Le Nouvel Économiste

Un nouveau tour de prestidigi­tation budgétaire

Ce fonds n’aura jamais 10 Mds€ à sa dispositio­n, mais seulement les intérêts fixés forfaitair­ement à 250 M€ par an

- MÉCOMPTES PUBLICS, FRANÇOIS ECALLE

Les privatisat­ions permettron­t en réalité à l’État de moins emprunter et de faire des économies sur sa charge d’intérêt

Les nouvelles privatisat­ions (Aéroports de Paris, Française des Jeux et Engie) ont notamment pour but, selon le gouverneme­nt, de doter d’environ 10 Mds€ un “fonds pour l’innovation et l’industrie” qui lui-même investira dans des start-up ou dans des projets à forts enjeux technologi­ques.

Ce fonds est logé dans les comptesp de BPI France, mais piloté par l’État à travers un comité interminis­tériel de l’innovation. L’État versera 10 Mds€ à ce fonds, qui prêtera instantané­ment ces 10 Mds€ à l’État, exactement comme si l’État se prêtait de l’argent à lui-même. Ce fonds n’aura jamais 10 Mds€ à sa dispositio­n, mais seulement les intérêts de ce prêt de 10 Mds€ à l’État, qui ont été fixésforfa­itaip rement à 250 M€ par an. Autrement dit, tout va se ppasser comme si l’État accordait chaque année 250 M€ de subvention­s à des entreprise­s et projets innovants sur les crédits du ministère de la Recherche. Ces 250 M€ pourraient p très facilement être trouvés dans le budget de l’État, au prix de quelques légers redéploiem­ents budgétaire­s. Il n’est absolument pas nécessaire de privatiser des entreprise­s publiques comme Aéroports de Paris et de créer un fonds spécial pour apporter 250 M€ par an à des entreprise­s et projets innovants.

Opération classique de débudgétis­ation

Il s’agit en réalité à la fois d’une opération de marketing politique visant à faire accepter ces privatisat­ions, et d’une classique opération de débudgétis­ation ayant pour effet de masquer l’utilisatio­n réelle des dépensesp de l’État et de limiter le contrôle du Parlement sur ces dépenses. En effet, dans les prochaines lois de finances, au mieux, il apparaîtra seulement une ligne “rémunérati­on du fonds de l’innovation” dotée de 250 M€ et, au pire, ces crédits seront noyés dans un programme plus vaste.

Le “grand emprunt” de 35 Mds€ pour les investisse­ments d’avenir annoncé par Nicolas Sarkozy au début de son quinquenna­t relevait de la même prestidigi­tation budgétaire : il n’y a jamais eu de grand emprunt de 35 Mds€, mais des subvention­s d’investisse­ment annuelles de quelques centaines de millions d’euros. Cette technique de marketing et de débudgétis­ation a ensuite été reprise par François Hollande qui a lancé de nouveaux “programmes d’investisse­ment d’avenir”.

Les pprivatisa­tions ppermettro­nt en réalité à l’État de moins emprunter et de faire des économies sur sa charge d’intérêt. Si la somme actualisée des intérêts économisés, qui dépendra du prix de cession de ses actions, est supérieure à la somme actualisée des dividendes auxquels il renoncera, le bilan financier de l’opération p sera positif pour l’État. Par ailleurs, on peut soutenir que ces entreprise­s seront mieux gérées par des actionnair­es privées et considérer qque le contrôle de leurs prix par l’État protégera efficaceme­nt leurs clients. Ces arguments sont discutable­s mais ils peuvent justifier ces privatisat­ions. Le débat devrait porter sur leur pertinence et non pas sur l’emballage que constitue le fonds pour l’innovation.

Le site www.fipeco.fr développe les analyses de François Ecalle

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