La revanche du journalisme
Le retour aux sources de la rédaction dans un univers d’infobésité
“Même si les changements paraissent immenses, nous n’en sommes qu’au début”, prévient l’économiste des médias Dominique Augey. Au début? “Demain, la production de presse écrite sera confrontée à d’importants sujets comme le robot-journalisme, le datajournalisme et bien sûr l’intelligence artificielle.” Voilà de quoi faire cogiter les directions des rédactions pendant de nombreuses années encore.
L’attrition journalistique
Car depuis 20 ans maintenant, le paysage de la production d’informations connaît de profonds bouleversements et de singulières ruptures. “Cette mutation prend ses racines dans la combinaison d’une transformation rapide et continue de la technologie et d’évolutions sociales de fond”, constate le chercheur Jean-Marie Charon. Concrètement, le marché est traversé par plusieurs phénomènes, qui vont de l’apparition de nouveaux entrants pure players du web à la fifin de la différenciation par la périodicité – tous quotidiens, tous concurrents – en passant par l’explosion des coûts technologiques et humains dans le numérique ou le phénomène des fake news… Tout cela a pour conséquence de bousculer les façons de produire du contenu dans les rédactions. Force est de constater qu’entre 1995, date d’apparition des premiers sites web de journaux en France, et 2010, les éditeurs ont beaucoup expérimenté. “C’était une période laboratoire avec beaucoup de frilosité et une prise de risques très lente chez les éditeurs, se souvient Dominique Augey. Les équipes print et web se mélangeaient pas, les contenus des nes e journaux n’étaient pas vraiment mis en ligne…”. Ces tâtonnements peuvent se comprendre, en particulier en France où les entreprises de presse ont trop longtemps été de petite taille et peu capitalisées. Plus grave, face à la révolution numérique, la première réaction des éditeurs a été de procéder à des réductions – et à des transformations – des coûts par des restructurations massives ...
“Même si les changements paraissent immenses, nous n’en sommes qu’au début”, prévient l’économiste des médias Dominique Augey, Au début ? “Demain, la production de presse écrite sera confrontée à d’importants sujets comme le robot-journalisme, le data-journalisme et bien sûr l’intelligence artificielle.” Voilà de quoi faire cogiter les directions des rédactions pendant de nombreuses années encore.
L’attrition journalistique
Car depuis 20 ans maintenant, le paysage de la production d’information connaît de profonds bouleversements et de singulières ruptures. “Cette mutation prend ses racines dans la combinaison d’une transformation rapide et continue de la technologie et d’évolutions sociales de fond”, constate le chercheur Jean-Marie Charon. Concrètement, le marché est traversé par plusieurs phénomènes, qui vont de l’apparition de nouveaux entrants pure players du web à la fin de la différenciation par la périodicité – tous quotidiens, tous concurrents –, en passant par l’explosion des coûts technologiques et humains dans le numérique ou le phénomène des fake news… Tout cela a pour conséquence de bousculer les façons de produire du contenu dans les rédactions. Force est de constater qu’entre 1995, date d’apparition des premiers sites web de journaux en France, et 2010, les éditeurs ont beaucoup expérimenté. “C’était une période laboratoire avec beaucoup de frilosité et une prise de risque très lente chez les éditeurs, se souvient Dominique Augey. Les équipes print et web ne se mélangeaient pas, les contenus des journaux n’étaient pas vraiment mis en ligne…”. Ces tâtonnements peuvent se comprendre, en particulier en France où les entreprises de presse ont trop longtemps été de petite taille et peu capitalisées. Plus grave, face à la révolution numérique, la première réaction des éditeurs a été de procéder à des réductions, -et non pas à des transformations-, des coûts par des restructurations massives des rédactions. “En presse quotidienne, tous les titres ont eu recours à cette potion amère, certains à plusieurs reprises comme Libération, que ce soit sous la forme de plans sociaux ou par des clauses de cession à l’occasion de changement d’actionnaires, rappelle Jean-Marie Charon. Sauf que cette réponse à ses limites.” En effet, comment “couvrir” événements et secteurs comme l’attendent les lecteurs avec de moyens limités ou fortement réduits ? Chez les éditeurs, nous assistons à une prise de conscience de la nécessité du métier de journaliste dans un univers d’infobésité. Sur imprimé comme sur écran, il revalorise l’information en apportant du fond, du sens et de l’explication. Internet a redonné ses lettres de noblesses au journalisme.
La résilience des marques de presse
Ces “vieux” titres sont des marques fortes et anciennes. qui ont établi un contrat de confiance et de réputation avec les lecteurs. Dans un contexte où s’imposent les questions de post-vérité, “fake news”, fausses nouvelles et autres formes de désinformation, l’enjeu de la crédibilité des medias d’information est essentiel
Le journaliste est aussi celui qui va labelliser l’information avec la marque du journal, et parfois aussi sa propre marque professionnelle. Le digital consacre ainsi les marques de presse au sens large. “Il y a 20 ans, on aurait pu penser que de nouvelles marques sur Internet allaient remplacer les journaux ‘historiques’ de presse écrite, comme c’est aujourd’hui le cas avec Amazon dans le e-commerce, mais il n’en est rien”, estime Philippe Colombet, le directeur digital du groupe Bayard. ‘La Croix’ a justement 140 ans, ‘Le Figaro’
plus de 150, ‘Les Échos’ 110, ‘Le Monde’ 70, sans oublier Le nouvel Economiste 40 ans, ces “vieux” titres sont des marques fortes et anciennes. Génération après génération, elles ont conquis un large public. Elles ont établi un contrat de confiance et de réputation avec les lecteurs. Dans un contexte où s’imposent les questions de post-vérité, “fake news”, fausses nouvelles et autres formes de désinformation, l’enjeu de la crédibilité des médias d’information est essentiel. Les grandes marques de presse y répondent. Preuve en est, la pprésence des ggroupesp médias comme Le Figaro, L’Équipe ou Le Monde dans le Top 20 des marques les plus visitées de Médiamétrie, avec respectivement 19,3, 17,4 et 17,2 millions de visiteurs uniques mensuels. Pour l’historien des
médias Patrick Eveno, les succès d’audience de ces éditeurs ne sont
pas une surprise. “Internet consacre la consommation de l’information à l’article. Un article intéressant par jour ne suffit pas, il en faut beaucoup plus. La force des grands journaux se trouve dans leur capacité à produire de nombreux contenus par leur rédaction abondante et puissante. Les quotidiens sont avantagés sur les autres familles de presse”.
L’innovation et l’expérimentation progressive
Des journalistes en nombre, des marques de presse en force, la boucle est bouclée ? Pas tout à fait. “Aujourd’hui nous sommes dans une phase de maturité mais les deux mondes du journalisme et celui de
l’informatique ne font juste que se rencontrer”, observe Dominique Augey.gy La rédaction du XXIe siècle reste encore à inventer. Éric Scherer, directeur de la prospective et du MédiaLab de France Télévisions, en esquisse le portrait : “Pour réussir, une rédaction doit mettre au centre les nouvelles technologies et les données, avoir un ADN social, être à l’aise avec le temps réel, les mobiles et les nouvelles plateformes de distribution qui remodèlent le journalisme, ou encore ne pas craindre la personnalisation accrue des contenus”. Les chantiers sont ouverts. Pratiquement dans toutes les rédactions, le mot d’ordre est “Digital first”. “Les journaux doivent répondre aux différentes temporalités de l’information imposée par le numérique”, expliquait Jérôme Fenoglio, le patron
des rédactions du Monde sur le plateau du Buzz Média du Figaro. Un avis que partage Bertrand Gié, pour qui “le grand changement est de celui de la temporalité” (voir Trois questions à). L’offre de nouvelles à chaque instant contraint les éditeurs à mettre en place des modèles éditoriaux reposant sur la densité et l’enrichissement plutôt que l’immédiateté. Dans cette logique, la fonction de secrétaire de rédaction retrouve par exemple un second souffle dans les journaux. Sur Internet, il devient un véritable éditeur qui finalise la mise en valeur de l’article sur les supports numériques. Chez 20 Minutes, ils sont quatre à se relayer toute la journée. “La valeur ajoutée de la production d’information réside aussi dans l’exploration de terres inconnues ou encore peu
défrichées”, remarque Jean-Marie Charon qui a consacré un essai* à cette transformation en cours. Parmi les innovations éditoriales les plus marquantes, le désormais bien connu “fact checking”, investigation qui consiste à vérifier les faits. Il est largement pratiqué dans les quotidiens français. Libération, pionnier dans le genre, dispose d’une équipe Désintox, et même d’un moteur de recherche baptisé Checknews. De son côté, Le Monde a les Décodeurs. OutreAtlantique, le New York Times a créé un “Reader center” dédié aux relations et échanges des lecteurs avec le journal. Pour Jean-Marie Charon, “Il n’y a pas d’évidence ou de modèle ‘prêt à copier-coller’, eut-il fait ses preuves outre-Atlantique ou ailleurs. La priorité est de prendre à bras-le-corps la question de l’innovation, de la stimulation de la créativité et de l’expérimentation”. Innovation, créativité, expérimentation… Il n’y a en effet pas de raisons pour les rédactions de presse d’échapper à ces problématiques qui touchent toutes les organisations.