Le coup de pouce de Pacte
La suppression du forfait social pour les PME devrait donner une nouvelle impulsion à l’épargne salariale, au plus grand bénéfice des salariés et de l’entreprise
Coup de pouce”, “coup de turbo”, “stratégie gagnant-gagnant”, s’exclament les professionnels de l’épargne salariale au sujet de la suppression du forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés envisagé par le Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises). Dans les entreprises de moins de 250 salariés, le forfait social sera supprimé sur les sommes versées au titre de l’intéressement ; pour celles de moins de 50 salariés, le forfait social sera supprimé sur l’ensemble des sommes versées, que ce soit au titre de l’intéressement, de la participation ou de l’abondement de l’employeur sur un plan d’épargne salariale. “La suppression du forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés constitue la mesure phare du Pacte. Cela contribuera à développer la participation et l’intéressement dans les plus petites entreprises et permettra de mettre en place une récompense pour les salariés de ces dernières”, déclare Benjamin Sanson, consultant retraite et épargne salariale chez Mercer France. Des mesures incitatives qui s’imposaient : seuls 16 % des salariés des PME de moins de 50 salariés sont actuellement couverts par un dispositif d’épargne salariale. “Plus d’un million de structures professionnelles ne disposaient d’aucune forme de participation ou d’intéressement; elles pourront désormais partager le profit. Dans 10 ans, une PME sur deux sera équipée en intéressement ou participation”, s’enthousiasme Jérôme Dedeyan, associé fondateur d’Eres Groupe. “La très forte augmentation du forfait social en 2012 avait un peu freiné la dynamique précédemment enclenchée au sein des PME en faveur de l’épargne salariale. On avait par ailleurs noté des réductions de l’abondement au sein de certaines grandes entreprises”, admet Dominique Dorchies, directrice générale déléguée de Natixis Interépargne. Et d’ajouter : “Pacte va permettre de revenir à une dynamique vertueuse de l’épargne salariale, et de faire mieux connaître cette dernière : c’est très positif”.
Partager le profit
Car développer l’épargne salariale signifie augmenter le partage du profit au sein des entreprises et améliorer leur financement. Or, les PME-TPE représentent un levier de croissance extrêmement important. Ce sont elles qui créent le plus d’emplois en France, selon Bercy. “La suppression du forfait social est une mesure très pragmatique qui aura pour conséquence d’augmenter le partage du profit et d’accroître le flux d’investissement par le biais de l’épargne salariale”, commente Cécile Besse Advani, directrice de la stratégie et du développement chez BNP Paris Épargne & Retraite Entreprises, qui précise que près de 40 % des accords collectifs signés au sein des entreprises concernent l’épargne salariale, juste après les négociations salariales. Le processus de mise en
“Le Pacte n’est pas une réformette. Il crée un nouveau paradigme en matière d’épargne salariale et d’épargne retraite”
place de participation et d’intéressement est par ailleurs simplifié : des accords d’intéressement et de participation “clés en main” seront mis à la disposition des dirigeants de PME/TPE. “Les dispositions de Pacte constituent un véritable big bang en matière d’épargne salariale et d’épargne retraite : il existe une véritable volonté d’encourager le partage des profits dans les PME/ PMI, qui étaient plutôt orphelines en matière de participation et d’intéressement”, déclare Xavier Collot, directeur épargne salariale retraite chez Amundi. Et ce dernier d’ajouter : “il existe également une volonté forte d’encourager l’actionnariat salarié : cela permettra d’accroître le partage d’ADN entre le salarié et son entreprise, car lorsqu’un salarié devient actionnaire, il n’envisage plus les choses de la même manière”.
Mieux préparer sa retraite
Investir dans des plans d’épargne salariale permet également aux employés de se constituer une épargne retraite supplémentaire. “L’épargne salariale constitue l’un des leviers pour accroître l’épargne retraite individuelle et aider les Français à mieux anticiper leur retraite”, indique Cécile Besse Advani. “Le Pacte n’est pas une réformette. Il crée un nouveau paradigme en matière d’épargne salariale et d’épargne retraite. On crée une alternative solide à l’assurance-vie” assure Jérôme Dedeyan. “L’un des enjeux de Pacte est que les besoins des épargnants et des entreprises se rejoignent. Le patrimoine des Français, qui investissent essentiellement dans l’immobilier et l’assurance-vie, est actuellement trop peu diversifié. Il est essentiel de sensibiliser les épargnants à l’importance de la prise de risque”, précise Marie Brière, responsable du centre de recherche aux investisseurs chez Amundi. “Le projet de loi Pacte bouscule le marché tant en matière d’épargne salariale que d’épargne retraite. Il est important de savoir comment accompagner dans le temps les salariés dont la durée de vie augmente et qui ont de plus en plus une carrière fractionnée, tout en offrant simplicité et lisibilité”, commente Xavier Collot. Une stratégie gagnant-gagnant à condition que d’une part les PME engrangent des bénéfices, et d’autre part que les dirigeants de PME bénéficiaires ne voient pas dans l’épargne salariale une variable d’ajustement en matière de salaire. “Nous assistons à un mouvement de génération : de très nombreux dirigeants se rendent compte que les équipes font le succès des entreprises”, fait valoir Jérôme Dedeyan.
Rétention des talents
L’épargne salariale, facteur d’attractivité des talents ? “Un salarié potentiel regarde le package rémunération et ce qu’il inclut. En conséquence, accroître la participation et l’intéressement des PME leur permettra d’attirer des talents et de les retenir dans le cadre de leur développement”, confirme Xavier Collot. “Les modifications concernant l’épargne salariale et la retraite collective accompagneront mieux les salariés dans leur mobilité, notamment en levant certains des freins actuels qui peuvent les pénaliser : nécessité de garder plusieurs comptes, frais supplémentaires, éparpillement des dispositifs rendant la constitution de l’épargne plus complexe à suivre”,
complète Cécile Besse Advani.
Les points à améliorer
Certains professionnels estiment toutefois que le Pacte pourrait être amélioré. “Si on limite le déblocage anticipé de l’épargne salariale à l’achat de la première résidence principale, ce serait défavorable aux générations intermédiaires, plus en mesure d’épargner pour la retraite ; les salariés risqueraient d’avoir tendance à privilégier le PEE plutôt que le Perco”, estime Dominique Dorchies. En effet, le PEE peut être débloqué au bout de 5 ans, alors que le Perco ne peut l’être qu’à la retraite, sauf cas de déblocages anticipés (voir encadré). De son côté, JeanChristophe Benzo propose que les accords d’intéressement, qui doivent actuellement être signés dans les six premiers mois de l’exercice comptable, puissent l’être plus tard dans l’année. “Cela permettrait aux entreprises d’accélérer la mise en place de ce dispositif de partage de la valeur et d’aligner leurs intérêts avec ceux de ses salariés. Ces derniers toucheraient ainsi leur intéressement un an plus tôt. Cela serait positif non seulement pour les salariés, mais aussi les entreprises et l’État qui, sans coût supplémentaire, trouverait ici un moyen de renforcer l’épargne et le financement de l’économie. Cela va exactement dans le sens de la réforme prônée dans le Pacte”, commente ce dernier. Maryline Lourenço, juriste patrimonial fiscal chez Cholet Dupont, fait une autre lecture du projet de loi : “cela risque d’avoir pour conséquence une dilution de l’épargne salariale : auparavant, dans le cadre de la participation, les entreprises avaient obligation de mettre en place un PEE avant d’instaurer un Perco. Avec Pacte, cela ne sera plus obligatoire. On peut craindre que les épargnants soient réfractaires à un versement sur un Perco à horizon retraite, et aient plutôt tendance à récupérer immédiatement leur intéressement et/ou participation, bien que fiscalisés. Les salariés risquent de ne plus être attirés par l’épargne salariale”. “Le PEE était déjà attractif. Il aurait fallu miser davantage sur ce produit”, ajoute Maryline Lourenço. Cette dernière juge que l’épargne retraite et l’épargne salariale telles qu’envisagées dans PACTE risquent de continuer à être moins attractives que les contrats d’assurance-vie. “Bien qu’une sortie en capital ait été évoquée, la fiscalité à la sortie est confiscatoire ; cela ne rendra pas l’épargne salariale plus attractive.”
“Il y a une volonté affichée d’harmonisation et de simplification, mais beaucoup de modalités d’application seront uniquement définies dans les ordonnances. Cela a le mérite de laisser de la flexibilité, au détriment toutefois de la lisibilité à l’heure actuelle”, concède Jean-Christophe Benzo. Pour en savoir plus, il conviendra d’attendre l’adoption de la loi de finances 2019 et celle du financement de la Sécurité sociale, qui statueront respectivement sur les aspects fiscaux et sociaux des produits concernés. La discussion du projet de loi Pacte au Parlement devrait se poursuivre jusqu’à la fin de l’année.
Pour en savoir plus, il conviendra d’attendre l’adoption de la loi de finances 2019 et celle du financement de la Sécurité sociale, qui statueront respectivement sur les aspects fiscaux et sociaux des produits concernés