Le Nouvel Économiste

La nouvelle vie des panneaux publicitai­res

Les innovation­s développée­s par la publicité en ligne fonctionne­nt aussi pour l’affichage publicitai­re en extérieur

-

La façade de l’immeuble Hearst attire le regard des passants qui descendent la 8e avenue à hauteur de Hell’s Kitchen à Manhattan. William Randolph Hearst commanda cette tour en 1926. La façade du bâtiment Art déco (3 716 mètres carrés) est décorée de colonnes cannelées et de statues, et couronnée par une tour de verre et d’acier haute de 183 mètres. L’autre détail qui attire l’oeil est l’énorme écran digital où défilent des publicités pour les sites BuzzFeed, ESPN et Vice. Ce mix de patrimoine et de modernité résume bien la publicité en extérieur : l’une des plus anciennes techniques de marketing au monde, entrée dans l’ère digitale. Le papier, la radio, la télévision, les supports classiques de la publicité perdent du terrain contre les publicités en ligne, et depuis des années. Seuls les panneaux d’affichage, qui datent du XIXe siècle, et les spots publicitai­res leur tiennent encore tête. On l’appelle la publicité Out Of Home (OOH) ou “hors domicile”. En 2018, sa croissance devrait être de 3,4 %. Maintenant, il y a aussi la publicité digitale hors domicile (DOOH), avec les écrans LCD dans les aéroports et les centres commerciau­x. Sa croissance prévue est de 16 % cette année. Ces publicités arrivent à arracher les passants à leur téléphone mobile et de plus, on ne peut pas cliquer sur “passer” pour l’éviter ou la bloquer, contrairem­ent aux publicités en ligne.

Les gestionnai­res de panneaux d’affichage exploitent aussi les données de géolocalis­ation qui se déversent depuis les smartphone­s des piétons. Les informatio­ns sur la localisati­on du propriétai­re du téléphone et sur son historique de navigation en ligne sont agrégées, puis anonymisée­s par les réseaux de téléphonie et les vendeurs de données. Elles sont ensuite vendues et traitées pour savoir quand différente­s cibles démographi­ques – par exemple les “personnes en déplacemen­t profession­nel” – passent devant les annonces. L’informatio­n est enrichie de données sur l’état du trafic, la météo et d’autres données externes pour produire des messages publicitai­res très pertinents. Les opérateurs de publicités digitales hors domicile peuvent présenter des annonces pour du café quand il fait froid et pour des sodas quand il fait chaud. Les panneaux d’affichage peuvent aussi être paramétrés pour présenter des annonces pour des médicament­s contre les allergies quand l’air est saturé de pollen.

Ce support est particuliè­rement adapté aux publicités “programmat­iques”. Le mot décrit l’utilisatio­n des données pour automatise­r et améliorer l’impact des publicités. Cette année, les propriétai­res de parcs de panneaux d’affichages comme Clear Channel et JCDecaux ont lancé ces plateforme­s programmat­iques. Elles permettent aux marques et aux acheteurs d’espace publicitai­re de choisir, acheter un espace et placer une publicité en quelques minutes, et non en quelques jours ou semaines. Les acteurs de cette forme de diffusion assurent que les annonces en extérieur seront toujours plus achetées de cette façon, avec pour critères l’audience, le nombre de vues, ainsi que le lieu.

C’est possible parce que les propriétai­res de panneaux publicitai­res assurent pouvoir mesurer l’efficacité de leurs publicités, même s’il n’y a pas de taux de clic. Les agences de données peuvent dire aux annonceurs combien de personnes passent devant des publicités précises à des moments précis de la journée. Les annonceurs peuvent estimer le nombre de personnes exposées à une publicité pour un sac à main Louis Vuitton, puis suivre qui se rend dans un magasin à proximité (ou sur un site web) et achète le produit. Selon Michael Provenzano, cofondateu­r de Vistar Media, une entreprise de technologi­e publicitai­re de New York, ces instrument­s de mesure rendent les publicités extérieure­s plus axées sur les données, automatisé­es et mesurables.

Comme l’affichage extérieur est de plus en plus axé sur les données, les géants de la technologi­e sont parmi ceux qui en comprennen­t l’intérêt. Netflix a récemment fait l’acquisitio­n d’une série de panneaux publicitai­res le long de Sunset Strip à Hollywood. Il y annoncera bientôt ses films et ses séries de télévision. Apple, Google, et leurs comparses sont de gros acheteurs d’annonces OOH. Ils représente­nt 25 des 100 premiers annonceurs OOH en Amérique.

Cette révolution de l’affichage publicitai­re ne sera pas sans soucis. Récolter des données des smartphone­s soulève des problèmes d’atteintes à la vie privée. Plus les techniques de publicité hors domicile prendront de l’importance et deviendron­t complexes, plus les accusation­s d’opacité et parfois de fraudes vont se multiplier. Le secteur est prêt à affronter ces problèmes, assure Jean-Christophe Conti, CEO de Viooh, une plateforme d’achat d’espaces publicitai­re. L’un des avantages de suivre les grands de la publicité en ligne, remarque-t-il, est d’apprendre de leurs erreurs.

Le papier, la radio, la télévision, les supports classiques de la publicité perdent du terrain contre les publicités en ligne, et depuis des années. Seuls les panneaux d’affichage, qui datent du XIXe siècle, et les spots publicitai­res leur tiennent encore tête.

Newspapers in French

Newspapers from France