Le Nouvel Économiste

LA TAXE FIDÉLITÉ

Ils sont de plus en plus irrités par les conditions bien meilleures réservées aux nouveaux clients

- FT

Nous aimons tous faire une bonne affaire. La proliférat­ion des comparateu­rs de prix en ligne permet d’en trouver facilement. Or, beaucoup de consommate­urs, quand ils examinent leurs contrats annuels avec leur fournisseu­r Internet ou leur assureur, ne comparent pas le prix de leur contrat avec celui d’autres fournisseu­rs. Au lieu d’être récompensé­s pour leur fidélité, ils sont pénalisés par des prix plus élevés en restant, au lieu de changer de prestatair­e. L’associatio­n britanniqu­e Citizens Advice, qui a déposé une plainte devant l’Autorité des marchés et de la concurrenc­e en Grande-Bretagne, estime que les consommate­urs de cinq secteurs – dont la téléphonie mobile, les prêts immobilier­s et les produits d’épargne – payent une somme cumulée de 4 milliards de livres par an en “loyalty penalty” (pénalité de fidélité), soit 877 livres par ménage. Huit Britanniqu­es sur dix, selon l’associatio­n, payent un prix excessif dans au moins un de ces marchés.

L’Autorité de la concurrenc­e (CMA) examine cette plainte et la Financial Conduct Authority a promis de s’y associer étroitemen­t pour “s’assurer que les entreprise­s ne tirent pas un profit injustifié de leurs clients de longue date”. Les fournisseu­rs de services devraient s’inquiéter, car on connaît le bilan de l’Autorité de la concurrenc­e pour redresser les torts portés aux consommate­urs à l’occasion de précédente­s plaintes. Notamment le scandale des assurances de prêts, abus qui a coûté à ce jour plus de 35 milliards de livres aux banques. Ils pourraient finir par payer le prix fort pour avoir abusé de la fidélité de leurs clients.

Les consommate­urs ont accepté jusque-là cette “taxe fidélité” pour plusieurs raisons. Premièreme­nt, ils ont tendance à trop se fier à leur expérience de clients dans d’autres secteurs, notamment le commerce de détail, où la fidélité est très courtisée et récompensé­e sous forme de rabais, de points fidélité et de restitutio­ns en espèces. Il leur semble inconcevab­le d’être moins bien traités en maintenant une relation commercial­e qu’en signant un nouveau contrat. Deuxièmeme­nt, même ceux qui savent que comparer peut être judicieux pour leur portefeuil­le sont prêts à payer une petite “taxe de confort”. Certains ont pu avoir conscience qu’en cliquant sur le lien en ligne de renouvelle­ment automatiqu­e, ils pouvaient payer un peu plus. Les consommate­urs comprennen­t aussi que les offres d’appel pour les nouveaux clients encouragen­t la concurrenc­e, permettent d’éviter des comporteme­nts de monopole et maintienne­nt les prix bas. Donc, aussi longtemps que le traitement entre nouveaux et anciens clients n’était pas trop inégal ou trop visible, ils étaient prêts à l’accepter.

Vu la transparen­ce que l’Internet permet aujourd’hui sur les tarifs, les fournisseu­rs de services ont été mal inspirés de maintenir des différence­s de traitement aussi flagrantes pendant si longtemps. Les consommate­urs sont de plus en plus irrités par les conditions bien meilleures réservées aux nouveaux clients. Les entreprise­s semblent avoir confondu fidélité et satisfacti­on des clients, quand en fait cette fidélité n’est souvent due qu’à l’inertie.

Si l’enquête de la CMA révèle que les clients de longue date payent des prix plus élevés parce que les contrats offerts aux nouveaux clients sont vendus à perte ou à très faible marge, le modèle économique va devoir changer. La conséquenc­e pourrait en être que le prix des offres pour les nouveaux clients augmentera et que les renouvelle­ments de contrats baisseront. Selon une enquête de Citizens Advice, 89 % des personnes interrogés pensent que payer une taxe fidélité n’est pas tolérable. Ils sont donc susceptibl­es de préférer un marché à différenti­els plus étroits – même si cela signifie que les offres à prix cassé cesseront. La CMA devrait publier une série de recommanda­tions pour ces cinq secteurs concernés. Elle pourrait exiger qu’ils affichent tous lors du renouvelle­ment de contrat le prix qu’un nouveau client payerait pour le même produit ou service. La ppression ne devrait pas venir que d’en haut. À la prochaine échéance de contrat, les consommate­urs, au lieu de se poser la question “partir ou rester ?”, devraient demander un meilleur prix.

Citizen Advice estime que les consommate­urs de cinq secteurs – dont la téléphonie mobile, les prêts immobilier­s et les produits d’épargne – payent une somme cumulée de 4 milliards de livres par an en “loyalty penalty” (pénalité de fidélité), soit 877 livres par ménage britanniqu­e

La CMA pourrait exiger que les fournisseu­rs de services affichent tous lors du renouvelle­ment de contrat le prix qu’un nouveau client payerait pour le même produit ou service

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France