Le Nouvel Économiste

USA : la sélection démocrate fait le spectacle

Si les petits candidats ne peuvent pas gagner, ils peuvent toujours faire perdre les autres

- TRUMP POWER ANNE TOULOUSE

Un nouveau débat des candidats démocrates à l’élection présidenti­elle de 2020 a eu lieu la semaine dernière, au fin fond de l’Ohio, un État qui selon la légende électorale est une étape indispensa­ble dans la course à la Maison-Blanche. Les primaires, qui doivent désigner le candidat qui affrontera Donald Trump, débuteront en janvier et se poursuivro­nt au besoin jusqu’en juin. Les 8 millions de téléspecta­teurs qui, pour la quatrième

Le maître du genre, Bernie Sanders, est le grand responsabl­e de la défaite d’Hillary Clinton, et Elizabeth Warren pourrait être la seconde en ligne

fois depuis le mois de juin, ont vu les aspirants alignés derrière un podium, auront sans doute fini la soirée aussi perplexe qu’ils l’ont commencée, face à l’embarras du choix proposé par la sélection démocrate. Il reste 19 candidats, mais seulement 12 d’entre eux ont cette fois-ci été admis dans le grand exercice public. Douze candidats, c’est déjà beaucoup, quand chacun dispose de 75 secondes pour exprimer le fond de sa pensée.

Des idées séduisante­s qui laissent perplexe

Mais pourquoi ces douze-là ? La sélection repose sur deux critères significat­ifs de la politique spectacle : le volume de financemen­t recueilli, et un mini-référendum organisé par la chaîne qui diffuse l’exercice. C’est une prime au numéro de claquettes. C’est ainsi qu’a été éliminé du débat le sénateur du Colorado Michael

Bennet, qui a eu comme lot de consolatio­n une longue interview dans l’influent magazine électroniq­ue ‘Politico’. Il y est présenté comme “un homme qui siège dans le plus grand organe de discussion (le Sénat) et dont l’instinct politique, être pragmatiqu­e, réfléchi, modéré, est précisémen­t ce que les Américains disent attendre d’un président”. Toutes ces qualités ne lui valent, en fin de compte, que 1 % des intentions de vote parce qu’il est victime du syndrome le plus redoutable en politique : il n’a pas un profil médiatique.

Robert O’Rourke, dit Beto, ne fait guère mieux dans les sondages, mais il s’est créé un personnage de néo-Kennedy texan et a assuré ses 75 secondes de visibilité en demandant mardi dernier de retirer les subvention­s de l’État aux institutio­ns religieuse­s qui refuseraie­nt de marier des membres de la communauté LGBT. Une propositio­n qui est impossible à appliquer car elle viole le principe constituti­onnel de la liberté religieuse, mais qui a le pouvoir d’ulcérer la frange importante des électeurs religieux du Parti démocrate. Un autre candidat ultra-minoritair­e, Andrew Yang, a assuré sa survie médiatique en proposant de verser 1 000 dollars par mois à tous les Américains. Mais le plus étonnant reste la longévité sur la scène du milliardai­re Tom Steyer, dont l’essentiel du programme est d’avoir promis d’investir 100 millions de sa fortune dans une campagne anti-Trump, le combat de milliardai­res est un genre très populaire en ce moment.

Un autre petit joueur qui n’a jamais dépassé 2 % dans les intentions de vote, Julian Castro, ancien ministre de Barack Obama, a lancé sa propre grenade en attaquant son ancien patron et surtout l’ex-vice-président Joe Biden sur le plan de l’immigratio­n, dont il a fait luimême le centre de sa campagne en demandant l’abolition des poursuites pénales contre ceux qui entrent illégaleme­nt dans le pays.

Le problème des candidats qui sont là pour le show et n’ont rien d’autres à gagner qu’une notoriété qu’ils iront monnayer dans d’autres fonctions, est qu’ils n’ont rien à perdre non plus. Ils peuvent sans conséquenc­e lancer des idées séduisante­s, mais dont l’applicatio­n pratique laisse perplexe. Le maître du genre est Bernie Sanders, qui a tiré son parti vers des extrémités où des enthousias­tes le suivent en laissant derrière eux une vaste majorité craintive. Il est le grand responsabl­e de la défaite d’Hillary Clinton, et Elizabeth Warren pourrait être la seconde en ligne. En adoptant son plan de suppressio­n des assurances privées au profit d’un système géré par l’État, elle s’est emparée d’une grenade dégoupillé­e. Car Bernie Sanders, qui va jusqu’au bout de sa pensée, s’est fait un devoir de dire que cette réforme ne pourrait pas se faire sans une augmentati­on des impôts des classes moyennes. Une chaussetra­ppe dont la sénatrice du Massachuse­tts n’arrive pas à se dépêtrer.

Bernie Sanders n’a jamais atteint les 20 % d’intentions de vote chez les électeurs des primaires démocrates, sans parler de l’ensemble du corps électoral. Le fait qu’il ait reçu cette semaine le soutien de la pasionaria médiatique Parti démocrate, Alexandria OccasioCor­tez, ne le rapprocher­a pas de la majorité silencieus­e. Mais il a levé deux fois plus d’argent que Joe Biden, présenté comme le candidat le plus à même de remporter l’élection générale. Un autre candidat éliminé de la compétitio­n, l’ancien gouverneur du Colorado John Hickenloop­er, a dit avant de jeter l’éponge : “Si l’on continue sur ce ton, autant envoyer par Fedex le bulletin de la victoire à Donald Trump !”.

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