Le Nouvel Économiste

“Le grand changement est de celui de la temporalit­é”

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L’impact du digital sur la production de l’informatio­n?

Le grand changement est de celui de la temporalit­é. Jadis, les rédactions étaient structurée­s autour d’un bouclage. Avec le digital, nous sommes organisés pour produire de l’informatio­n en continu. Il a fallu nous mettre en position de publier cette informatio­n tout le temps sur tous les supports. Nous sommes ainsi passés d’une organisati­on par services à une structurat­ion par tranche horaire. Les bases du métier restent les mêmes. Il y aura toujours des grands papiers nécessitan­t plusieurs jours ou semaines d’enquête, avec des déplacemen­ts et du reportage. Néanmoins, le digital offre des moyens d’accéder à l’informatio­n sans nécessaire­ment bouger de son bureau, c’est notamment le cas avec le data-journalism­e. Parallèlem­ent, le numérique a aussi fait évoluer les contenus publiés sur nos journaux imprimés. Personne n’apprend plus une informatio­n brute ou un fait en ouvrant son journal papier. Les chaînes d’info en continu, les réseaux sociaux, les alertes sur smartphone informent désormais le public tout au long de la journée. Un journal comme ‘Le Figaro’ propose davantage d’articles d’analyse et de réflexion et bien moins qu’autrefois des papiers purement factuels.

L’organisati­on des rédactions ?

Dans la plupart des journaux, les rédactions papier et numérique sont désormais unies. C’est le cas au Figaro où il n’y a qu’une seule rédaction. À l’intérieur, il y a un noyau d’une centaine de journalist­es qui travaille majoritair­ement pour les supports digitaux. C’est un système dit de “desk” organisé pour couvrir l’info 20 heures sur 24. Il y a un rédacteur en chef qui pilote le site, des chefs d’édition qui commandent des papiers, des rédacteurs polyvalent­s, des chargés d’édition qui éditent les articles et font attention aux photos, liens, vidéos… et des community managers pour faire vivre les papiers dans les écosystème­s digitaux. Ensuite, nous comptons environ 400 journalist­es bi-média qui travaillen­t pour le print comme pour le web, mais qui restent organisés par services et donc spécialisé­s en politique, macro et microécono­mie, culture ou sport… Cette grande et unique rédaction est organisée en “heat map” : plus un sujet est chaud, plus il est au centre de la rédaction dans un coeur très digital. Tout autour collaboren­t les services et les journalist­es spécialisé­s du Figaro. Le numérique a aussi ouvert nos rédactions à de nouveaux métiers: le community management, le journalism­e de données, les stories, l’animation en plateau de talk…

Les principaux enjeux de la production de l’informatio­n pour les années à venir ?

Un média c’est un double pari: d’abord créer de l’audience à partir de contenus de qualité, ensuite monétiser cette audience pour fabriquer à nouveau des contenus de qualité. Sur du papier, du web, des réseaux sociaux, de la vidéo, nous avons prouvé que nous savions éditer de l’informatio­n. D’ailleurs, nous générons des audiences massives. Jamais nous n’avions imaginé dans nos business plans atteindre 20 millions de lecteurs par mois. Nous devons poursuivre la monétisati­on, en particulie­r via les abonnement­s. Nous avons 100 000 abonnés numériques, il faut continuer. Côté contenus, cela passe par de l’enrichisse­ment. Cette semaine, nous avons lancé l’édito du Figaro en podcast lu par son auteur. L’idée est de se positionne­r sur le marché des enceintes connectées. Nous innovons aussi dans les robots journalist­es : à chaque fin de match de la Coupe du monde de football, nous avons créé automatiqu­ement une petite “storie” en image avec les chiffres clés de la rencontre. Nous innovons mais toujours en gardant une grande exigence dans la qualité de nos contenus.

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