Un nouveau tour de prestidigitation budgétaire
Ce fonds n’aura jamais 10 Mds€ à sa disposition, mais seulement les intérêts fixés forfaitairement à 250 M€ par an
Les privatisations permettront en réalité à l’État de moins emprunter et de faire des économies sur sa charge d’intérêt
Les nouvelles privatisations (Aéroports de Paris, Française des Jeux et Engie) ont notamment pour but, selon le gouvernement, de doter d’environ 10 Mds€ un “fonds pour l’innovation et l’industrie” qui lui-même investira dans des start-up ou dans des projets à forts enjeux technologiques.
Ce fonds est logé dans les comptesp de BPI France, mais piloté par l’État à travers un comité interministériel de l’innovation. L’État versera 10 Mds€ à ce fonds, qui prêtera instantanément ces 10 Mds€ à l’État, exactement comme si l’État se prêtait de l’argent à lui-même. Ce fonds n’aura jamais 10 Mds€ à sa disposition, mais seulement les intérêts de ce prêt de 10 Mds€ à l’État, qui ont été fixésforfaitaip rement à 250 M€ par an. Autrement dit, tout va se ppasser comme si l’État accordait chaque année 250 M€ de subventions à des entreprises et projets innovants sur les crédits du ministère de la Recherche. Ces 250 M€ pourraient p très facilement être trouvés dans le budget de l’État, au prix de quelques légers redéploiements budgétaires. Il n’est absolument pas nécessaire de privatiser des entreprises publiques comme Aéroports de Paris et de créer un fonds spécial pour apporter 250 M€ par an à des entreprises et projets innovants.
Opération classique de débudgétisation
Il s’agit en réalité à la fois d’une opération de marketing politique visant à faire accepter ces privatisations, et d’une classique opération de débudgétisation ayant pour effet de masquer l’utilisation réelle des dépensesp de l’État et de limiter le contrôle du Parlement sur ces dépenses. En effet, dans les prochaines lois de finances, au mieux, il apparaîtra seulement une ligne “rémunération du fonds de l’innovation” dotée de 250 M€ et, au pire, ces crédits seront noyés dans un programme plus vaste.
Le “grand emprunt” de 35 Mds€ pour les investissements d’avenir annoncé par Nicolas Sarkozy au début de son quinquennat relevait de la même prestidigitation budgétaire : il n’y a jamais eu de grand emprunt de 35 Mds€, mais des subventions d’investissement annuelles de quelques centaines de millions d’euros. Cette technique de marketing et de débudgétisation a ensuite été reprise par François Hollande qui a lancé de nouveaux “programmes d’investissement d’avenir”.
Les pprivatisations ppermettront en réalité à l’État de moins emprunter et de faire des économies sur sa charge d’intérêt. Si la somme actualisée des intérêts économisés, qui dépendra du prix de cession de ses actions, est supérieure à la somme actualisée des dividendes auxquels il renoncera, le bilan financier de l’opération p sera positif pour l’État. Par ailleurs, on peut soutenir que ces entreprises seront mieux gérées par des actionnaires privées et considérer qque le contrôle de leurs prix par l’État protégera efficacement leurs clients. Ces arguments sont discutables mais ils peuvent justifier ces privatisations. Le débat devrait porter sur leur pertinence et non pas sur l’emballage que constitue le fonds pour l’innovation.
Le site www.fipeco.fr développe les analyses de François Ecalle