Les grands conservateurs de l’Histoire
Par Jean-Philippe Vincent, auteur de ‘Qu’est ce que le conservatisme ? Histoire intellectuelle d’une idée politique’ (éditions Les Belles Lettres)
Marcus Tullius Cicéron :
le précurseur. Cicéron (106 av. J.-C, 43 av. J.-C) ne fut pas seulement un grand orateur, il fut un homme politique de premier rang et un penseur exceptionnel. Son traité ‘Des Devoirs’, qui exalte la prudence, la coutume des ancêtres (“mos majorum”), l’équilibre des pouvoirs et le régime mixte (mélange de monarchie, d’aristocratie et de démocratie), peut être considéré comme le vrai premier livre conservateur de l’Histoire.
Edmund Burke :
le fondateur. Burke (1729-1797) n’a pas inventé le conservatisme, mais il a créé le conservatisme moderne, en réaction contre la Révolution française. Cet Irlandais a donné sa forme actuelle au conservatisme : il fait l’apologie des préjugés et des coutumes, tonne contre la raison raisonnante des révolutionnaires français, met en valeur le rôle de l’autorité naturelle dans la vie en société, et dénonce l’imposture des droits de l’Homme. Il fut par ailleurs un esprit profondément original, plaidant la cause des colonies américaines au cours de la guerre d’indépendance, prenant la défense des droits religieux des hindous et des musulmans d’Inde et s’insurgeant contre les violences faites aux Irlandais.
Ernest Renan :
le modérateur. Le Français Renan (1823-1892) fut le conservateur de la synthèse. Il a montré brillamment comment on pouvait être à la fois conservateur, athée et républicain. Son livre ‘La Réforme Intellectuelle et Morale’ (1871) est non seulement un brillant exposé des intuitions conservatrices, mais aussi un chef-d’oeuvre de la littérature française.
Michael Oakeshott :
le rénovateur. Oakeshott (1901-1990), professeur de philosophie politique britannique a rénové le conservatisme. Il fut l’un des esprits les plus brillants du XXe siècle. Et un conservateur convaincu et original. Peu enclin aux “bondieuseries” de certains conservateurs américains comme Russell Kirk, il a donné au conservatisme sa tournure contemporaine, en insistant notamment sur la vertu du scepticisme dans la conduite des politiques publiques. Il a profondément influencé les hommes politiques britanniques, et notamment Margaret Thatcher.
Roger Scruton :
le pédagogue. Scruton (né en 1944), philosophe britannique spécialiste d’esthétique, s’est converti au conservatisme en observant le spectacle de Mai 1968 en France. Il n’a sans doute pas la profondeur de ses devanciers, mais il est un excellent pédagogue et, de ce point de vue, il rend un grand service au conservatisme.