Les ERP et l’e-commercep.
Les éditeurs d’ERP s’organisent pour conquérir le marché prometteur des e-commerçants et leur proposer des outils en adéquation avec les nouvelles pratiques multicanales des acheteurs en ligne
Nouvelles interfaces simplifiées, ajout de modules intelligents… Les principaux acteurs du marché des logiciels de gestion, tels que SAP, Oracle ou encore Salesforce, se positionnent depuis plusieurs mois pour adresser le marché juteux du e-commerce. Et pour cause : les ventes du secteur explosent. En 2017, les Français ont dépensé près de 81,7 milliards d’euros lors de leurs achats en ligne. Objectif : faciliter la vie de l’entreprise et améliorer l’expérience client.
Avec une croissance de 14 % pour un chiffre d’affaires de 82 milliards d’euros en 2017, le e-commerce représente un levier de croissance important pour les éditeurs de solutions de gestion. Chacun y va de sa solution, avec SAP qui se positionne grâce à sa solution Hybris, Salesforce et son logiciel Demandware, ou encore Adobe, qui a complété sa plateforme cloud avec les briques proposées par la firme Magento… “L’intérêt d’un tel est marché est évident, lorsque l’on sait que ces chiffres devraient même atteindre 100 milliards d’euros en 2019-2020”, assure Emmanuel Fonteneau, porte-parole de Capgemini Consulting.
Un marché potentiel d’autant plus intéressant que l’adoption des solutions ERP (Entreprise Resource Planning, ou PGI pour progiciel de gestion intégré) est loin d’être encore généralisée au sein des entreprises françaises. “Il existe encore une marge de progression forte chez les e-commerçants, avec d’un autre côté certains acteurs qui donnent le ‘la’ comme Amazon ou Cdiscount, qui propose une géolocalisation de ses commandes grâce à la start-up Bringg”, explique Emmanuel Fonteneau. Arnaud Merlet, directeur des opérations de l’éditeur de logiciels SAP France, confirme cet engouement : “le secteur du e-commerce est de plus en plus gourmand en technologies et solutions digitales car il se transforme beaucoup”. Si un bon nombre d’acteurs serait donc en train de mettre les bouchées doubles pour combler leur retard à ce sujet, il existe aussi un enjeu pour les entreprises qui avaient déjà commencé à bâtir leur propre infrastructure sur mesure, afin d’interconnecter davantage leurs fonctions pour répondre aux exigences du commerce en ligne. “Auparavant, certaines sociétés avaient tendance à développer de A à Z leur propre solution, en intégrant ensuite des solutions de prise de commandes, logistique, pricing. Mais de plus en plus les entreprises se tournent vers les ERP car ils proposent une vision plus inclusive, avec la possibilité de personnaliser davantage l’expérience client”, observe Karl Schubert, responsable de l’offre SAP à IBM France.
Intégrer les nouvelles technologies
Si les éditeurs de logiciels ERP s’intéressent de près au marché du e-commerce au vu des perspectives de croissance affichées, ils doivent cependant prendre en compte l’évolution des attentes
“Il existe encore une marge de progression forte chez les e-commerçants, avec d’un autre côté certains acteurs qui donnent le ‘la’ comme Amazon ou Cdiscount.” Emmanuel Fonteneau,
Capgemini Consulting.
“De plus en plus de e-commerçants se tournent vers les ERP car ils proposent une vision plus inclusive, avec la possibilité de personnaliser davantage l’expérience client”
des consommateurs, qui souhaitent pouvoir modifier leurs achats en cours, choisir leur point de retrait ou encore se faire rembourser en magasin après une commande réalisée sur la toile… “Le multicanal doit permettre au client de se sentir unique, et à l’entreprise de récupérer l’ensemble des informations de son dossier afin de reprendre à tout moment la transaction qu’il a démarrée en ligne, que ce soit par téléphone ou en magasin”, estime Gianmaria Perancin, président de l’Association des utilisateurs SAP Francophones (USF). Arnaud Merlet, chez SAP France, rappelle que l’omnicanal est désormais devenu la norme. “Il existe de moins en moins de sociétés qui ne sont que du e-commerce : une grande partie d’entre elles utilisent aussi le canal physique, les interactions par la voix ou les chatbot”. Mais connecter l’ensemble de ces paramètres n’est pas forcément chose aisée pour les éditeurs… “L’ensemble de ces facteurs crée une pression énorme en faveur de la modernisation de la chaîne de distribution”, ajoute-t-il.
Sans oublier l’essor des assistants vocaux et mobiles, de l’intelligence artificielle et du big data, qui ont eux aussi transformé les pratiques des consommateurs lors de leurs achats en ligne. “Le mobile est devenu l’un des premiers points de contacts, tandis que le voice commerce, qui consiste à pouvoir réaliser une transaction grâce à sa voix, est tout juste en train de démarrer”, note Thomas Husson, vice-président au sein du cabinet de conseil Forrester. “Le développement des assistants personnels et des Google ou Amazon box va aussi créer de nouveaux besoins, auxquels la chaîne ERP devra s’adapter”, prédit Karl Schubert, chez IBM France. Et c’est sans compter sur les algorithmes prédictifs qui commencent à être intégrés sur certains sites de e-commerce, afin d’anticiper le réassort d’un produit au regard de facteurs liés à la météo ou aux ventes de la veille. “Il existe déjà des développements à ce sujet, mais il reste encore beaucoup à faire en matière d’intelligence artificielle”, concède Arnaud Merlet.
Un double challenge
Les éditeurs de logiciels et intégrateurs font donc face à un double enjeu : intégrer sans cesse de nouveaux outils innovants, tout en essayant en même temps de simplifier l’expérience utilisateurs. Mais offrir une telle synchronicité au sein des différentes branches de l’entreprise demeure compliqué à bien mettre en oeuvre. “Cela implique de développer une connexion en temps réel entre le back et le front-office, la production et la logistique, afin que l’ensemble des maillons de la chaîne soient parfaitement reliés”, traduit-il.
Pour Philippe Grange, responsable des conférences des Salons Solutions, “il est en effet difficile de demander à un ERP d’être léger tout en étant robuste, d’être fiable et secure tout en étant ouvert, et d’être front-office tout en étant back-office. Il y a là une gageure, que certains éditeurs ont néanmoins relevée, notamment en s’aidant de l’IA”.
L’un des principaux challenges des éditeurs de logiciels sera donc de travailler à la simplification des offres qui comprennent encore un certain nombre de modules, afin d’en améliorer l’expérience utilisateur. “Car il ne sert à rien d’avoir une plateforme intégrée si l’on n’utilise réellement que 10 % des fonctionnalités”, observe Thomas Husson. À ce titre, l’acf quisition par SAP du spécialiste de l’expérience clients Hybris lui a par exemple permis d’améliorer l’intégration entre le parcours client et le back-office. Et son rachat de la jeune pousse Recast.ai, spécialisée dans les chatbots, confirme également ses ambitions dans le domaine. “Nous avons la certitude que nous pourrons interagir demain non plus uniquement avec les écrans, mais aussi avec la voix, voire les signes du visage ou du corps, afin de proposer une expérience plus humaine”, souligne Arnaud Merlet.
“Il existe de moins en moins de sociétés de e-commerce pur : toutes utilisent bien
souvent aussi le canal physique, les interactions par la voix ou les chatbot.”
Arnaud Merlet, SAP France. L’un des principaux challenges des éditeurs de logiciels sera donc de travailler à la simplification des offres qui comprennent encore un certain nombre de modules, afin d’en améliorer l’expérience utilisateur “Il ne sert à rien d’avoir une plateforme intégrée si l’on n’utilise réellement que 10 % des fonctionnalités.” Thomas Husson, Forrester.