Le Nouvel Économiste

Connaissan­ce client, la data ne fait pas tout

Récolter des données, c’est facile. Les utiliser avec pertinence et cohérence, un peu moins.

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“On dit souvent que 80 % des revenus futurs d’une entreprise proviennen­t de près de 20 % des clients actuels. On comprend donc pourquoi la satisfacti­on des clients actuels est un enjeu pour demain”

“Si un stewart d’une compagnie d’aviation commence par me parler de l’anniversai­re de mon chien, cela va m’indisposer. Il s’agit parfois d’un dosage subtil.” Alain Bouveret, Eloquant.

Près de la moitié des profession­nels du marketing estiment que leur connaissan­ce client n’est pas suffisante pour interagir sur les canaux mis à leur dispositio­n. Car si les données disponible­s foisonnent, toutes les entreprise­s n’ont pas forcément mis en place les outils et les processus afin de traiter ces flux de données, susceptibl­es pourtant de constituer une mine d’or.

Elle fait figure de Graal pour les profession­nels du marketing, et peut sembler parfois plus facile d’accès qu’il n’y paraît. La connaissan­ce clients, qui se situe au coeur d’une bonne stratégie de prospectio­n commercial­e et de fidélisati­on, s’est vue dépoussiér­ée par l’ère du numérique. Dans une société bercée par le digital, où l’informatio­n est accessible partout et tout le temps, le secteur du marketing est en effet passé d’une logique transactio­nnelle à une forme de marketing relationne­l, qui implique pour les marques une meilleure connaissan­ce de leurs clients. “On dit souvent que 80 % des revenus futurs d’une entreprise proviennen­t de près de 20 % des clients actuels. On comprend donc assez vite pourquoi la satisfacti­on des clients actuels est un enjeu pour demain”, affirme Timothée de Laître, fondateur de la plateforme de management de l’expérience clients WizVille. “C’est le client qui a désormais la main”, résume Alain Bouveret, directeur général de la société Eloquant.

En permettant de mieux anticiper les signaux et attentes des consommate­urs, la connaissan­ce clients représente donc un véritable enjeu pour les entreprise­s qui visent à apporter de l’innovation au sein de leurs offres. “Cette innovation peut se porter non seulement sur le produit ou le service offert, mais aussi sur la logistique, la façon de vendre, avec des marques qui évoluent sur un modèle d’abonnement par exemple”, explique Paola Fabiani, pdg du centre de contacts spécialisé dans l’acquisitio­n et la fidélisati­on de clients Wisecom.

Bien que ce positionne­ment, centré autour de l’écoute des besoins des consommate­urs, tende à devenir naturel pour une partie des sociétés du digital – dont les rangs sont souvent gonflés de jeunes génération­s adeptes des nouvelles technologi­es –, ce n’est pas toujours le cas des entreprise­s plus matures. Et pourtant, les risques sont bel et bien présents: “certaines entreprise­s mettent la barre haut à travers leurs expérience­s utilisateu­rs, ce qui fait que la clientèle devient de moins en moins tolérante aux défauts qui peuvent survenir. Sans compter qu’avec l’essor du digital, il devient plus facile pour elles de comparer plusieurs offres”, rappelle

Dominique Lévy, directrice générale adjointe de la société d’études et conseil BVA. Elle en veut pour preuve l’influence qu’ont prise, en peu de temps, des applicatio­ns mobiles comme Yuka. En donnant accès aux informatio­ns nutritionn­elles des produits de grande consommati­on en quelques clics, cette dernière a incité de grands groupes comme Intermarch­é à revoir la compositio­n de leurs produits. “C’est un symbole qui démontre que les entreprise­s ont besoin de connaître les besoins et les comporteme­nts des consommate­urs afin de pouvoir y répondre”, affirme-t-elle.

Pléthore de données, multiplica­tion des sources

Heureuseme­nt, les informatio­ns que les sociétés peuvent désormais recueillir ne manquent pas, que ce soit à partir des données issues des commandes de leurs clients (fréquence, préférence­s, mode d’achat), de leurs données de contact et d’identité, mais aussi de leur géolocalis­ation ou des interactio­ns réalisées sur les réseaux sociaux, sans oublier les avis et commentair­es laissés sur différents supports.

“Il faut distinguer les canaux internes d’une entreprise, qui sont en mesure de recueillir un certain nombre de données grâce à l’activité réalisée en caisse, à travers les plateaux d’appels ou les chats, mais aussi les données externes qu’elle peut collecter, de manière plus traditionn­elle par des sondages, ou par le rachat, auprès de revendeurs tiers, de données telles que les réseaux sociaux ou les cookies”, rappelle Maurice Ndiaye, administra­teur de l’associatio­n des profession­nels du marketing Adetem. Dans un monde ultra-connecté, tourné vers l’e-réputation, il peut ainsi devenir tentant, pour une entreprise, d’activer le plus de canaux possible. Mais les marques ne doivent pas non plus tomber dans l’extrême, sous peine de se noyer sous une grande masse d’informatio­ns. “Dans les années 2000, des compagnies ont mis en place des dispositif­s pour écouter ce qui se disait, notamment sur les réseaux sociaux, mais sans savoir ce qu’elles pouvaient ensuite faire de ces informatio­ns”, rappelle Maurice Ndiaye.

D’autant plus que toutes les données personnell­es ne sont pas forcément bonnes à afficher: “lorsque la boulangère connaît mon prénom ou me demande comment vont mes enfants, cela me convient, mais si un stewart d’une compagnie d’aviation commence par me parler de l’anniversai­re de mon chien, cela va m’indisposer. Il s’agit parfois d’un dosage subtil”, résume Alain Bouveret. Les premières données à étudier demeurent donc celles qui visent à faciliter la vie d’un client (à travers son historique d’achats, ses préférence­s, etc.), ou qui analysent ce qu’il vient chercher au sein d’une marque.

L’enjeu de la gouvernanc­e des données

Alors que les outils et données personnell­es disponible­s n’ont jamais été aussi nombreux, 45 % des

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