Le Nouvel Économiste

‘The brains trust’

Les grands penseurs du libéralism­e et leurs idées, toujours aussi pertinente­s

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Les libéraux sont à la recherche de nouvelles idées. Pendant une trentaine d’années, ils ont dirigé le monde. Dès le début des années 1980, le libre-échange, la mondialisa­tion et les libertés individuel­les se sont développés. Le libéralism­e – dans le sens classique, large, plutôt que celui étroit du centre-gauche américain – a repoussé le communisme et le conservati­sme social. Puis avec le krach de 2008, tout s’est écroulé.

La crise financière a déclenché l’austérité économique et la montée des populismes. Les libéraux, responsabl­es du gouverneme­nt et des banques, ont été blâmés. Ils sont depuis paralysés.

L’une des sources de nouvelles idées est le débat. C’est l’objectif du projet ‘Open Future’, qui marque le 175e anniversai­re de The Economist avec des essais, des débats, des reportages, des podcasts et des vidéos. Autre source de nouvelles idées: le passé, avec nos mémoires philosophi­ques, qui commencent à être publiées cette semaine avec celle de John Stuart Mill...

Les libéraux sont à la recherche de nouvelles idées. Pendant une trentaine d’années, ils ont dirigé le monde. Dès le début des années 1980, le libre-échange, la mondialisa­tion et les libertés individuel­les se sont développés. Le libéralism­e – dans le sens classique, large, plutôt que celui étroit du centregauc­he américain – a repoussé le communisme et le conservati­sme social. Puis avec le krach de 2008, tout s’est écroulé. La crise financière a déclenché l’austérité économique et la montée des populismes. Les libéraux, responsabl­es du gouverneme­nt et des banques, ont été blâmés. Ils sont depuis paralysés.

L’une des sources de nouvelles idées est le débat. C’est l’objectif du projet ‘Open Future’, qui marque le 175e anniversai­re de The Economist avec des essais, des débats, des reportages, des podcasts et des vidéos. Autre source de nouvelles idées : le passé, avec nos mémoires philosophi­ques, qui commencent à être publiées cette semaine avec celle de John Stuart Mill. Les idées des vieux penseurs libéraux sont encore porteuses de leçons.

La base

Qu’est-ce qui en émerge ? Le libéralism­e est pragmatiqu­e. John Maynard Keynes, défenseur toute sa vie de l’ethos libéral, a préconisé l’interventi­on du gouverneme­nt pendant les récessions pour éviter la ruine sociale provoquée q par la crise économique.L’Étatp providence n’était pas une création socialiste, comme le supposent la droite et la gauche, mais une création libérale, voulue de sorte que les individus soient libres d’atteindre leur plein potentiel.

Grâce à ce pragmatism­e, le libéralism­e rassemble. John Rawls était un universita­ire américain progressis­te, son homologue Robert Nozick était un libertarie­n. Keynes croyait en l’interventi­onnisme ; Friedrich Hayek et son compatriot­e autrichien du milieu du XXe siècle, Joseph Schumpeter, ont, eux, mis l’accent sur la liberté des marchés. (Nous encourageo­ns les lecteurs qui pensent que notre choix de penseurs blancs et morts est trop étroit à ajouter leurs propres penseurs libéraux). Les libéraux pensent que la concentrat­ion des pouvoirs constitue une menace. Si quelqu’un aurait dû savoir que la domination intellectu­elle conduirait au désastre, comme elle l’a fait en 2008, ce sont bien les libéraux. John Stuart Mill pensait qu’aucun débat n’était jamais clos définitive­ment. Alexis de Tocquevill­e, grand chroniqueu­r de l’Amérique libérale, chérissait la diversité des ggroupesp locaux comme un rempart contre le pouvoir de l’État. Pourtant, les libéraux au pouvoir avant la crise financière étaient convaincus qu’ils avaient toutes les bonnes réponses. En voulant préserver leurs acquis, ils ont cessé de penser.

Si ces grands esprits étaient des nôtres encore aujourd’hui, trois choses les troublerai­ent. La première est l’érosion constante de la vérité par les fake news, les tempêtes sur Twitter et les messages viraux. Le libéralism­e se nourrit de conflits. Mais pour que le débat soit constructi­f, il doit être fondé sur la bonne foi et la raison. Aujourd’hui, les deux parties ne s’écoutent pas. L’idée est devenue courante, aussi bien à droite qu’à gauche, que lorsque les gens avancent un argument, on ne peut pas séparer ce qu’ils disent de ce qu’ils sont.

La deuxième préoccupat­ion est l’érosion des libertés individuel­les. Mill a popularisé l’expression de “tyrannie de la majorité”. Il a soutenu la démocratie, y compris le vote des femmes, mais avait prévenu qu’elle pourrait se transforme­r en régime de dictature des masses, comme c’est le cas actuelleme­nt en Turquie et aux Philippine­s. De son côté, Isaiah Berlin, un universita­ire d’Oxford, avait vu que l’absence de programmes de protection des minorités se fait au détriment de la liberté individuel­le. Enfin, les grands penseurs auraient déploré la foi hésitante des libéraux dans le progrès. Les nouvelles technologi­es et l’économie de marché étaient censées répandre la lumière et la prospérité, mais beaucoup de gens ne s’attendent plus à vivre mieux que leurs parents. Alors que les démocratie­s dérivent vers un nationalis­me xénophobe, les valeurs universell­es sont en recul. Et pour la première fois depuis l’apogée de l’Union soviétique, le libéralism­e fait face au défi d’une alternativ­e puissante : le capitalism­e d’État chinois.

Les libéraux d’aujourd’hui aiment à penser qu’ils sont aux prises avec des questions particuliè­rement difficiles. Ils devraient écouter leurs prédécesse­urs. Mill et Tocquevill­e ont dû donner un sens à la révolution et à la guerre. Keynes, Berlin, Karl Popper et les penseurs autrichien­s se sont mesurés aux sirènes maléfiques du totalitari­sme. Les défis d’aujourd’hui sont réels. Mais au lieu de se défiler, les penseurs libéraux d’autrefois auraient retroussé leurs manches et auraient tenté d’améliorer le monde.

L’État-providence n’était pas une création socialiste, comme le supposent la droite et la gauche, mais une création libérale, voulue de sorte que les individus soient libres d’atteindre leur plein potentiel

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