Le Nouvel Économiste

Le mot nationalis­me n’a pas le même sens de part et d’autre

Le nationalis­me n’a pas le même sens des deux côtés de l’Atlantique

- TRUMP POWER, ANNE TOULOUSE

Parce qu’ils ont beaucoup en commun, comme d’être des pays démocratiq­ues qqui figgurent pparmi les pplus riches de la planète, la France et les États-Unis vivent dans l’illusion qu’ils se ressemblen­t. L’un et l’autre, par leur puissance, leur culture et leur histoire, bénéficien­t d’un rayonnemen­t planétaire et de la haute idée de soi qui va de pair. Chacun essaye de projeter ses valeurs et ses clichés sur l’autre, donc de temps en temps cela fait des étincelles. Ce qui s’est passé entre Donald Trump et Emmanuel Macron la semaine dernière en est un exemple typique.

Invité à Paris à l’occasion du centenaire de l’armistice du 11 novembre, le président américain s’attendait à voir célébrer l’aide déterminan­te que son pays avait apportée à la victoire des alliés. Au lieu de cela, au moment le plus solennel des commémorat­ions, il s’est fait tancer, en termes à peine voilés, dans une tirade sur le nationalis­me. Personne n’apprécie d’être invité pour se faire remonter les bretelles, Donald Trump moins que tout autre, et on pouvait s’attendre à ce que la réplique soit à la mesure de son ego meurtri. Si la réponse a été explosive, il n’en reste pas moins qu’il avait quelques raisons d’être offensé, comme on dit aux États-Unis “même un réveil cassé donne l’heure exacte deux fois par jour”.

Le 12 novembre, l’un des éditoriaux du ‘Wall Street Journal’ titrait sur “Le faux pas d’Emmanuel Macron sur le nationalis­me”. Car nationalis­me n’a pas le même sens des deux côtés de l’Atlantique. Tous les Américains récitent le texte fondamenta­l de leur citoyennet­é, le serment au drapeau, qui salue “A nation under God indivisibl­e” (une nation indivisibl­e sous l’oeil de Dieu). Quand ils visitent Washington, ils disent aller voir “la capitalep de notre nation”. Dans un pays qui compte 50 États et dont le quart des citoyens remonte seulement à la première ou à la seconde génération, la nation symbolise un sentiment d’appartenan­ce, qui permet au communauta­risme d’exister dans la reconnaiss­ance de valeurs communes.

Ce n’est pas la première fois, ni sans doute la dernière

Ayant le privilège d’appartenir pour moitié à chacun de ces deux grands pays, ce n’est pas la première fois, ni sans doute hélas la dernière, que je les vois se chamailler, et curieuseme­nt cela prend souvent un caractère alimentair­e. Cette fois-ci Donald Trump s’en prend au vin français, que d’ailleurs il ne boit pas. En 2003 lors du différent sur la guerre en Irak, ce sont les “French fries” (les frites) qui avaient trinqué, et à fin du précédent millénaire, il y eut la guerre du roquefort et du foie gras. On notera que pendant tout ce temps-là, les Français n’ont jamais envisagé de fermer les McDo.

Ceux qui pensent que Lafayette doit se retourner dans sa tombe à chaque accrochage dans les relations franco-américaine­s doivent se replonger dans l’histoire. En fait, l’illustre marquis était encore de ce monde lorsque le pays qu’il avait aidé à libérer est entré dans son premier conflit armé, et ce conflit avait comme adversaire… la France. On l’a appelé la quasi-guerre car elle n’a jamais été officielle­ment déclarée. La France n’avait ppas fait que se battre aux côtés des États-Unis pendant leur guerre d’indépendan­ce, mais elle avait également en grande partie financé les opérations, sous forme de prêt. Lorsque les Américains ont terminé leur révolution, les Français ont entamé la leur et, en 1798, le deuxième président des États-Unis, John Adams, a décidéd’arrêp ter le remboursem­ent des dettes de guerre à la France, sous prétexte que cet emprunt avait été souscrit auprès de la défunte monarchie. Le Directoire qui était alors au pouvoir a lancé contre la flotte américaine des opérations navales assez sérieuses pour que George Washington sorte de sa retraite pour reprendre du service comme chef des armées. C’est d’ailleurs à cette occasion que les fameux “marines” américains sont entrés pour la première fois au combat dans un conflit internatio­nal. L’affaire a traîné jusqu’en 1800, date à laquelleq a été signéeg entre la France et les États-Unis une convention qui a remplacé le traité d’alliance conclu après la déclaratio­n d’indépendan­ce.p Entre-temps,p comble d’ingratitud­e, les États-Unis avaient signé un traité commercial avec l’Angleterre. C’était le début d’une philosophi­e de gouverneme­nt résumée en 1799 par Thomas Jefferson : “Commerçons avec toutes les nations, ne nous allions avec aucune !” Tout cela pour vous dire que relations franco-américaine­s en ont vu d’autres !

Newspapers in French

Newspapers from France