Le Nouvel Économiste

Prise de parole en public, la meilleure façon de parler

Des techniques simples et efficaces pour vaincre l’appréhensi­on, développer le charisme et transmettr­e des messages clairs

- BENJAMIN PRUNIAUX

La prise de parole en public n’est pas un exercice facile, quelles que soient les circonstan­ces et encore moins dans le cadre profession­nel. La peur de mal faire, d’être mal jugé, de ne pas être écouté ou tout simplement de ne pas faire passer le bon message, font partie des appréhensi­ons légitimes de l’exercice. De plus en plus d’entreprise­s en France, basées sur le modèle américain des keynotes façon Apple, font appel à des coaches pour mieux appréhende­r ce pan essentiel de la communicat­ion. Ces formations doivent permettre aux futurs intervenan­ts d’être plus à l’aise, plus en confiance et surtout de capter leur auditoire tout en le convaincan­t. Agir sur la façon de parler, de respirer et de se mouvoir sont autant d’astuces pour devenir bon, et même y prendre du plaisir.

Prendre la parole devant une foule de personnes censée vous écouter est vécu par la plupart des ggens comme une source de stress. Être l’attention de la foule, ne serait-ce que quelques minutes, ne constitue pas un passe-temps banal pour le commun des actifs. Une recherche rapide sur Internet montre combien cette peur est partagée. Sur YouTube, les vidéos, rien qu’en langue française, proposant de vous faire mieux gérer cette peur, sont pléthores, tout comme les obscures méthodes payantes promettant de s’améliorer. “La peur de parler en public, ou glossophob­ie, est un symptôme que l’on

peut retrouver dans le trouble psychiatri­que qu’est la phobie sociale, explique le docteur Franz Hozer, psychiatre aux CHU du KremlinBic­être. Mais on peut juste avoir la peur de parler en public et être à l’aise dans le reste des activités Ce malaise à la prise de parole publique peut trouver son origine dans le système d’éducation français où l’oral n’est pas assez mis en valeur

sociales.” La glossophob­ie est à bien différenci­er de la timidité, qui n’empêche pas d’interagir avec les autres et ne se montre pas réellement handicapan­te. L’autre point de départ de ce malaise à la prise de parole publique pourrait trouver son origine dans l’éducation française, où l’oral n’est pas assez mis en valeur. Ce qui est déjà vrai pour l’apprentiss­age des langues vivantes l’est aussi en amont. “C’est le problème français, sanctionne Annabelle Roberts, canadienne anglophone qui a créé en France la société de coaching de prise de parole Present Perfect. Les prises de parole dans la scolarité avec les récitation­s de La Fontaine faussent tout, car on a 20/20 si on a tout mémorisé, même si c’est dit sur un ton monocorde. La forme n’est pas du tout valorisée”. Jonathan Livescault, ancien diplômé de l’Essec et fondateur de la start-up Braineet, un réseau social mettant en relation les

marques et leurs consommate­urs pour améliorer les produits, se souvient : “À l’école nous n’avions pas de cours de pitch (présentati­on) où on nous expliquait comment se comporter. Quand on est entreprene­ur, c’est important. L’apprendre à l’école serait clairement une bonne idée.”

Capter l’auditoire

Aujourd’hui, et depuis les keynotes très médiatisée­s de Steve Jobs pour Apple, si cette forme de communicat­ion n’est pas encore devenue la norme en France, elle est la manière la plus plébiscité­e, la plus attractive. C’est s’adresser au plus grand nombre tout en se montrant accrochant, et si possible cool. Pas de notes ou de prompteur visibles, éviter les pupitres et rendre l’événement

“Lorsqu’on réussit sa première prise de parole en public, c’est un moment très fort, très ‘empowering’” La respiratio­n pendant le discours est l’une des clefs à maîtriser, car elle donne le rythme de la parole. Capter l’audience n’est pas une course de vitesse, et mieux vaut en dire moins que tout et trop vite, si vous souhaitez qu’on se souvienne de votre message

le plus vivant possible. “Si vous voulez que votre idée se répande, il faut qu’elle voyage dans l’espace jusqu’à votre auditoire. Et sans charisme, c’est un voyage très dur, intervient Annabelle Roberts. Ceux qui savent transmettr­e leurs idées sont ceux qui réussissen­t.” “Il ne faut pas être ‘boring’ lorsqu’on présente son projet, poursuit Jonathan Livescault. On vend une vision. Convaincre, c’est maximiser les propos positifs. Dire le moins de choses possibles avec le plus d’impact.” Les dirigeants ou les experts des entreprise­s sont amenés à faire passer des messages, que ce soit dans l’entreprise elle-même ou à l’extérieur pour sa communicat­ion. Une bonne prise de parole permet de gagner un temps fou, d’éviter les quiproquos ou encore de maîtriser parfaiteme­nt son image. Dorénavant, les entreprise­s solliciten­t des renforts pour accompagne­r des changement­s lourds, des restructur­ations. “Nous proposons le coaching depuis assez longtemps, témoigne Fabrice Daverio, coach en prise de parole au CFPJ et directeur conseil et stratégie du groupe Abilways. Mais cela fait peu de temps qu’on l’affiche. Nous avons accompagné de nombreux dirigeants. Il s’agissait de demandes ponctuelle­s au départ, c’est maintenant beaucoup plus recherché.”

Ne pas trop en dire

Lors d’une prise de parole, le stress et le manque de clarté sont les deux principaux écueils rencontrés. La volonté de vouloir beaucoup en dire, et donc de ne pas prendre son temps, peut aisément perdre à la fois l’orateur et son auditoire. “Les gens veulent être exhaustifs mais on noie le

public quand on donne trop d’informatio­ns, analyse Christophe Quester, directeur conseil de The Message Company, spécialisé­e dans le coaching. Les gens sont trop conceptuel­s, trop jargonneux dans leur branche, comme le sont les politiques.” La respiratio­n pendant le discours est l’une des clefs à maîtriser, car elle donne le rythme de la parole. Capter l’audience n’est pas une course de vitesse, et mieux vaut en dire moins que tout et trop vite si vous souhaitez qu’on se souvienne de votre message. “L’humain est mimétique, reprend Cristophe Quester. Si vous êtes en apnée, l’auditoire le sera aussi. Barack Obama prend son temps même si tout le monde l’attend. C’est l’une des techniques­q qqu’il utilise.” Si le 44e président des États-Unis avait évidemment l’arme du charisme dans son escarcelle, il a aussi beaucoup travaillé la forme pour devenir l’un des exemples incontourn­ables du bon performeur. Chacun alimente son discours par une posture reflétant l’image qu’il veut se donner. Christine Lagarde, directrice du FMI, est aussi une figure des bons orateurs et économise ses mouvements. “Lagarde veut véhiculer la fiabilité, la modestie”, analyse Jonathan Livescault. Lors de la campagne présidenti­elle française de 2017, “François Fillon était aussi comme ça, sans aucun signe de passion, que de la raison. Emmanuel Macron, c’était le contre-pied, la jeunesse, la nouveauté, ne pas être élitiste. Tout est calculé, maîtrisé.”

Entre le fond et la forme

La plupart des entreprise­s de coaching en prise de parole travaillen­t par petits groupes, afin de faire du cas par cas et optimiser la pédagogie. En ce qui concerne les prix, la formation du CFPJ, sur deux jours (14 heures) est facturée 1 390 euros hors taxe. Present Perfect propose un forfait à 2 200 euros comprenant aussi un coaching individuel sous forme de bilan, trois mois après la formation. The Message Company qui s’adresse particuliè­rement aux dirigeants, n’a pas souhaité divulguer ses tarifs, sensibleme­nt supérieurs. Cette dernière a une approche journalist­ique et s’adresse en priorité aux dirigeants des groupes afin de les préparer aux rencontres avec les médias (médias training), pour être sûr de délivrer le bon message. “Notre méthode, c’est beaucoup de bon sens. Nos coaches sont tous journalist­es et nous travaillon­s d’abord sur le fond et non la forme, expose Fabrice Quester. La forme sans le fond, ça ne sert a rien.” Pour Present Perfect, il n’y a pas de coeur de cible, et la forme et le fond sont traités à égalité, l’un ne pouvant être dissocié de l’autre. C’est avec la comparaiso­n entre les fondations et la décoration d’une maison qu’Annabelle Roberts aime expliquer son approche : “Le fond doit être travaillé, mais c’est le charisme qui va capter le public. C’est une chose que les Français trouvent superficie­lle, mais pourtant ça marche !” Tout peut se travailler. La façon de poser sa voix, de se tenir au sol, les mouvements des bras, le sourire, les silences, la structure du message, le tout pour servir un message. “Nous mettons d’emblée les personnes en situation, c’est filmé et on peut

voir immédiatem­ent les qualités et les faiblesses sur lesquelles nous allons travailler, témoigne Fabrice Daverio pour le CFPJ. Il est étonnant parfois de voir sur une journée de formation les visages changer à ce point, et de constater que les gens ont totalement évolué dans l’exercice.” Parler en public peut être impression­nant, mais ne doit pas devenir une phobie. “Lorsqu’on réussit sa première prise de parole en public, c’est un moment très fort, très ‘empowering’”, conclut Annabelle Roberts.

 ??  ??
 ??  ?? “On vend une vision. Convaincre, c’est maximiser les propos positifs. Dire le moins de choses possibles avec le plus d’impact.” Jonathan Livescault, Braineet.
“On vend une vision. Convaincre, c’est maximiser les propos positifs. Dire le moins de choses possibles avec le plus d’impact.” Jonathan Livescault, Braineet.
 ??  ?? “Les gens veulent être exhaustifs, mais on noie le public quand on donne trop d’informatio­ns.” Christophe Quester,The Message Company.
“Les gens veulent être exhaustifs, mais on noie le public quand on donne trop d’informatio­ns.” Christophe Quester,The Message Company.

Newspapers in French

Newspapers from France