu.

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