Du principe d’égalité à celui d’équité
Le modèle de redistribution collective et aveugle de l’après-guerre a vécu. Il devrait laisser la place à une redistribution individualisée et émancipatrice
Le match du quinquennat va se jouer j entre “Jours heureux” et “État-providence du XXI e siècle”. Ce sera un combat politique au finish entre les gardiens autoproclamés du programme social du Conseil national de la résistance publié en mars 1944 sous le dossard “Jours heureux”, et le challengeur Emmanuel Macron qqui a ppris ppour fanion “État-providence du XXI e siècle”. Deux visions de la question sociale vont s’affronter. La première entend perpétuer les mécanismes de la redistribution à l’oeuvre depuis des décennies. La seconde prétend miser sur l’émancipation sous toutes ses formes plutôt que sur la seule logique du guichet. Il s’agit de passer du principe d’égalité à celui d’équité...
Le match du quinquennat va se jjouer entre “JJours heureux” et “État-providence du XXI e siècle”. Ce sera un combat politique au finish entre les gardiens autoproclamés du programme social du Conseil national de la résistance publié en mars 1944 sous le dossard “Jours heureux”, et le challengeurg Emmanuel Macron quiq a pris pour fanion “État-providence du XXIe siècle”. Deux visions de la question sociale vont s’affronter. La première entend perpétuer les mécanismes de la redistribution à l’oeuvre depuis des décennies. La seconde prétend miser sur l’émancipation sous toutes ses formes plutôt que sur la seule logique du guichet. Il s’agit de passer du principe d’égalité à celui d’équité.
Deux visions de la question sociale vont s’affronter. La première entend perpétuer les mécanismes de la redistribution à l’oeuvre depuis des décennies. La seconde prétend miser sur l’émancipation sous toutes ses formes plutôt que sur la seule logique du guichet. Il s’agit de passer du principe d’égalité à celui d’équité.
Le nouveau contrat social selon Macron
Alors, va-t-on assister au simple remake des joutes entre socialdémocratie et libéralisme ? Sans doute pas. Pour deux raisons majeures. D’une part, le courant redistributif incarné par ce socialisme pro-européen vit une agonie politique qui paraît sans fin. Résultat, c’est l’ultragauche qui occupe le terrain de l’opposition. D’autre part, le macronisme ne se réduit pas à un libéralisme économiqueq ppur et dur,, il croit aussi au rôle de l’État et aux vertus de la… dépense publique. Résultat, la droite classique se fracture entre partisans d’un vrai libéralisme, et disciples centristes accommodants par nature avec un pouvoir menant une politique d’apparence “centrale”. Cet échiquier instable fait certes le lit du macronisme politique, mais en même temps la mise au rancart de références historiques standard obscurcit la lisibilité de ses axes stratégiques. Être inclassable idéologiquement n’est qu’un atout provisoire. Cela va notamment se voir pour le déroulé de l’agenda social des prochains mois, annoncé par Emmanuel Macron devant le Congrès réuni à Versailles ce 9 juillet. Comme s’il était en session de rattrapage, le président de la République a sacrifié au rite en appelant à un sommet avec les syndicats patronaux et salariés. Du coup, le camp du paritarisme resserre les rangs : huit syndicats patronaux et salariés viennent de se réunir ppour pparler de leur avenir. Parce que l’Élysée va les recevoir, mais avec en tête une
translation des lignes qui habituellement fondent le contrat social. C’est un changement à hauts risques. On ne modifie pasl’Étatg providence par décret. Emmanuel Macron a en effet une grande ambition. À Versailles, devant les parlementaires, il la définissait ainsi : “le réel modèle social de notre pays doit choisir de s’attaquer aux racines profondes des inégalités de destin. (…). Le coeur même d’une politique sociale n’est pas d’aider les gens à vivre mieux la condition dans laquelle ils sont nés et destinés à rester, mais d’en sortir. Je crois à une politique de l’émancipation de chacun qui libère du déterminisme social, qui s’affranchit des statuts”.
Le triptyque talent, effort, mérite
Une telle approche prend appui sur le triptyque talent, effort, mérite. Autant de qualités individuellement libératrices qui heurtent de front l’establishment syndical et une forme de consensus médiatique. Jean-Luc Mélenchon, leader des Insoumis, répondait par exemple du tac au tac sur BFM que l’on peut être fier de sa condition ouvrière sans vouloir en sortir – tout en cherchant à améliorer ses revenus. Jean-Louis Borloo, renvoyé aux pages de son rapport “Plan Banlieue” pour trop préconiser l’arrosage par l’argent public, a vivement réagi. Florilège : “arbitrer les quelques moyens que l’on a pour permettre à ceux qui courent le plus vite de courir de plus en plus vite est une vision de la société que je trouve inefficace et dangereuse”. Soixante-quatorze ans après les recommandations inscrites au fronton des “Jours heureux” sur “la sécurité sociale, la sécurité de l’emploi, la garantie de la retraite”, la doxa sur le pacte social reste figée dans le même moule. Quiconque veut l’adapter aux temps nouveaux sera continûment accusé de “casse sociale”. Le langage du tout nouveau secrétaire général de FO, Pascal Pavageau, directement inspiré des luttes de classe d’avant-guerre, est caractéristique de ce genre de posture. “Ça ne la fait pas”, dit-il à tout bout de champ. C’est dire que pour le pouvoir actuel, la difficulté est double. Il lui faut arrêter une dérive des dépenses sociales devenue ingérable compte tenu du rythme de croissance du ppays.y C’est une bataille qqui sera rude. Dans le même temps, l’Élysée s’est donné pour mission d’installer une nouvelle forme de solidarité. Là, la bataille sera avant tout culturelle. Privilégierg l’intervention de l’État en amont est probablement plus efficace que la coûteuse réparation ex post, mais ce n’est pas dans les moeurs. La transformation sociale selon Macron sera une longue marche dont le discours
Le triptyque talent, effort, mérite : autant de qualités individuellement libératrices qui heurtent de front l’establishment syndical et une forme de consensus médiatique
L’opinion est davantage marquée par la disparition de l’ISF sur les patrimoines financiers ou la hausse de la CSG pour les retraités, que par un projet social dont la cohérence “émancipatrice” reste en dessous de la ligne de visibilité. Qu’est-ce qui manque alors ? Des relais solides et convaincants dans toutes les strates de la société.
de Versailles II ne livre que les prémices.
La fin des “Jours heureux”
La prise de conscience macronienne ne doit rien au hasard. Ce n’est pas la perte d’un idéal qui a fait capoter la social-démocratie, ce sont des gouffres financiers que même des déficits creusés sans cesse n’arrivent plus à combler. La bascule décisive a eu lieu dans le sillage de la crise financière de 2008. Depuis, la fin des “Jours heureux” – entendue comme un système non régulé et non maîtrisé de protection sociale – est inscrite tôt ou tard au calendrier. Les statistiques parlent d’ellesmêmes. Une étude de la Drees, ministère de la Santé et des Solidarités, indique que “la France est championne de l’Union européenne et probablement du monde pour les dépenses liées à la vieillesse et à la santé”. En comptabilité nationale, cela correspond, pour l’année 2016, à 32,1 % du PIB consacré aux seules prestations sociales. Exprimé autrement, cela représente 715 milliards d’euros sur un PIB total 2016 de 2 229 milliards. Deux observations à partir d’un tel palmarès. D’abord, comment comprendre qu’avec de telles sommes, selon l’expression syndicale consacrée, “ça craque de toutes parts” ? Même s’il importe de pondérer les comparaisons internationales en sachant que certains actes sont ici intégrés à la sphère publique, alors que dans d’autres pays ils relèvent du privé, les masses en jeu obligent à se poser la question de leur efficacité. Ensuite la moyenne “sociale” européenne, qui s’établit à 27,5 % de PIB, soit 4,6 points de PIB de moins qu’en France, signe un handicap objectif de compétitivité pour le site tricolore. De fait, la facture se paie soit par une ponction plus forte sur les comptes des entreprises, soit par un dérapage supplémentaire de déficit public.
L’Etat-providence à l’ancienne
Cet écart pénalisant provient d’un gonflement de la dépense sociale d’un point de PIB tous les cinq ans depuis vingt ans. Adresse envoyée à tous les frustrés d’une jambe sociale “Macron” ! Poursuivre encore vingt ans dans la même direction, voire cinq ans, serait un suicide économique. Ce qui n’empêche pas la demande sociale et la revendication de “service public” de gonfler sans cesse. Comment en sortir ? Ce qui craqueq de toute ppart c’est la société assurantielle de l’État-proq vidence à l’ancienne, caractérisée par la mutualisation croissante des risques sociaux. Sans vrais devoirs en contrepartie. D’où le soin mis par Emmanuel Macron à déplacer les curseurs vers unÉtatp providence du XXIe siècle axé sur une solidarité mieux ciblée et surtout plus “active”. Cela se traduit par le souci d’accompagner de manière rigoureuse et personnalisée tous ceux qui le peuvent vers un retour progressif au monde du travail. Cette jambe “sociale” du macronisme a déjà esquissé ses premiers pas lors de la première année du quinquennat. Elle existe… autrement que par la stricte redistribution. Au cours de la deuxième année, l’objectif est d’accélérer toujours en attaquant “le mal” à la racine sans porter atteinte au rétablissement des équilibres économiques d’ensemble. Les travaux pratiques se déploient dans plusieurs directions.
Le doublement des classes CP plus efficace que la redistribution
En Macronie, le meilleur indicateur de lutte contre les inégalités est le taux d’emploi. En France, il est trop faible, notamment chez les jeunes. Or ce pays consacre autant de points de PIB (5,2 %) à la défense de l’emploi qu’à la dépense en direction de l’éducation du primaire au supérieur. Qui est en stagnation depuis vingt ans ! Cherchez l’erreur. La réorientation a commencé grâce à un ministre, Jean-Michel Blanquer, qui replace le système éducatif dans l’apprentissage des fondamentaux. Emmanuel Macron a fait lui-même le service après-vente à Versailles : “l’école maternelle obligatoire à trois ans est une mesure dont nous devons être fiers. Le dédoublement des classes de CP et CE1 en zone d’éducation prioritaire est une mesure de justice sociale plus efficace que tous les dispositifs de redistribution parce qu’on y distribue de manière différenciée le savoir fondamental”. L’argument est limpide, mais par construction, ce genre de politique sociale relève du temps très long. Le “paquet” mis sur la formation professionnelle participe de cette même logique. La baisse du coût de l’apprenti pour l’employeur également. La réorganisation des minima sociaux est aussi sous l’oeil du gouvernement. La moitié des allocataires au RSA n’ont pas de contrat d’accompagnement vers l’emploi. Le plan pauvreté à venir recadrera tout le système avec l’état d’esprit de “s’occuper des gens” sur le chemin vers le travail.
Chômage, retraite, santé: la fin du système assurantiel paritaire
Au sein du remue-méninges macronien, l’assurance chômage occupe une place privilégiée, à la grande alarme des syndicats. Toutes les règles vont être revues, indemnisation et durée pour les salariés, bonus-malus sur les contrats de travail à l’intention du patronat, universalité vers toutes les catégories – travailleurs indépendants comme démissionnaires – pour effacer les distorsions dues à des statuts différents. Dès le 17 juillet, l’Élysée se mettra à l’école de la démocratie sociale, une première, en recevant les partenaires sociaux pour leur présenter des propositions détaillées qui marqueront une rupture avec le système assurantiel et paritaire. Les deux grands pôles de la protection sociale auront droit aussi à leur toilettage. En grand pour les futurs retraités. Le sens de la réforme à venir est de personnaliser les rouages (choix de la date de départ, de la prolongation ou de l’arrêt provisoire en connaissant à chaque fois son nombre de “points”, quels que soient les parcours) en remplaçant les quarante régimes existants par un seul. Les montants versés seront calés sur la réalité économique et non plus sur des critères aléatoires selon les majorités politiques. Pour la santé, la patte Macron est déjà à l’oeuvre. Le reste à charge zéro pour les lunettes aura aussi des retombées positives, estimet-on, sur le niveau des compétences personnelles. La recherche de l’émancipation par le travail emprunte tous les canaux possibles ! Suivront la reconnaissance de la solidarité familiale et le statut des aidants, avec à la base la même logique d’individualisation.
La cohérence émancipatrice du nouveau contrat social reste à expliquer
L’État-providence du XXIe siècle selon Macron sera “émancipateur, universel, efficace, responsabilisant”. Il sera le reflet d’une société sans cesse en mouvement par l’innovation et la compétence. C’est séduisant, mais on est tenté de répondre que le statut est le propre du citoyen français. Chacun a d’une certaine façon le sien. Il n’est pas sûr que la disparition annoncée de celui du cheminot change la donne. Parions d’ailleurs qu’on le retrouvera sous une forme ou sous une autre dans la future convention collective du secteur. Toute cette construction macronienne autour d’un “nouveau contrat social” pourrait bien passer au-dessus de la tête, et du vote, des Français. Déjà, selon le baromètre Harris Interactive, la confiance accordée au président de la République est tombée en juin à son plus bas (40 % tout de même). En fait, l’opinion est davantage marquée par la disparition de l’ISF sur les patrimoines financiers, la baisse de l’APL ou la hausse de la CSG pour les retraités, que par un projet social dont la cohérence “émancipatrice” reste en dessous de la ligne de visibilité. Qu’est-ce qui manque alors ? Des relais solides et convaincants dans toutes les strates de la société. Les ténors de la majorité semblent flotter dans leurs éléments de langage inlassablement répétés. Eux aussi auraient besoin d’être accompagnés par des hussards qui ont la foi. Le rocardisme avait déjà expérimenté cette idée que faute de pouvoir d’achat, il faut diffuser de la responsabilité. Il y avait alors des jeunes rocardiens pour porter la parole. Aujourd’hui on cherche les jeunes macroniens.