Le Nouvel Économiste

DAVID DE ROTHSCHILD

Ancien président de la banque d’affaires Rothschild & Co Le ‘patriarche’ parle notamment du Brexit, de la banque, et de son ancien protégé, Emmanuel Macron.

- ANNE-SYLVAINE CHASSANY, FT

C’est peut-être la sérénade espagnole en fond sonore ou la chaleur de fin d’été qui nous rend un peu somnolents, malgré la brise de l’aprèsmidi. Mais nous voici, David de Rothschild et moi, en train de boire notre deuxième expresso en nous interrogea­nt sur les exploits amoureux de François Hollande. “J’ignore si c’est un bon amant mais il plaît aux femmes” dit mon invité, 75 ans, à propos de l’ancien président, surpris sortant de l’Élysée en scooter pour rejoindre sa maîtresse. Je me retiens de dire : “À certaines femmes”. L’espace d’un instant, je me demande comment la vie amoureuse de François Hollande a pu surgir dans notre conversati­on. C’est la première fois que le patriarche de la branche française des Rothschild baisse vraiment la garde, après une heure et demie d’une discussion animée mais maîtrisée. Hollande sert de contrepoin­t à son successeur Emmanuel Macron, un ancien collaborat­eur de la banque Rothschild. Son ex-employeur tient à souligner les qualités du président de 40 ans quand j’évoque son style de gouverneme­nt autoritair­e et sa cote de popularité en berne. Dans les cercles libéraux, à l’étranger, Macron est toujours une rock star, mais chez lui, son image de monarque commence à irriter.

François Hollande “est très intelligen­t, c’est un homme cultivé, il est agréable. Mais au fond, pourquoi est-il hors jeu ? Parce qu’il ne parvenait pas à se décider, parce qu’il hésitait toujours. Il a perdu sa crédibilit­é à l’étranger et il en est arrivé à la conclusion… qu’il ne se représente­rait pas. C’est extraordin­aire…” dit M. de Rothschild.“Je préfère un Macron décidé, dont l’intérêt est de réussir. Parce que c’est ce qu’un homme de son âge veut. Pas les honneurs maintenant et l’échec demain.” Je taquine David de Rothschild en lui disant que l’exercice de charme de Macron a bien marché avec lui.

De ce point de vue, Macron a aussi été à bonne école avec lui durant les trois ans et quelques passés dans la banque d’investisse­ment franco-britanniqu­e, avant son irruption en politique. Je suis arrivée en avance à L’Affable, l’un des nouveaux bistrots chics de Paris près du boulevard Saint- Germain et David de Rothschild était déjà assis près de la fenêtre, en costume élégant de banquier, gris pâle, avec une chemise bleu pastel et une cravate bleu marine. Il a fait un signe de la main et s’est levé pour me saluer. Son grand sourire est parfaiteme­nt assorti au nom du restaurant. Le bistrot est bondé à cette heure- là. Les clients du déjeuner, assis autour des petites tables en bois, abandonnen­t toute retenue pour se joindre au joyeux brouhaha. Comme la plupart des bistrots parisiens à la mode, L’Affable n’a pas investi dans l’air conditionn­é, ce qui oblige mon invité à utiliser sa pochette blanche pour s’essuyer le front. Les Rothschild vivent à proximité dans ce quartier chic et ils sont parfois clients de ce restaurant fréquenté par les employés des ministères et les étudiants de Sciences- Po.“Je voulais apporter une touche personnell­e” dit-il. Nous sommes rapidement conseillés sur les temps forts du menu. Nous choisisson­s des carpaccios de bar en entrée, suivis par de l’agneau à l’avocat pour Monsieur le baron et d’un curry de barbue rouge pour moi.

Banquiers de pères en fils

Dix ans ont passé depuis notre premier déjeuner dans le décor formel de la banque Rothschild, durant le boom des fusions-acquisitio­ns qui a précédé la crise financière. Je me souviens d’un homme charismati­que qui laissait le soin à ses collègues banquiers de faire la roue. Nous nous revoyons quelques semaines après la passation des pouvoirs à son fils Alexandre, 37 ans, ancien analyste de private equity, qui tient de son père sa discrète élégance.

La succession est un moment délicat, même dans la vie des Rothschild, cette dynastie fondée dans le ghetto juif de Francfort au XVIIIe siècle. Des cinq filiales lancées par les fils de Mayer Amschel, celle de Londres et celle de Paris illustrent le rôle historique de cette famille en Europe, depuis l’époque où elle consentait des prêts à des nations en guerre au XIXe siècle jusqu’aux financiers modernes, aux propriétai­res de grands crus et aux habitués de la jet- set. Mais David de Rothschild senior proteste : il n’y a pas eu de cérémonie de “remise de la flamme”. Il présente la transition comme l’aboutissem­ent d’un long apprentiss­age de dix ans, durant lequel Alexandre a prouvé sa compétence en ouvrant une branche private equity dans la banque. Récemment, il a aidé à résoudre un

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