Prise de parole en public, la meilleure façon de parler
Des techniques simples et efficaces pour vaincre l’appréhension, développer le charisme et transmettre des messages clairs
La prise de parole en public n’est pas un exercice facile, quelles que soient les circonstances et encore moins dans le cadre professionnel. La peur de mal faire, d’être mal jugé, de ne pas être écouté ou tout simplement de ne pas faire passer le bon message, font partie des appréhensions légitimes de l’exercice. De plus en plus d’entreprises en France, basées sur le modèle américain des keynotes façon Apple, font appel à des coaches pour mieux appréhender ce pan essentiel de la communication. Ces formations doivent permettre aux futurs intervenants d’être plus à l’aise, plus en confiance et surtout de capter leur auditoire tout en le convaincant. Agir sur la façon de parler, de respirer et de se mouvoir sont autant d’astuces pour devenir bon, et même y prendre du plaisir.
Prendre la parole devant une foule de personnes censée vous écouter est vécu par la plupart des ggens comme une source de stress. Être l’attention de la foule, ne serait-ce que quelques minutes, ne constitue pas un passe-temps banal pour le commun des actifs. Une recherche rapide sur Internet montre combien cette peur est partagée. Sur YouTube, les vidéos, rien qu’en langue française, proposant de vous faire mieux gérer cette peur, sont pléthores, tout comme les obscures méthodes payantes promettant de s’améliorer. “La peur de parler en public, ou glossophobie, est un symptôme que l’on
peut retrouver dans le trouble psychiatrique qu’est la phobie sociale, explique le docteur Franz Hozer, psychiatre aux CHU du KremlinBicêtre. Mais on peut juste avoir la peur de parler en public et être à l’aise dans le reste des activités Ce malaise à la prise de parole publique peut trouver son origine dans le système d’éducation français où l’oral n’est pas assez mis en valeur
sociales.” La glossophobie est à bien différencier de la timidité, qui n’empêche pas d’interagir avec les autres et ne se montre pas réellement handicapante. L’autre point de départ de ce malaise à la prise de parole publique pourrait trouver son origine dans l’éducation française, où l’oral n’est pas assez mis en valeur. Ce qui est déjà vrai pour l’apprentissage des langues vivantes l’est aussi en amont. “C’est le problème français, sanctionne Annabelle Roberts, canadienne anglophone qui a créé en France la société de coaching de prise de parole Present Perfect. Les prises de parole dans la scolarité avec les récitations de La Fontaine faussent tout, car on a 20/20 si on a tout mémorisé, même si c’est dit sur un ton monocorde. La forme n’est pas du tout valorisée”. Jonathan Livescault, ancien diplômé de l’Essec et fondateur de la start-up Braineet, un réseau social mettant en relation les
marques et leurs consommateurs pour améliorer les produits, se souvient : “À l’école nous n’avions pas de cours de pitch (présentation) où on nous expliquait comment se comporter. Quand on est entrepreneur, c’est important. L’apprendre à l’école serait clairement une bonne idée.”
Capter l’auditoire
Aujourd’hui, et depuis les keynotes très médiatisées de Steve Jobs pour Apple, si cette forme de communication n’est pas encore devenue la norme en France, elle est la manière la plus plébiscitée, la plus attractive. C’est s’adresser au plus grand nombre tout en se montrant accrochant, et si possible cool. Pas de notes ou de prompteur visibles, éviter les pupitres et rendre l’événement
“Lorsqu’on réussit sa première prise de parole en public, c’est un moment très fort, très ‘empowering’” La respiration pendant le discours est l’une des clefs à maîtriser, car elle donne le rythme de la parole. Capter l’audience n’est pas une course de vitesse, et mieux vaut en dire moins que tout et trop vite, si vous souhaitez qu’on se souvienne de votre message
le plus vivant possible. “Si vous voulez que votre idée se répande, il faut qu’elle voyage dans l’espace jusqu’à votre auditoire. Et sans charisme, c’est un voyage très dur, intervient Annabelle Roberts. Ceux qui savent transmettre leurs idées sont ceux qui réussissent.” “Il ne faut pas être ‘boring’ lorsqu’on présente son projet, poursuit Jonathan Livescault. On vend une vision. Convaincre, c’est maximiser les propos positifs. Dire le moins de choses possibles avec le plus d’impact.” Les dirigeants ou les experts des entreprises sont amenés à faire passer des messages, que ce soit dans l’entreprise elle-même ou à l’extérieur pour sa communication. Une bonne prise de parole permet de gagner un temps fou, d’éviter les quiproquos ou encore de maîtriser parfaitement son image. Dorénavant, les entreprises sollicitent des renforts pour accompagner des changements lourds, des restructurations. “Nous proposons le coaching depuis assez longtemps, témoigne Fabrice Daverio, coach en prise de parole au CFPJ et directeur conseil et stratégie du groupe Abilways. Mais cela fait peu de temps qu’on l’affiche. Nous avons accompagné de nombreux dirigeants. Il s’agissait de demandes ponctuelles au départ, c’est maintenant beaucoup plus recherché.”
Ne pas trop en dire
Lors d’une prise de parole, le stress et le manque de clarté sont les deux principaux écueils rencontrés. La volonté de vouloir beaucoup en dire, et donc de ne pas prendre son temps, peut aisément perdre à la fois l’orateur et son auditoire. “Les gens veulent être exhaustifs mais on noie le
public quand on donne trop d’informations, analyse Christophe Quester, directeur conseil de The Message Company, spécialisée dans le coaching. Les gens sont trop conceptuels, trop jargonneux dans leur branche, comme le sont les politiques.” La respiration pendant le discours est l’une des clefs à maîtriser, car elle donne le rythme de la parole. Capter l’audience n’est pas une course de vitesse, et mieux vaut en dire moins que tout et trop vite si vous souhaitez qu’on se souvienne de votre message. “L’humain est mimétique, reprend Cristophe Quester. Si vous êtes en apnée, l’auditoire le sera aussi. Barack Obama prend son temps même si tout le monde l’attend. C’est l’une des techniquesq qqu’il utilise.” Si le 44e président des États-Unis avait évidemment l’arme du charisme dans son escarcelle, il a aussi beaucoup travaillé la forme pour devenir l’un des exemples incontournables du bon performeur. Chacun alimente son discours par une posture reflétant l’image qu’il veut se donner. Christine Lagarde, directrice du FMI, est aussi une figure des bons orateurs et économise ses mouvements. “Lagarde veut véhiculer la fiabilité, la modestie”, analyse Jonathan Livescault. Lors de la campagne présidentielle française de 2017, “François Fillon était aussi comme ça, sans aucun signe de passion, que de la raison. Emmanuel Macron, c’était le contre-pied, la jeunesse, la nouveauté, ne pas être élitiste. Tout est calculé, maîtrisé.”
Entre le fond et la forme
La plupart des entreprises de coaching en prise de parole travaillent par petits groupes, afin de faire du cas par cas et optimiser la pédagogie. En ce qui concerne les prix, la formation du CFPJ, sur deux jours (14 heures) est facturée 1 390 euros hors taxe. Present Perfect propose un forfait à 2 200 euros comprenant aussi un coaching individuel sous forme de bilan, trois mois après la formation. The Message Company qui s’adresse particulièrement aux dirigeants, n’a pas souhaité divulguer ses tarifs, sensiblement supérieurs. Cette dernière a une approche journalistique et s’adresse en priorité aux dirigeants des groupes afin de les préparer aux rencontres avec les médias (médias training), pour être sûr de délivrer le bon message. “Notre méthode, c’est beaucoup de bon sens. Nos coaches sont tous journalistes et nous travaillons d’abord sur le fond et non la forme, expose Fabrice Quester. La forme sans le fond, ça ne sert a rien.” Pour Present Perfect, il n’y a pas de coeur de cible, et la forme et le fond sont traités à égalité, l’un ne pouvant être dissocié de l’autre. C’est avec la comparaison entre les fondations et la décoration d’une maison qu’Annabelle Roberts aime expliquer son approche : “Le fond doit être travaillé, mais c’est le charisme qui va capter le public. C’est une chose que les Français trouvent superficielle, mais pourtant ça marche !” Tout peut se travailler. La façon de poser sa voix, de se tenir au sol, les mouvements des bras, le sourire, les silences, la structure du message, le tout pour servir un message. “Nous mettons d’emblée les personnes en situation, c’est filmé et on peut
voir immédiatement les qualités et les faiblesses sur lesquelles nous allons travailler, témoigne Fabrice Daverio pour le CFPJ. Il est étonnant parfois de voir sur une journée de formation les visages changer à ce point, et de constater que les gens ont totalement évolué dans l’exercice.” Parler en public peut être impressionnant, mais ne doit pas devenir une phobie. “Lorsqu’on réussit sa première prise de parole en public, c’est un moment très fort, très ‘empowering’”, conclut Annabelle Roberts.