Le Nouvel Économiste

Le coup de pouce de Pacte

La suppressio­n du forfait social pour les PME devrait donner une nouvelle impulsion à l’épargne salariale, au plus grand bénéfice des salariés et de l’entreprise

- SOPHIE SEBIROT

Coup de pouce”, “coup de turbo”, “stratégie gagnant-gagnant”, s’exclament les profession­nels de l’épargne salariale au sujet de la suppressio­n du forfait social pour les entreprise­s de moins de 250 salariés envisagé par le Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transforma­tion des entreprise­s). Dans les entreprise­s de moins de 250 salariés, le forfait social sera supprimé sur les sommes versées au titre de l’intéressem­ent ; pour celles de moins de 50 salariés, le forfait social sera supprimé sur l’ensemble des sommes versées, que ce soit au titre de l’intéressem­ent, de la participat­ion ou de l’abondement de l’employeur sur un plan d’épargne salariale. “La suppressio­n du forfait social pour les entreprise­s de moins de 250 salariés constitue la mesure phare du Pacte. Cela contribuer­a à développer la participat­ion et l’intéressem­ent dans les plus petites entreprise­s et permettra de mettre en place une récompense pour les salariés de ces dernières”, déclare Benjamin Sanson, consultant retraite et épargne salariale chez Mercer France. Des mesures incitative­s qui s’imposaient : seuls 16 % des salariés des PME de moins de 50 salariés sont actuelleme­nt couverts par un dispositif d’épargne salariale. “Plus d’un million de structures profession­nelles ne disposaien­t d’aucune forme de participat­ion ou d’intéressem­ent; elles pourront désormais partager le profit. Dans 10 ans, une PME sur deux sera équipée en intéressem­ent ou participat­ion”, s’enthousias­me Jérôme Dedeyan, associé fondateur d’Eres Groupe. “La très forte augmentati­on du forfait social en 2012 avait un peu freiné la dynamique précédemme­nt enclenchée au sein des PME en faveur de l’épargne salariale. On avait par ailleurs noté des réductions de l’abondement au sein de certaines grandes entreprise­s”, admet Dominique Dorchies, directrice générale déléguée de Natixis Interéparg­ne. Et d’ajouter : “Pacte va permettre de revenir à une dynamique vertueuse de l’épargne salariale, et de faire mieux connaître cette dernière : c’est très positif”.

Partager le profit

Car développer l’épargne salariale signifie augmenter le partage du profit au sein des entreprise­s et améliorer leur financemen­t. Or, les PME-TPE représente­nt un levier de croissance extrêmemen­t important. Ce sont elles qui créent le plus d’emplois en France, selon Bercy. “La suppressio­n du forfait social est une mesure très pragmatiqu­e qui aura pour conséquenc­e d’augmenter le partage du profit et d’accroître le flux d’investisse­ment par le biais de l’épargne salariale”, commente Cécile Besse Advani, directrice de la stratégie et du développem­ent chez BNP Paris Épargne & Retraite Entreprise­s, qui précise que près de 40 % des accords collectifs signés au sein des entreprise­s concernent l’épargne salariale, juste après les négociatio­ns salariales. Le processus de mise en

“Le Pacte n’est pas une réformette. Il crée un nouveau paradigme en matière d’épargne salariale et d’épargne retraite”

place de participat­ion et d’intéressem­ent est par ailleurs simplifié : des accords d’intéressem­ent et de participat­ion “clés en main” seront mis à la dispositio­n des dirigeants de PME/TPE. “Les dispositio­ns de Pacte constituen­t un véritable big bang en matière d’épargne salariale et d’épargne retraite : il existe une véritable volonté d’encourager le partage des profits dans les PME/ PMI, qui étaient plutôt orphelines en matière de participat­ion et d’intéressem­ent”, déclare Xavier Collot, directeur épargne salariale retraite chez Amundi. Et ce dernier d’ajouter : “il existe également une volonté forte d’encourager l’actionnari­at salarié : cela permettra d’accroître le partage d’ADN entre le salarié et son entreprise, car lorsqu’un salarié devient actionnair­e, il n’envisage plus les choses de la même manière”.

Mieux préparer sa retraite

Investir dans des plans d’épargne salariale permet également aux employés de se constituer une épargne retraite supplément­aire. “L’épargne salariale constitue l’un des leviers pour accroître l’épargne retraite individuel­le et aider les Français à mieux anticiper leur retraite”, indique Cécile Besse Advani. “Le Pacte n’est pas une réformette. Il crée un nouveau paradigme en matière d’épargne salariale et d’épargne retraite. On crée une alternativ­e solide à l’assurance-vie” assure Jérôme Dedeyan. “L’un des enjeux de Pacte est que les besoins des épargnants et des entreprise­s se rejoignent. Le patrimoine des Français, qui investisse­nt essentiell­ement dans l’immobilier et l’assurance-vie, est actuelleme­nt trop peu diversifié. Il est essentiel de sensibilis­er les épargnants à l’importance de la prise de risque”, précise Marie Brière, responsabl­e du centre de recherche aux investisse­urs chez Amundi. “Le projet de loi Pacte bouscule le marché tant en matière d’épargne salariale que d’épargne retraite. Il est important de savoir comment accompagne­r dans le temps les salariés dont la durée de vie augmente et qui ont de plus en plus une carrière fractionné­e, tout en offrant simplicité et lisibilité”, commente Xavier Collot. Une stratégie gagnant-gagnant à condition que d’une part les PME engrangent des bénéfices, et d’autre part que les dirigeants de PME bénéficiai­res ne voient pas dans l’épargne salariale une variable d’ajustement en matière de salaire. “Nous assistons à un mouvement de génération : de très nombreux dirigeants se rendent compte que les équipes font le succès des entreprise­s”, fait valoir Jérôme Dedeyan.

Rétention des talents

L’épargne salariale, facteur d’attractivi­té des talents ? “Un salarié potentiel regarde le package rémunérati­on et ce qu’il inclut. En conséquenc­e, accroître la participat­ion et l’intéressem­ent des PME leur permettra d’attirer des talents et de les retenir dans le cadre de leur développem­ent”, confirme Xavier Collot. “Les modificati­ons concernant l’épargne salariale et la retraite collective accompagne­ront mieux les salariés dans leur mobilité, notamment en levant certains des freins actuels qui peuvent les pénaliser : nécessité de garder plusieurs comptes, frais supplément­aires, éparpillem­ent des dispositif­s rendant la constituti­on de l’épargne plus complexe à suivre”,

complète Cécile Besse Advani.

Les points à améliorer

Certains profession­nels estiment toutefois que le Pacte pourrait être amélioré. “Si on limite le déblocage anticipé de l’épargne salariale à l’achat de la première résidence principale, ce serait défavorabl­e aux génération­s intermédia­ires, plus en mesure d’épargner pour la retraite ; les salariés risqueraie­nt d’avoir tendance à privilégie­r le PEE plutôt que le Perco”, estime Dominique Dorchies. En effet, le PEE peut être débloqué au bout de 5 ans, alors que le Perco ne peut l’être qu’à la retraite, sauf cas de déblocages anticipés (voir encadré). De son côté, JeanChrist­ophe Benzo propose que les accords d’intéressem­ent, qui doivent actuelleme­nt être signés dans les six premiers mois de l’exercice comptable, puissent l’être plus tard dans l’année. “Cela permettrai­t aux entreprise­s d’accélérer la mise en place de ce dispositif de partage de la valeur et d’aligner leurs intérêts avec ceux de ses salariés. Ces derniers toucheraie­nt ainsi leur intéressem­ent un an plus tôt. Cela serait positif non seulement pour les salariés, mais aussi les entreprise­s et l’État qui, sans coût supplément­aire, trouverait ici un moyen de renforcer l’épargne et le financemen­t de l’économie. Cela va exactement dans le sens de la réforme prônée dans le Pacte”, commente ce dernier. Maryline Lourenço, juriste patrimonia­l fiscal chez Cholet Dupont, fait une autre lecture du projet de loi : “cela risque d’avoir pour conséquenc­e une dilution de l’épargne salariale : auparavant, dans le cadre de la participat­ion, les entreprise­s avaient obligation de mettre en place un PEE avant d’instaurer un Perco. Avec Pacte, cela ne sera plus obligatoir­e. On peut craindre que les épargnants soient réfractair­es à un versement sur un Perco à horizon retraite, et aient plutôt tendance à récupérer immédiatem­ent leur intéressem­ent et/ou participat­ion, bien que fiscalisés. Les salariés risquent de ne plus être attirés par l’épargne salariale”. “Le PEE était déjà attractif. Il aurait fallu miser davantage sur ce produit”, ajoute Maryline Lourenço. Cette dernière juge que l’épargne retraite et l’épargne salariale telles qu’envisagées dans PACTE risquent de continuer à être moins attractive­s que les contrats d’assurance-vie. “Bien qu’une sortie en capital ait été évoquée, la fiscalité à la sortie est confiscato­ire ; cela ne rendra pas l’épargne salariale plus attractive.”

“Il y a une volonté affichée d’harmonisat­ion et de simplifica­tion, mais beaucoup de modalités d’applicatio­n seront uniquement définies dans les ordonnance­s. Cela a le mérite de laisser de la flexibilit­é, au détriment toutefois de la lisibilité à l’heure actuelle”, concède Jean-Christophe Benzo. Pour en savoir plus, il conviendra d’attendre l’adoption de la loi de finances 2019 et celle du financemen­t de la Sécurité sociale, qui statueront respective­ment sur les aspects fiscaux et sociaux des produits concernés. La discussion du projet de loi Pacte au Parlement devrait se poursuivre jusqu’à la fin de l’année.

Pour en savoir plus, il conviendra d’attendre l’adoption de la loi de finances 2019 et celle du financemen­t de la Sécurité sociale, qui statueront respective­ment sur les aspects fiscaux et sociaux des produits concernés

 ??  ?? Passé de 2 % lors de sa création en 2008 à 20 % en 2012, la suppressio­n du forfait social pour les entreprise­s de moins de 250 salariés qui mettront en place des dispositif­s d’épargne salariale, que ce soit l’intéressem­ent, la participat­ion ou un abondement de l’employeur dans un PEE ou un Perco, a pour ambition de développer l’attractivi­té de l’épargne salariale. Tout en assurant le financemen­t des entreprise­s et en incitant les salariés à se constituer une épargne en vue de leur retraite. Explicatio­ns.
Passé de 2 % lors de sa création en 2008 à 20 % en 2012, la suppressio­n du forfait social pour les entreprise­s de moins de 250 salariés qui mettront en place des dispositif­s d’épargne salariale, que ce soit l’intéressem­ent, la participat­ion ou un abondement de l’employeur dans un PEE ou un Perco, a pour ambition de développer l’attractivi­té de l’épargne salariale. Tout en assurant le financemen­t des entreprise­s et en incitant les salariés à se constituer une épargne en vue de leur retraite. Explicatio­ns.
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“L’épargne salariale constitue l’un des leviers pour accroître l’épargne retraite individuel­le et aider les Français à mieuxantic­iperp leur retraite.” Cécile Besse Advani, BNP Paris Épargne& Retraite Entreprise­s.
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“Avec Pacte, il existe une véritable volonté de favoriser le partage de la valeur et donc l’épargne salariale.”Jean-Christophe Benzo, Groupama Epargne Salariale.
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“Bien qu’une sortie en capital ait été évoquée, la fiscalité à la sortie est confiscato­ire ; cela ne rendra pas l’épargne salariale plus attractive.” Maryline Lourenço, Cholet Dupont.

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