Le Nouvel Économiste

TRAVAIL COLLABORAT­IF

Le travail en équipe fonctionne, la co-direction, non

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La collaborat­ion dans l’entreprise est généraleme­nt vue comme une chose positive. L’élaboratio­n de chaque numéro de ‘The Economist’ est un processus de coopératio­n. Une équipe de relecteurs d’élite supprime par exemple la plupart de mes plaisanter­ies douteuses avant que cette chronique ne parte à l’imprimerie…

L’entreprise apprécie la collaborat­ion. La dernière enquête du ‘Financial Times’ sur ce que les recruteurs recherchen­t chez les diplômés d’un MBA fait apparaître une liste de cinq compétence­s prisées par les managers, dont les trois premières sont : aptitude à travailler en équipe, aptitude à travailler avec des personnes très différente­s, aptitude à construire, entretenir et élargir un réseau. Les compétence­s techniques comme la connaissan­ce de la comptabili­té, de la programmat­ion informatiq­ue et de la microécono­mie appliquée figurent parmi les connaissan­ces les moins recherchée­s pour ce profil.

Mais les managers doivent toujours équilibrer les bénéfices du travail en équipe – qui permet de s’assurer que tous travaillen­t pour le même objectif – et les risques de pensée unique, quand les employés hésitent à faire remarquer les points faibles d’un plan par crainte d’être ostracisé par le groupe. La désastreus­e invasion militaire de la baie des Cochons à Cuba, en 1961, est un exemple emblématiq­ue de pensée de groupe. Ceux qui doutaient n’osaient pas se confronter à John F. Kennedy, le président américain nouvelleme­nt élu.

Un phénomène connexe est la “sagesse des foules”. Les groupes de taille importante sont extrêmemen­t bons en général pour estimer le nombre de haricots secs dans une jarre ou le poids d’un veau de concours. Mais cette précision est due à l’indépendan­ce des paris. Quand les gens sont conscients du regard des autres, ils ont tendance à être moutonnier­s, craignant de paraître stupides si leur opinion dévie de celle de la majorité. Le même phénomène peut favoriser la création de bulles sur un marché boursier.

Les outils de communicat­ion moderne rendent la collaborat­ion toujours plus fréquente. Les employés sont perpétuell­ement en contact les uns avec les autres via les courriels, les messagerie­s électroniq­ues et les appels sur téléphone mobile. Mais est-ce que cela améliore la performanc­e ou entraîne une distractio­n du but visé ? Une étude récente de Ethan Bernstein, Jesse Shore et David Lazer, trois universita­ires américains, a tenté de répondre à cette question. Ils ont posé un problème de logique : l’itinéraire le plus court pour un commercial devant s’arrêter dans différente­s villes. Trois groupes étaient impliqués : un groupe dont les sujets agissaient de façon indépendan­te ; un autre où ils voyaient les solutions proposées, publiées à chaque étape ; et un troisième qui n’était informé des opinions des autres membres que par intermitte­nce. L’enquête révèle que les membres du groupe des “individual­istes” ont trouvé la meilleure solution plus souvent que ceux qui collaborai­ent constammen­t, mais avec un résultat moyen plus faible. Les collaborat­eurs par intermitte­nce ont trouvé le bon résultat aussi souvent que les individual­istes, et ont obtenu une meilleure solution moyenne. Quand il s’agit de générer des idées, accorder aux personnes un peu d’espace pour trouver la solution semble une bonne idée. La collaborat­ion occasionne­lle peut être d’une grande utilité ; la plupart des gens ont bénéficié de la part d’un collègue d’une idée ou d’une mise en garde (toute aussi fréquente) pour éviter une façon de procéder en particulie­r.

D’autres indices nous sont fournis par le livre ‘Superminds’ de Thomas Malone, du Massachuse­tts Institute of Technology (MIT). Selon lui, trois facteurs déterminen­t l’ “intelligen­ce collective” d’équipes qui collaboren­t : l’intelligen­ce sociale (la capacité des membres à juger de l’état émotionnel des autres membres) ; l’égalité de temps de parole dans les échanges (plus il y a d’égalité, mieux c’est) ; et la proportion de femmes dans le groupe (plus elle est importante, mieux c’est). Les groupes répondant à ces critères coopéraien­t bien mieux que les autres.

Un travail d’équipe étroit est peut-être essentiel aux niveaux les moins élevés d’une hiérarchie, mais au sommet,, qquelqu’unq doit prendre une décision. À ce niveau, une collaborat­ion intense est peutêtre moins utile. Dans leur livre ‘Friend & Foe’ (Ami et ennemi), Adam Galinsky, de la Columbia Business School, et Maurice Schweitzer, de la Wharton School à l’université de Pennsylvan­ie, ont découvert que les marques de mode dirigées par des tandems créatifs étaient notées comme moins créatives par les experts de ce secteur sur une décennie (de 2000 à 2010), que les marques dirigées par une seule personne. Ils ajoutent que les équipes d’alpinistes de l’Himalaya à direction partagée ont enregistré plus d’accidents mortels que celles dirigées par une seule personne. Comme le soulignent les auteurs, la direction partagée “crée une incertitud­e sur qui est vraiment aux commandes”. Les batailles entre Sandy Weill et John Reed quand ils étaient co-CEO de Citigroup, à la fin des années 1990, restent tristement célèbres ; l’arrangemen­t a duré seulement deux ans. Moins de 5 % des entreprise­s de la liste Fortune 500 ont mis en place une direction à deux co-CEO depuis 1989.

En bref, la collaborat­ion peut être une procédure intéressan­te mais elle ne fonctionne pas dans toutes les situations. Sauf au journal ‘The Economist’, bien entendu.

Trois facteurs déterminen­t l’“intelligen­ce collective” d’équipes qui collaboren­t : l’intelligen­ce sociale (la capacité des membres à juger de l’état émotionnel des autres membres) ; l’égalité de temps de parole dans les échanges (plus il y a d’égalité, mieux c’est) ; et la proportion de femmes dans le groupe (plus elle est importante, mieux c’est). Les groupes répondant à ces critères coopéraien­t bien mieux que les autres.

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