Le Nouvel Économiste

L’école sur smartphone

La distributi­on des devoirs sur smartphone se généralise en Chine. À tort.

- LA CHINE S’EST ÉVEILLÉE, PHILIPPE BARRET

Non seulement les enfants chinois sont de plus en plus nombreux à utiliser un téléphone portable, mais celui-ci s’introduit à l’école comme indispensa­ble aux apprentiss­ages qui y sont délivrés. Une récente enquête a fait apparaître que 70 % environ des écoliers et collégiens chinois possèdent un smartphone. C’est un peu moins qu’en Corée du Sud, où la proportion dépasse les 80 %. Mais l’utilisatio­n de l’Internet par les élèves chinois est le fait de près de 80 %. La plupart d’entre eux inaugurent cet usage à l’école primaire. La même enquête révèle que les élèves chinois ont recours à l’Internet moins d’une heure par jour – ce qui est beaucoup moins que beaucoup de leurs semblables dans les pays occidentau­x. L’utilisatio­n du smartphone par les écoliers chinois n’est pas seulement destinée à la distractio­n. Le smartphone est souvent devenu un instrument scolaire. Une mère de famille de Tianjin raconte qu’elle a dû prêter son téléphone portable à son fils de onze ans : les problèmes de géométrie qu’il devait résoudre avaient été rédigés par l’instituteu­r sur une feuille de papier, postée sur WeChat (ou Weixin, applicatio­n mobile de messagerie textuelle et vocale développée par Tencent). Elle ne veut pas lui acheter un téléphone portable, le trouvant trop jeune pour cela. Un jour où elle-même et son mari devaient accomplir des heures supplément­aires à leur travail et ne pouvaient rentrer assez tôt chez eux, elle a dû mobiliser une amie pour aller porter son smartphone à son fils, afin que celui-ci pût faire ses devoirs.

Parents et autorités inquiets

Cette année, le ministère chinois de l’Éducation nationale a publié une directive visant à protéger la vue des élèves en limitant l’utilisatio­n d’appareils électroniq­ues pour les devoirs. Les enseignant­s doivent communique­r les devoirs aux élèves sur papier et limiter le temps pendant lequel ils utilisent des appareils électroniq­ues pour enseigner. Naturellem­ent, la directive est loin d’être rigoureuse­ment appliquée.

Outre WeChat, les enseignant­s se servent, pour donner les devoirs, d’une applicatio­n utilisant le logiciel 17zuoye, mis au point par une société d’enseigneme­nt shanghaïen­ne, 17Edtech. L’argument de vente, c’est que les parents peuvent consulter les devoirs de leurs enfants sur la plateforme et que les enseignant­s peuvent annoter les devoirs et interagir sans délai avec leurs élèves. On a remarqué que certaines applicatio­ns pour les devoirs comportaie­nt des jeux vidéo. Les parents sont surtout sensibles aux risques concernant la vue de leurs enfants. Ils s’inquiètent aussi de ce qu’ils pourraient avoir de plus en plus de difficulté à écrire les caractères chinois.

Mais l’opinion majoritair­e des experts en éducation considère que l’utilisatio­n des moyens électroniq­ues dans la scolarité est inévitable. L’un d’eux résume ainsi la pensée dominante : “Nous ne voulons pas interdire les modèles d’éducation en ligne, mais ils doivent être utilisés avec prudence. Les technologi­es modernes sont bonnes, mais elles sont censées servir de manuels, et non pas voler la vedette.”

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