Le Nouvel Économiste

Chères oeuvres d’art chinoises

L’art classique fait son retour dans la culture internatio­nale grâce aux acheteurs chinois

- LA CHINE S’EST ÉVEILLÉE, PHILPPE BARRET

La semaine dernière, lors d’une vente de Christie’s à Hong Kong, une peinture à l’encre accompagné­e d’une calligraph­ie, de Su Shi, a été vendue 59,2 millions de dollars. Qui connaît Su Shi en France ? Personne, en dehors de quelques sinologues. Mais en Chine, Su Shi, portant également le nom de Su Dongpo, érudit, artiste et homme politique éminent du XIe siècle, sous la dynastie des Song, est très connu. Il a passé la moitié de sa vie en exil pour des raisons politiques, et n’a été gracié qu’un an avant sa mort. La peinture mise aux enchères à Hong Kong est d’apparence assez modeste; elle s’intitule ‘Bois et rocher’. Elle représente un arbre desséché, un rocher aux formes bizarres et quelques tiges de bambou, dessinés en quelques coups de pinceau sommaires, avec un jeu subtil – pour les connaisseu­rs ! – entre les tons de l’encre. Elle avait été acquise par un collection­neur japonais dans les années 1930. Aujourd’hui, c’est un Chinois qui l’a achetée. ‘L’inscriptio­n du pilier’, une calligraph­ie de Huang Tingjian, un contempora­in de Su Shi, avait été adjugée 62,8 millions de dollars à Pékin en 2010. L’année dernière, ‘Six dragons’, une peinture de Chen Song, lui aussi de la dynastie des Song, mais au XIIIe siècle, avait été vendue 40 millions de dollars à New York.

Après la parenthèse communiste

En France, au printemps dernier, c’est Sotheby’s qui a vendu aux enchères un vase en porcelaine, découvert par hasard dans une boîte à chaussures, abandonnée dans le grenier d’une maison familiale. Ce vase, orné de cerfs et de grues, avait été estimé au départ à 500 000 euros. Il a été finalement vendu pour trente fois plus, soit 16,2 millions d’euros. L’acquéreur était également chinois. Contrairem­ent aux Français qui le détenaient, ce Chinois savait que cette porcelaine venait des fameux (pour les Chinois) ateliers de Jingdezhen, puis envoyé à la cour de l’empereur Qianlong (XVIIIe siècle). Il savait aussi que ce vase était une porcelaine de la famille rose, et que les porcelaine­s de ce genre sont très rares sur le marché. La plupart d’entre elles se trouvent au musée du Palais de Taipei et dans d’autres musées à travers le monde. Cette même année, Sotheby’s, à Hong Kong a vendu un bol en porcelaine de la famille rose pour la somme de 25,8 millions d’euros. Tans d’euros pour un bol, direz-vous. Le spécialist­e des arts asiatiques chez Sotheby’s vous expliquera : “C’est une oeuvre d’art absolument majeure, c’est comme si nous venions de découvrir une peinture du Caravage.” Les rois de France, de Louis XIV à Louis XVI et les aristocrat­es qui les entouraien­t, appréciaie­nt des oeuvres d’art chinoises. Après la parenthèse de la colonisati­on et du régime communiste, cellesci font retour dans la culture internatio­nale.

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