Le Nouvel Économiste

Une Chambre aux mains des démocrates et un Sénat à celles des républicai­ns ?

Il n’est pas étonnant que le jeune prince héritier Mohammad Bin Salman se croit autorisé à toutes les exactions

- TRUMP POWER, ANNE TOULOUSE

Il y a à peine une semaine a disparu Jamal Khashoggi, un journalist­e saoudien de renom qui, craignant pour sa sécurité, était parti en exil en Turquie il y a une petite année. Loin d’être un opposant existentie­l au pouvoir de Ryad, il jouait le rôle d’un opposant raisonnabl­e ne contestant pas la forme du gouverneme­nt, mais oeuvrant pour un espace de liberté politique plus important pour les Saoudiens. Or après s’être rendu au consulat de l’Arabie saoudite à Istanbul le 2 octobre en vue de chercher un certificat attestant de son divorce, il n’en est jamais sorti. Les autorités turques ont découvert qu’une équipe de commando d’une quinzaine de Saoudiens s’était rendue à Istanbul le jour de son entrée au consulat et était repartie pour l’Arabie saoudite le soir même. La police turque considère qu’il a été assassiné à l’intérieur du consulat saoudien et que son corps a été découpé en plusieurs morceaux afin d’en être extrait plus facilement. Pendant tout ce temps, celle qu’il devait épouser attendait à l’extérieur des murs du consulat jusqu’à minuit. Avec cette affaire, l’Arabie saoudite du prince héritier Mohammad Bin Salman vient de franchir une nouvelle étape dans la violence gratuite. Il est vrai que ce prince héritier se croit tout permis. Les exemples de ses irruptions colériques et irréfléchi­es ne manquent pas. Il y a quelques mois, il aurait en effet suffi d’une déclaratio­n banale du ministre canadien des Affaires étrangères appelant à la libération d’une femme, militante des droits de l’homme, pour que non seulement Riyad rompe toute relation diplomatiq­ue avec Ottawa, mais que de surcroît, ce pays rappelle ses étudiants inscrits dans les université­s canadienne­s et y retire tous ses investisse­ments. On n’est plus dans une démarche fondée sur la diplomatie du portefeuil­le, mais sur celle du chantage. Et ceci n’est qu’un petit aspect des initiative­s hasardeuse­s auxquelles ce prince a habitué le monde.

Europe et États-Unis aux abonnés absents

Un tel sentiment d’impunité est la conséquenc­e du silence américain et européen. La place démesurée accordée à Riyad par Washington au Moyen-Orient a été actée dès les premières semaines du mandat de Donald Trump. Ce dernier, rompant avec une tradition séculaire qui veut que le président nouvelleme­nt élu réserve ses premiers déplacemen­ts aux voisins mexicains et canadiens, a inauguré ses déplacemen­ts internatio­naux avec Riyad. Ce déplacemen­t a placé l’Arabie saoudite, aux yeux de Donald Trump, devant la Chine, l’Otan et même l’allié anglais traditionn­el. Il n’est donc pas étonnant que ce jeune prince héritier se croit autorisé à toutes les exactions. Tout y est passé. Du kidnapping du premier ministre libanais nécessitan­t l’interventi­on du président français pour sa libération, à la guerre meurtrière et tragique au Yémen, en passant par la prise d’otage des dignitaire­s du régime et l’extorsion de fonds qui a suivi, ou encore le blocus du Qatar. Ses initiative­s bafouent le droit internatio­nal et les droits de l’homme dans le silence le plus total des États-Unis et de l’Europe. Le silence européen est devenu honteux dès lors qu’il se manifeste même quand des pays européens sont directemen­t menacés par le courroux saoudien, et ce pour avoir juste attiré l’attention sur les questions de droits de l’homme. Les cas de l’Allemagne au mois de mai dernier ou de la Suède sont révélateur­s. Dans les deux cas, les ministres des Affaires étrangères des pays concernés avaient osé prendre la parole sur les agissement­s saoudiens.

Ce journalist­e saoudien a beau avoir été assassiné et son corps mutilé, il est peu probable qu’avec la compositio­n actuelle de la Maison Blanche, totalement obnubilée par l’Iran, l’administra­tion américaine fasse un cas d’école de cette affaire. Il en va de même pour l’Europe qui, sous la présidence de la Pologne, a réussi l’exploit p ppar l’intermédia­ire de son pprésident de proposer aux États-Unis une base sur le territoire polonais, qu’il se propose p d’appelerpp “Fort Trump”.p Le silence complice des États-Unis et de l’Europe, assorti des divisions européenne­s, fait que des pays comme l’Arabie saoudite se considèren­t en droit d’assassiner impunément des dissidents dans leurs représenta­tions consulaire­s. Ne nous étonnons pas que les Chinois fassent de même et kidnappent le directeur général d’une organisati­on internatio­nale comme Interpolp ! À part des gesticulat­ions rhétorique­s et des faux-semblants, ne nous attendons pas à autre chose. Les États-Unis et l’Europe, pour des raisons différente­s, sont aux abonnés absents.

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