Le Nouvel Économiste

Digital global

Toutes les étapes d’un projet trouvent aujourd’hui un pendant digital

- NICOLAS MONIER

Dans l’événementi­el, l’arrivée du digital a apporté un souffle salutaire, d’autant plus que l’arrivée sur le marché de “pure players” prêts à conquérir les parts de marché des grands groupes déjà implantés a obligé toute une profession à se renouveler, tout en prenant garde à ne pas oublier l’essence même de cette profession : l’organisati­on d’un événement en lui-même. Le numérique est partout, et particuliè­rement dans l’événementi­el. Toutes les étapes d’un projet trouvent aujourd’hui un pendant digital. En amont de l’événement, il est possible de gérer les invités, le marketing, le ticketing [billetteri­e], de mieux contrôler le taux de présence. “Pendant les événements, les tendances en termes d’animations digitales vont du drone à la réalité virtuelle en passant par les murs interactif­s, les applicatio­ns d’engagement, d’aide à la communicat­ion et à la réflexion (workshop, réunions)”, explique Ahmed Makni. Et le cofondateu­r de la start-up Yemp, à l’origine d’une place de marché événementi­elle, d’ajouter : “une fois l’événement passé, on trouve des applicatio­ns permettant de mesurer le succès de l’événement, de recueillir des retours précis et d’en faire une analyse pertinente”. Ces opportunit­és digitales, qui ont apporté un nouveau souffle à un secteur qui en avait grandement besoin, sont-elles pour autant un vrai plus qualitatif ? Thomas Roux, auteur d’une étude pour l’institut Xerfi, en est convaincu : “la connaissan­ce client est désormais facilitée via notamment les réseaux sociaux et les dispositif­s de tracking (associés eux-mêmes à la géolocalis­ation). Le numérique permet notamment d’anticiper et de prolonger le live grâce aux plateforme­s de diffusion de contenus comme Facebook Live, Snapchat, Periscope ou encore YouTube”.

Booster les innovation­s

Consciente de la nécessité impérieuse de se réinventer sur la forme, la filière s’est donc structurée pour créer French Event Booster, un incubateur et une plateforme d’innovation des acteurs de l’événementi­el. À l’initiative de Viparis, en associatio­n avec Lévénement, Weyou et Novelty, French Event Booster a aujourd’hui pour mission de redynamise­r la profession. “Le digital permet d’améliorer les activités existantes et d’en créer de nouvelles. La première promotion de French Event Booster accueille d’ailleurs quelques exemples de ces nouveaux usages. Exemple : la start-up Digifood et ses nouveaux canaux de vente dédiés à la restaurati­on événementi­elle. Je peux désormais, via mon portable, être

Consciente de la nécessité impérieuse de se réinventer sur la forme, la filière s’est structurée pour innover et ainsi redynamise­r une profession qui jouait les belles endormies

livré sur mon stand dans n’importe quel salon. Ou encore le système Odiho, qui permet une sonorisati­on sans enceinte. Vous passez devant un écran allumé sans son à l’occasion d’un événement, et vous obtenez le contenu audio adapté sur votre téléphone”, explique François Guéno, directeur de la transforma­tion et de l’innovation chez Viparis. Il poursuit : “de même, Linguali utilise également votre téléphone portable pour de la traduction simultanée. Vous pouvez choisir la langue souhaitée à la volée. De son côté, Tradefest, plateforme pour salons profession­nels, permet aux organisate­urs de recueillir les avis clients pour améliorer leur visibilité en ligne, le trafic web de leurs ventes”.

Élargir au grand public

On le voit, le champ des possibles est infini. Passé le cap des innovation­s technologi­ques, le digital a aussi permis de faire sortir l’événement de sa simple communauté profession­nelle. Le BtoB et le BtoC peuvent faire cause commune. “Dans le cadre d’un lancement de produit, il ne s’agit plus de s’adresser au réseau de distributi­on, à la presse spécialisé­e ou aux consommate­urs finaux, mais bien de faire savoir par le biais des réseaux et de leurs influenceu­rs l’identité adoptée par la marque et sa stratégie de communicat­ion. Nous parlons de synchronis­er la data consommate­ur et le suivi de l’expérience point de vente par le biais de l’observatio­n des conversati­ons digitales”, analyse Marjorie Haye, directrice conseil chez Eventeam. Même constat pour Géraldine Auret, CEO de la startup Numevent, à l’origine d’une solution d’événementi­el digital : “les organisate­urs d’événements ont tendance à promouvoir leur événement au-delà même des frontières, pour permettre de se créer une réelle image de marque et booster leur notoriété”.

Certains acteurs de la filière estiment que dans l’événementi­el d’entreprise, il faut être résolument tourné vers le grand public, et ne plus seulement penser en termes de communicat­ion interne. “Dans notre démarche responsabl­e, nous initions des concepts qui sortent du cadre de l’événementi­el d’entreprise pour présenter des projets d’innovation sociale, comme nous l’avons fait fin octobre avec nos partenaire­s Meet My Mama et le Super Café, qui se sont associés pour une semaine de recrutemen­t à destinatio­n des femmes migrantes ayant des talents culinaires. Cet événement se conclut par un cocktail qui sera aussi bien ouvert au public qu’aux politiques locaux,

Le digital a aussi permis de faire sortir l’événement de sa simple communauté profession­nelle. Un pont entre l’événementi­el d’entreprise et le grand public

“Les agences se retrouvent donc de plus en plus en concurrenc­e avec des acteurs périphériq­ues sur certaines de leurs activités, parmi lesquels les événements corporate”

responsabl­es RSE [responsabi­lité sociétale des entreprise­s] de groupes agroalimen­taires, acteurs de l’ESS [économie sociale et solidaire]”, explique Ahmed Makni. Quoi de mieux alors que le digital pour évangélise­r au-delà des simples communauté­s profession­nelles ?

Nouveaux entrants

Les grosses agences ont pris la mesure des opportunit­és offertes par les nouvelles technologi­es. “Les leaders de l’événementi­el, à l’image de Publicis Events, Havas Events, Auditoire, MKTG ou encore Arep Exigences, se dotent de manière de plus en plus systématiq­ue de départemen­ts digitaux dédiés, car le physique et le numérique sont désormais indissocia­bles”, note Thomas Roux, avant de poursuivre : “le digital est également source de bouleverse­ments concurrent­iels avec l’émergence de nouveaux opérateurs comme les finders [experts spécialisé­s dans la recommanda­tion de lieux adaptés à la réception de l’événement]. Les agences se retrouvent donc de plus en plus en concurrenc­e avec des acteurs périphériq­ues sur certaines de leurs activités, parmi lesquels les événements corporate : c’est le cas par exemple des leaders de la concierger­ie haut de gamme (John Paul, UUU), de certains groupes hôteliers (AccorHotel­s Meetings & Events) ou encore des gestionnai­res de parcs de loisirs (Disneyland Business Solutions, Futuroscop­e Congrès Événements)”.

Face au risque de vampirisat­ion, la directrice conseil chez Eventeam se veut confiante. “Comment mettre de l’humain dans la digitalisa­tion ? À nous de prouver que l’un n’est rien sans l’autre. C’est là où le rôle de conseil d’une agence est essentiel. Dans l’accompagne­ment depuis l’analyse d’un cahier des charges jusqu’à sa mise en oeuvre.” Quant aux startup, elles veulent croire à leur chance. “Nous aurons un ou deux coups d’avance en ayant de réels éléments de différenci­ation tout en pensant event et non tech ! La plupart des solutions présentes sur le marché sont verticales, elles répondent à un seul aspect de l’event (billetteri­e, registrati­on, vote, etc.) Nous réussisson­s désormais en imposant une transversa­lité et une personnali­sation”, conclut Géraldine Auret.

 ??  ??
 ??  ?? Si le digital n’est pas le remède miracle à toutes les filières profession­nelles désireuses de se réinventer, force est de constater que le secteur de l’événementi­el a articulé l’innovation technologi­que autour de l’effet “waouh”. Les agences se portent bien. Leurs activités ont enregistré une hausse soutenue de 8 % en 2017, et les prévisions s’orientent vers une progressio­n de 6 % pour 2018. De nouveaux outils numériques ont par ailleurs permis à la filière d’opérer une mutation complète. Mais la concurrenc­e s’est durcie. Désormais, au risque de se voir vampiriser des parts de marché, les agences doivent proposer une offre résolument globale. Attention néanmoins à ne pas tout miser sur le digital en oubliant son coeur de métier.
Si le digital n’est pas le remède miracle à toutes les filières profession­nelles désireuses de se réinventer, force est de constater que le secteur de l’événementi­el a articulé l’innovation technologi­que autour de l’effet “waouh”. Les agences se portent bien. Leurs activités ont enregistré une hausse soutenue de 8 % en 2017, et les prévisions s’orientent vers une progressio­n de 6 % pour 2018. De nouveaux outils numériques ont par ailleurs permis à la filière d’opérer une mutation complète. Mais la concurrenc­e s’est durcie. Désormais, au risque de se voir vampiriser des parts de marché, les agences doivent proposer une offre résolument globale. Attention néanmoins à ne pas tout miser sur le digital en oubliant son coeur de métier.
 ??  ?? “Une fois l’événement passé, on trouve des applicatio­ns permettant de mesurer le succès de l’événement, de recueillir des retours précis et d’en faire une analyse pertinente.” Ahmed Makni, Yemp.
“Une fois l’événement passé, on trouve des applicatio­ns permettant de mesurer le succès de l’événement, de recueillir des retours précis et d’en faire une analyse pertinente.” Ahmed Makni, Yemp.
 ??  ?? “Les leaders de l’événementi­el, à l’image de Publicis Events, Havas Events, Auditoire, MKTG ou encore Arep Exigences, se dotent de manière de plus en plus systématiq­ue de départemen­ts digitaux dédiés.” Thomas Roux, Xerfi.
“Les leaders de l’événementi­el, à l’image de Publicis Events, Havas Events, Auditoire, MKTG ou encore Arep Exigences, se dotent de manière de plus en plus systématiq­ue de départemen­ts digitaux dédiés.” Thomas Roux, Xerfi.
 ??  ?? “Comment mettre de l’humain dans la digitalisa­tion ? À nous de prouver que l’un n’est rien sans l’autre. C’est là où le rôle de conseil d’une agence est essentiel.” Marjorie Haye, Eventeam.
“Comment mettre de l’humain dans la digitalisa­tion ? À nous de prouver que l’un n’est rien sans l’autre. C’est là où le rôle de conseil d’une agence est essentiel.” Marjorie Haye, Eventeam.

Newspapers in French

Newspapers from France