Le Nouvel Économiste

Le Yalta moyen-oriental

Le sommet sur l’avenir de la Syrie aboutit à la création d’un axe tripartite reliant Moscou, Ankara et Téhéran, sans que Washington ni l’Union européenne n’aient leur mot à dire

- MAELSTRÖM MOYEN-ORIENTAL, ARDAVAN AMIR-ASLANI

Quelques jours après le sommet de Téhéran entre la Russie, la Turquie et l’Iran sur la question syrienne, l’heure des conclusion­s est arrivée. La tenue de ce sommet est un événement marquant autant par les pays qui y ont été conviés que par les absents. Ainsi, d’abord et avant tout, il convient de constater qu’aucun pays arabe ni l’Union européenne ne faisaient partie de cette rencontre ; ce qui traduit l’absence d’une politique arabe ou européenne de sortie de crise. Ensuite, ce sommet marque le rôle important que l’Iran joue sur le destin de ce pays. Enfin, il marque l’échec de la tentative d’ostracisme qque mènent les États-Unis à l’encontre de l’Iran depuis leur retrait de l’accord nucléaire du 14 juillet 2015.

La Syrie a été expulsée de la Ligue arabe en novembre 2011. Depuis lors, certains des pays arabes du golfe Persique, comme l’Arabie saoudite et le Qatar, continuaie­nt d’attiser les tensions sur place notamment en fournissan­t armes et financemen­ts aux groupuscul­es terroriste­s comme Daech et le Front Al-Nosra. Les discussion­s de paix ont lieu sans leur présence. Il en va de même de l’Union européenne qui a brillé par son absence, alors qu’elle a subi les conséquenc­es de cette guerre civile avec l’arrivée d’un million et demi de réfugiés sur son territoire. L’Union européenne s’est volontaire­ment écartée des discussion­s sur l’issue de ce conflit, d’une part du fait de la décision française de couper les relations diplomatiq­ues avec ce pays dès l’éclatement de la guerre civile, et d’autre part en prenant fait et cause pour une opposition syrienne qui n’avait guère de légitimité sur place. L’ambassade de France à Damas a ainsi été fermée et un ambassadeu­r a été désigné auprès de cette opposition, et ce dès les premiers mois du conflit.

L’Iran, dont la présence n’avait pas été souhaitée lors des différente­s rencontres infructueu­ses de Genève organisées par la France, voit son rôle décisif acté par ce sommet. En fait, l’éradicatio­n de ce fléau que fut Daech ne fut possible qu’avec la présence de l’Iran et de ses alliés sur place. Chacun sait que l’interventi­on russe dans ce conflit a été tardive et s’est borné à des bombardeme­nts aériens, alors que la guerre n’a pu être gagnée qu’au sol. La présence du président russe et du

président turc à Téhéran reconnaît le rôle primordial joué par l’Iran dans ce conflit. Par ailleurs, alors que l’Iran fait l’objet d’une pression américaine tendant à l’écarter de la scène internatio­nale, la pprésence des chefs d’État de ces deux pays importants démontre que cette tentative américaine n’a pas été couronnée de succès. Tout au contraire même.

Sous les yeux des Occidentau­x

Étonnammen­t, la diplomatie iranienne s’est trouvée enhardie ppar l’attitude américaine. En effet, les États-Unis, malgré leur volonté de dépeindre l’Iran comme un frein au retour de la normalité dans ce pays, se sont eux-mêmes exclus de l’échiquier politique syrien. Il est extraordin­aire que le sort de la Syrie d’après-guerre puisse se décider sans le début de l’ombre d’un apport américain ou européen. Nous assistons de la sorte à la création d’un véritable axe géostratég­ique au Moyen-Orient, un axe tripartite reliant Moscou, Ankara et Téhéran. Ceci est d’autant plus remarquabl­e que les pays qui avaient un intérêt historique à participer aux débats dessinant l’avenir de Damas, comme la France, se sont retrouvés totalement écartés des débats. Rappelons que la France dispose d’un rapport historique et privilégié avec la Syrie. Ce pays a en effet été administré par la France, que la Société des nations avait désignée en qualité de puissance mandataire de 1920 à 1946, soit pendant plus d’un quart de siècle.

Outre le fait que ce sommet a pris la décision de mettre un terme à la présence du reliquat des groupes armés dans la province d’Idlib, il consacre, si besoin était, la présence à long terme aussi bien de l’Iran que de la Russie en territoire syrien. En fait, sous les yeux des Occidentau­x, un véritable Yalta a eu lieu sans que ni Washington ni l’Union européenne n’aient leur mot à dire.

Rappelons que la France dispose d’un rapport historique et privilégié avec la Syrie. Ce pays a en effet été administré par la France, de 1920 à 1946”

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