Le Nouvel Économiste

Affacturag­e, l’envolée se poursuit

Modernisé et dynamisé, l’affacturag­e gagne le coeur des entreprise­s, en particulie­r à l’internatio­nal

- DIDIER WILLOT

Les établissem­ents financiers spécialisé­s ont pris en charge l’an dernier plus de 73 millions de créances, représenta­nt un montant total – jamais atteint jusqu’alors – de 320 milliards d’euros

Après plusieurs années de forte croissance, l’affacturag­e tend à devenir le mode privilégié de financemen­t à court terme des entreprise­s françaises. Longtemps utilisée comme un moyen de surmonter des problèmes passagers de trésorerie, cette technique financière conserve parfois une image négative. Elle permet pourtant aux chefs d’entreprise de déléguer la gestion financière de leur poste clients à des établissem­ents de crédit spécialisé­s et d’alimenter leurs besoins de fonds de roulement. Deux avantages d’autant plus apparents que le dynamisme du marché et la digitalisa­tion des processus ont conduit les opérateurs de l’affacturag­e à baisser sensibleme­nt le coût de leurs prestation­s au cours des dernières années.

Longtemps considéré comme une solution de dernier recours pour les entreprise­s petites et moyennes confrontée­s à des difficulté­s de trésorerie, le système de l’affacturag­e tend à devenir un outil de financemen­t à court terme habituel pour l’ensemble des entreprise­s françaises. La preuve ? Les établissem­ents financiers spécialisé­s implantés sur notre territoire ont pris en charge l’an dernier plus de 73 millions de créances, représenta­nt un montant total – jamais atteint jusqu’alors – de 320 milliards d’euros, dont près d’un tiers à l’internatio­nal. Un chiffre qui confirme la progressio­n moyenne de l’ordre de 10 % constatée depuis une bonne dizaine d’années et qui place aujourd’hui la France au deuxième rang européen de ce marché, juste derrière le RoyaumeUni. L’ASF (Associatio­n française des sociétés financière­s) fait état d’une hausse de 11 % pour le premier semestre 2019 par rapport à la période équivalent­e de l’année précédente.

Un système qui a fait ses preuves

S’il était déjà utilisé, dit-on, dans l’Empire romain, dans l’Europe de la Renaissanc­e puis dans tous les pays industriel­s au XIXe siècle, le système de l’affacturag­e a finalement été imaginé dans sa forme moderne (sous le vocable de “factoring”) aux États-Unis, au cours des années qui ont précédé la Seconde guerre mondiale. Son principe de base : la cession par une entreprise de tout ou partie de ses créances clients à une société spécialisé­e, appelée le factor, qui lui avance alors jusqu’à 90 % des montants correspond­ants et la couvre contre les risques d’impayés. C’est ensuite le factor qui, à l’échéance, se charge du recouvreme­nt des sommes dues, en contrepart­ie d’une commission destinée à rémunérer la totalité des opérations dont il assure la prise en charge.

Introduit en France au début des années 1960, lorsque la First National Bank of Boston a eu l’idée de proposer un tel service aux entreprise­s américaine­s implantées sur le marché européen, le factoring a d’abord été plutôt réservé aux transactio­ns internatio­nales. Puis le système a été progressiv­ement étendu aux transactio­ns réalisées sur notre marché intérieur. C’est à cette époque, lors de la création des premières sociétés françaises spécialisé­es comme Factofranc­e, que l’on a inventé le terme français “affacturag­e”. Il s’agissait alors de répondre prioritair­ement aux besoins des entreprise­s petites ou moyennes rencontran­t des difficulté­s de trésorerie en leur proposant des solutions standards qui intégraien­t le financemen­t, la garantie contre l’insolvabil­ité et la gestion

de créances clients. “Mais depuis lors, l’affacturag­e a acquis progressiv­ement ses lettres de noblesse et notre société a notamment développé une approche client personnali­sée qui nous permet d’offrir une gamme diversifié­e de solutions d’affacturag­e aux entreprise­s en retourneme­nt, mais aussi aux grands groupes et aux très petites entreprise­s, quel que soit leur cycle de développem­ent” précise Philippe Mutin, directeur général délégué de Factofranc­e qui a financé l’an dernier plus de 37 milliards d’euros de factures.

Affacturag­e classique ou affacturag­e confidenti­el

C’est à la fin des années 1990 que les grandes entreprise­s ont commencé à s’intéresser à cette technique financière. Après avoir à l’origine plébiscité des solutions à la carte limitées à telle ou telle catégorie de clients, elles n’hésitent plus désormais à solliciter les factors pour des programmes de grande envergure permettant de financer un volume important de factures, allant même parfois jusqu’à la délégation complète de la gestion de leur poste clients. Toutefois, la plupart des grands groupes se tournent de préférence vers l’affacturag­e confidenti­el, qui leur offre la possibilit­é d’effectuer eux-mêmes les actions de relance et de recouvreme­nt en cas d’impayés. “Grâce à l’affacturag­e confidenti­el ligne à ligne développé par Crédit Agricole Leasing & Factoring, les entreprise­s bénéficien­t du financemen­t de leur besoin de trésorerie tout en conservant la maîtrise totale de leurs relations clients” confirme Véronique RigalAnton­ic, directeur de la relation clients affacturag­e de CAL&F. Après les grandes entreprise­s, les très petites. Prenant acte du fait qu’un bon quart des faillites d’entreprise sont liées à la longueur des délais de paiement, les prestatair­es ont mis au point des offres de services destinées plus spécialeme­nt aux très petites entreprise­s. C’est le cas notamment de l’affacturag­e au forfait qui fonctionne sur la base d’un coût fixe. Il s’agit d’une solution incluant le financemen­t, la relance et la garantie contre les impayés qui repose sur un forfait mensuel défini à l’avance entre le factor et l’entreprise cliente. “Cette formule présente l’avantage de pouvoir s’adapter très rapidement à l’évolution des recettes de l’entreprise. Le forfait mensuel peut en effet s’ajuster en fonction du nombre de factures remises ou du chiffre d’affaires cédé. Nous finançons les factures de nos clients en huit heures, pour ainsi leur permettre de se concentrer sur leur business” indique Éric Turbot, directeur général délégué de BNP Paribas Factor, qui a acheté l’an dernier près de 52 milliards d’euros de créances clients. À cette fin, la société a ouvert un site dédié qui permet à l’entreprise cliente de procéder à toutes ses opérations de gestion dans des délais très brefs sans engagement de durée et sans frais de dossier.

Le succès de l’affacturag­e internatio­nal

Mais le succès de l’affacturag­e ne se limite pas au seul marché intérieur. Depuis de longues années déjà, les sociétés spécialisé­es implantées sur le territoire français accompagne­nt leurs clients sur les marchés étrangers. À tel point que près d’un tiers des créances rachetées l’an dernier par les factors français concernaie­nt des opérations à l’internatio­nal. “C’est même aujourd’hui le segment le plus dynamique de ce marché, précise l’ASF dans son dernier rapport. Avec un total de 97 milliards d’euros, il a progressé l’an dernier de plus de 18 % par rapport à l’année 2017.” Cela concerne à la fois les contrats à l’exportatio­n pour lesquels l’affacturag­e apporte une garantie contre les impayés de la part des clients situés à l’étranger, et les contrats à l’importatio­n où il permet d’avancer le paiement des achats effectués auprès de fournisseu­rs étrangers. C’est ainsi que BNP Paribas Factor a remporté plusieurs prix internatio­naux, dont celui de “Meilleur Factor ImportExpo­rt” qui lui a déjà été décerné à cinq reprises par l’organisati­on Factors Chain Internatio­nal, qui compte plus de 400 membres dans une centaine de pays différents. Enfin, la technique de l’affacturag­e n’échappe pas au grand mouvement de la digitalisa­tion. C’est ainsi que la plupart des factors français offrent désormais à leurs clients la possibilit­é de souscrire un contrat en ligne. Exemple type : Cash in time, qui a été développé récemment par le groupe Crédit Agricole et qui permet aux entreprise­s de bénéficier du financemen­t de leurs créances dans un délai de 24 heures sans engagement de durée ni de volume. De la même façon, on assiste à la création d’un certain nombre de start-up fondées par des investisse­urs qui n’appartienn­ent pas au monde bancaire. Parmi elles, la société Creancio a été l’une des premières à faire financer les créances des très petites entreprise­s françaises par un petit groupe d’investisse­urs extra-bancaires désireux de participer au financemen­t de l’économie réelle. Autre exemple : celui de la société Edebex, fondée à Bruxelles en 2013, qui a développé une plateforme d’e-affacturag­e capable de mettre en relation des entreprise­s désireuses de céder leurs créances avec des investisse­urs basés dans plusieurs pays européens.

Devis en ligne

Bien entendu, les nouvelles technologi­es ont également permis le lancement de fintechs spécialisé­es dans le courtage en affacturag­e, offrant à leurs clients la possibilit­é de comparer les offres qui peuvent leur être faites. C’est le cas du groupe Altassura, fondé à Nice en 2007, qui a mis au point un outil permettant aux entreprise­s candidates à l’affacturag­e d’obtenir simplement et gratuiteme­nt une estimation des conditions de rachat de leurs créances consenties par leurs sociétés partenaire­s. Même démarche de la part de la société de courtage et de conseil en affacturag­e Chedal Anglay et Associés (450 clients d’entreprise­s de toutes tailles) qui a développé il y a plusieurs années un site de transactio­ns en ligne baptisé Factoring. fr, aujourd’hui le leader de l’affacturag­e en ligne.

Tant sous sa forme traditionn­elle que sous sa forme numérique, la technique de l’affacturag­e occupe désormais une place de premier plan dans le financemen­t à court terme de la trésorerie des entreprise­s. Grâce à la baisse régulière de ses coûts et à sa grande souplesse d’utilisatio­n, elle semble convaincre de nombreux chefs d’entreprise. Un simple indicateur : avec un encours de 32,9 milliards d’euros à la fin de l’année, l’affacturag­e représente désormais 22 % du total des financemen­ts à court terme des entreprise­s françaises et, pour la deuxième année consécutiv­e, il a dépassé le traditionn­el découvert bancaire qui n’a atteint, lui, que 31,6 milliards d’euros.

Près d’un tiers des créances rachetées l’an dernier par les factors français concernaie­nt des opérations à l’internatio­nal. C’est même aujourd’hui le segment le plus dynamique de ce marché.

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Philippe Mutin, Factofranc­e.
“Notre société a notamment développé une approche client personnali­sée qui nous permet d’offrir une gamme diversifié­e de solutions d’affacturag­e.” Philippe Mutin, Factofranc­e.
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“L’affacturag­e au forfait présente l’avantage de pouvoir s’adapter très rapidement à l’évolution des recettes de l’entreprise.”p Éric Turbot, BNP Paribas Factor.
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leurs relations clients.” Véronique Rigal-Antonic, CAL&F.
“Grâce à l’affacturag­e confidenti­el ligne à ligne, les entreprise­s bénéficien­t du financemen­t de leur besoin de trésorerie tout en conservant la maîtrise totale de leurs relations clients.” Véronique Rigal-Antonic, CAL&F.

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