Affacturage, l’envolée se poursuit
Modernisé et dynamisé, l’affacturage gagne le coeur des entreprises, en particulier à l’international
Les établissements financiers spécialisés ont pris en charge l’an dernier plus de 73 millions de créances, représentant un montant total – jamais atteint jusqu’alors – de 320 milliards d’euros
Après plusieurs années de forte croissance, l’affacturage tend à devenir le mode privilégié de financement à court terme des entreprises françaises. Longtemps utilisée comme un moyen de surmonter des problèmes passagers de trésorerie, cette technique financière conserve parfois une image négative. Elle permet pourtant aux chefs d’entreprise de déléguer la gestion financière de leur poste clients à des établissements de crédit spécialisés et d’alimenter leurs besoins de fonds de roulement. Deux avantages d’autant plus apparents que le dynamisme du marché et la digitalisation des processus ont conduit les opérateurs de l’affacturage à baisser sensiblement le coût de leurs prestations au cours des dernières années.
Longtemps considéré comme une solution de dernier recours pour les entreprises petites et moyennes confrontées à des difficultés de trésorerie, le système de l’affacturage tend à devenir un outil de financement à court terme habituel pour l’ensemble des entreprises françaises. La preuve ? Les établissements financiers spécialisés implantés sur notre territoire ont pris en charge l’an dernier plus de 73 millions de créances, représentant un montant total – jamais atteint jusqu’alors – de 320 milliards d’euros, dont près d’un tiers à l’international. Un chiffre qui confirme la progression moyenne de l’ordre de 10 % constatée depuis une bonne dizaine d’années et qui place aujourd’hui la France au deuxième rang européen de ce marché, juste derrière le RoyaumeUni. L’ASF (Association française des sociétés financières) fait état d’une hausse de 11 % pour le premier semestre 2019 par rapport à la période équivalente de l’année précédente.
Un système qui a fait ses preuves
S’il était déjà utilisé, dit-on, dans l’Empire romain, dans l’Europe de la Renaissance puis dans tous les pays industriels au XIXe siècle, le système de l’affacturage a finalement été imaginé dans sa forme moderne (sous le vocable de “factoring”) aux États-Unis, au cours des années qui ont précédé la Seconde guerre mondiale. Son principe de base : la cession par une entreprise de tout ou partie de ses créances clients à une société spécialisée, appelée le factor, qui lui avance alors jusqu’à 90 % des montants correspondants et la couvre contre les risques d’impayés. C’est ensuite le factor qui, à l’échéance, se charge du recouvrement des sommes dues, en contrepartie d’une commission destinée à rémunérer la totalité des opérations dont il assure la prise en charge.
Introduit en France au début des années 1960, lorsque la First National Bank of Boston a eu l’idée de proposer un tel service aux entreprises américaines implantées sur le marché européen, le factoring a d’abord été plutôt réservé aux transactions internationales. Puis le système a été progressivement étendu aux transactions réalisées sur notre marché intérieur. C’est à cette époque, lors de la création des premières sociétés françaises spécialisées comme Factofrance, que l’on a inventé le terme français “affacturage”. Il s’agissait alors de répondre prioritairement aux besoins des entreprises petites ou moyennes rencontrant des difficultés de trésorerie en leur proposant des solutions standards qui intégraient le financement, la garantie contre l’insolvabilité et la gestion
de créances clients. “Mais depuis lors, l’affacturage a acquis progressivement ses lettres de noblesse et notre société a notamment développé une approche client personnalisée qui nous permet d’offrir une gamme diversifiée de solutions d’affacturage aux entreprises en retournement, mais aussi aux grands groupes et aux très petites entreprises, quel que soit leur cycle de développement” précise Philippe Mutin, directeur général délégué de Factofrance qui a financé l’an dernier plus de 37 milliards d’euros de factures.
Affacturage classique ou affacturage confidentiel
C’est à la fin des années 1990 que les grandes entreprises ont commencé à s’intéresser à cette technique financière. Après avoir à l’origine plébiscité des solutions à la carte limitées à telle ou telle catégorie de clients, elles n’hésitent plus désormais à solliciter les factors pour des programmes de grande envergure permettant de financer un volume important de factures, allant même parfois jusqu’à la délégation complète de la gestion de leur poste clients. Toutefois, la plupart des grands groupes se tournent de préférence vers l’affacturage confidentiel, qui leur offre la possibilité d’effectuer eux-mêmes les actions de relance et de recouvrement en cas d’impayés. “Grâce à l’affacturage confidentiel ligne à ligne développé par Crédit Agricole Leasing & Factoring, les entreprises bénéficient du financement de leur besoin de trésorerie tout en conservant la maîtrise totale de leurs relations clients” confirme Véronique RigalAntonic, directeur de la relation clients affacturage de CAL&F. Après les grandes entreprises, les très petites. Prenant acte du fait qu’un bon quart des faillites d’entreprise sont liées à la longueur des délais de paiement, les prestataires ont mis au point des offres de services destinées plus spécialement aux très petites entreprises. C’est le cas notamment de l’affacturage au forfait qui fonctionne sur la base d’un coût fixe. Il s’agit d’une solution incluant le financement, la relance et la garantie contre les impayés qui repose sur un forfait mensuel défini à l’avance entre le factor et l’entreprise cliente. “Cette formule présente l’avantage de pouvoir s’adapter très rapidement à l’évolution des recettes de l’entreprise. Le forfait mensuel peut en effet s’ajuster en fonction du nombre de factures remises ou du chiffre d’affaires cédé. Nous finançons les factures de nos clients en huit heures, pour ainsi leur permettre de se concentrer sur leur business” indique Éric Turbot, directeur général délégué de BNP Paribas Factor, qui a acheté l’an dernier près de 52 milliards d’euros de créances clients. À cette fin, la société a ouvert un site dédié qui permet à l’entreprise cliente de procéder à toutes ses opérations de gestion dans des délais très brefs sans engagement de durée et sans frais de dossier.
Le succès de l’affacturage international
Mais le succès de l’affacturage ne se limite pas au seul marché intérieur. Depuis de longues années déjà, les sociétés spécialisées implantées sur le territoire français accompagnent leurs clients sur les marchés étrangers. À tel point que près d’un tiers des créances rachetées l’an dernier par les factors français concernaient des opérations à l’international. “C’est même aujourd’hui le segment le plus dynamique de ce marché, précise l’ASF dans son dernier rapport. Avec un total de 97 milliards d’euros, il a progressé l’an dernier de plus de 18 % par rapport à l’année 2017.” Cela concerne à la fois les contrats à l’exportation pour lesquels l’affacturage apporte une garantie contre les impayés de la part des clients situés à l’étranger, et les contrats à l’importation où il permet d’avancer le paiement des achats effectués auprès de fournisseurs étrangers. C’est ainsi que BNP Paribas Factor a remporté plusieurs prix internationaux, dont celui de “Meilleur Factor ImportExport” qui lui a déjà été décerné à cinq reprises par l’organisation Factors Chain International, qui compte plus de 400 membres dans une centaine de pays différents. Enfin, la technique de l’affacturage n’échappe pas au grand mouvement de la digitalisation. C’est ainsi que la plupart des factors français offrent désormais à leurs clients la possibilité de souscrire un contrat en ligne. Exemple type : Cash in time, qui a été développé récemment par le groupe Crédit Agricole et qui permet aux entreprises de bénéficier du financement de leurs créances dans un délai de 24 heures sans engagement de durée ni de volume. De la même façon, on assiste à la création d’un certain nombre de start-up fondées par des investisseurs qui n’appartiennent pas au monde bancaire. Parmi elles, la société Creancio a été l’une des premières à faire financer les créances des très petites entreprises françaises par un petit groupe d’investisseurs extra-bancaires désireux de participer au financement de l’économie réelle. Autre exemple : celui de la société Edebex, fondée à Bruxelles en 2013, qui a développé une plateforme d’e-affacturage capable de mettre en relation des entreprises désireuses de céder leurs créances avec des investisseurs basés dans plusieurs pays européens.
Devis en ligne
Bien entendu, les nouvelles technologies ont également permis le lancement de fintechs spécialisées dans le courtage en affacturage, offrant à leurs clients la possibilité de comparer les offres qui peuvent leur être faites. C’est le cas du groupe Altassura, fondé à Nice en 2007, qui a mis au point un outil permettant aux entreprises candidates à l’affacturage d’obtenir simplement et gratuitement une estimation des conditions de rachat de leurs créances consenties par leurs sociétés partenaires. Même démarche de la part de la société de courtage et de conseil en affacturage Chedal Anglay et Associés (450 clients d’entreprises de toutes tailles) qui a développé il y a plusieurs années un site de transactions en ligne baptisé Factoring. fr, aujourd’hui le leader de l’affacturage en ligne.
Tant sous sa forme traditionnelle que sous sa forme numérique, la technique de l’affacturage occupe désormais une place de premier plan dans le financement à court terme de la trésorerie des entreprises. Grâce à la baisse régulière de ses coûts et à sa grande souplesse d’utilisation, elle semble convaincre de nombreux chefs d’entreprise. Un simple indicateur : avec un encours de 32,9 milliards d’euros à la fin de l’année, l’affacturage représente désormais 22 % du total des financements à court terme des entreprises françaises et, pour la deuxième année consécutive, il a dépassé le traditionnel découvert bancaire qui n’a atteint, lui, que 31,6 milliards d’euros.
Près d’un tiers des créances rachetées l’an dernier par les factors français concernaient des opérations à l’international. C’est même aujourd’hui le segment le plus dynamique de ce marché.