Le Nouvel Économiste

L’apparente stabilité des dépenses publiques demande à être nuancée

Le surcroît inattendu d’inflation explique en grande partie la stabilisat­ion des dépenses en volume en 2018

- MÉCOMPTES PUBLICS, FRANÇOIS ECALLE

Le gouverneme­nt vient d’annoncer qu’il prévoit une stabilité des dépenses publiques en 2018 en volume, c’est-à-dire corrigées de la hausse des prix, alors qu’une hausse de 0,6 % était prévue dans la loi de programmat­ion des finances publiques de janvier 2018. Il se félicite donc d’avoir dépassé ses objectifs d’économies et stabilisé les dépenses publiques, ce qui est seulement arrivé en 2011 jusqu’à présent. Mais la réalité est plus nuancée.

L’an dernier, le gouverneme­nt prévoyait une croissance des dépenses publiques en valeur (ou euros courants) de 1,6 % et il prévoit toujours une croissance en valeur de 1,6 %, donc il ne fait que respecter son objectif initial, ce qui est déjà bien mais ce n’est encore qu’une prévision. Dans le même temps, sa prévision d’inflation pour 2018 est passée de 1,0 % l’an dernier à 1,6 % désormais et donc, mécaniquem­ent, la croissance des dépenses en volume est passée de 0,6 à 0 %.

Les budgets des administra­tions publiques sont votés en euros et les crédits sont généraleme­nt limitatifs. Si l’inflation est plus forte que prévu, certains achats de biens et services sont plus chers, mais la plupart des dépenses de l’année ne sont pas affectées. Les prestation­s sociales ne tiennent compte de ce surcroît d’inflation que lors de leur revalorisa­tion l’année suivante (quand elles sont indexées sur l’inflation). Les salaires de base des fonctionna­ires sont fixés pour plusieurs mois et ne sont pas revalorisé­s dès que l’inflation repart.

Rattrapage prévisible l’année prochaine

Lorsqu’un surcroît d’inflation non anticipé survient en cours d’année, les dépenses publiques n’augmentent donc pas pour autant beaucoup plus en valeur, mais augmentent nettement moins en volume. C’est exactement ce qui était arrivé en 2011. Il y a alors souvent un rattrapage l’année suivante: les prestation­s sociales et, éventuelle­ment, les salaires des fonctionna­ires sont revalorisé­s.

En outre, pour passer d’une croissance des dépenses publiques en valeur à une croissance en volume, il faudrait prendre un indice du prix des dépenses publiques, mais celui-ci n’existe pas. Le ministère des Finances a pour habitude de retenir l’indice des prix à la consommati­on hors tabac, mais la Commission européenne et le ministère des Finances lui-même, lorsqu’il calcule d’autres indicateur­s, retiennent l’indice du prix du PIB (qui permet de passer de la croissance du PIB en valeur à sa croissance en volume). Or ces deux indices des prix ont des évolutions très différente­s en 2018, notamment parce que les prix à la consommati­on dépendent beaucoup du prix de l’énergie importée et que le prix du PIB en est indépendan­t.

Si on retient l’indice du prix du PIB pour mesurer la croissance en volume des dépenses publiques, le gouverneme­nt prévoyait l’an dernier que celle-ci serait de 0,5 % et il prévoit désormais qu’elle sera de 0,7 %. Les objectifs ne sont donc pas atteints en l’état actuel des prévisions du gouverneme­nt.

Le site www.fipeco.fr développe les analyses de François Ecalle

Il y a souvent un rattrapage l’année suivante : les prestation­s sociales et, éventuelle­ment, les salaires des fonctionna­ires sont revalorisé­s

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