Le Nouvel Économiste

L’hypothèse Bloomberg

Si “Little Michael” entre en lice, ce sera pour abattre Trump avec de gros moyens

- TRUMP POWER, ANNE TOULOUSE

Michael Bloomberg serait donc sur le point de faire ce qu’il avait dit qu’il ne ferait pas : être candidat démocrate à l’élection présidenti­elle de 2020. Bien qu’il n’y ait pas encore eu d’annoncemen­t formel, il a déjà constitué une équipe qui l’a inscrit sur les listes de candidatur­es de plusieurs États. L’ambition du milliardai­re de Manhattan n’est pas surprenant­e, après tout il y en a un autre à la Maison-Blanche, et ce n’est pas la première fois que l’ex-maire de New York regarde du côté de Washington. Mais il est étrange de voir un candidat se manifester dans un champ encombré, au moment où d’autres prétendant­s le désertent. Dans la catégorie “Pourquoi pas moi ?”, il n’est pas seul. Un autre candidat de la 25e heure, Deval Patrick (oui Patrick est bien son nom de famille)

Il a quelque chose que les autres candidats n’ont pas : de l’argent en quantité illimitée

vient de se déclarer officielle­ment. On comprend qu’il ait, lui aussi, des ambitions rentrées. Lorsqu’il est devenu le premier gouverneur noir du Massachuss­etts en 2007, il a été coaché par une équipe qui ne se cachait pas de faire de sa campagne une expériment­ation pour une future élection présidenti­elle. Ce qui s’est concrétisé, mais avec un autre candidat, Barack Obama. Ces deux prétendant­s sont une mauvaise nouvelle pour les candidats démocrates, qui vont s’affronter pour les primaires dans deux mois et demi. Cela veut dire qu’aucun d’entre eux n’a démontré, à ce jour, sa capacité à battre Donald Trump. Quand les analystes regardent l’éventail actuel, ils constatent que Joe Biden est trop insipide, qu’Elizabeth Warren et Bernie Sanders sont trop extrémiste­s, que Pete Buttigieg est trop inexpérime­nté et que les autres sont trop insignifia­nts. Ces candidats ont néanmoins l’avantage de travailler le terrain depuis le début de l’année.

Le “Super Tuesday” en ligne de mire

Il est déjà trop tard pour entrer de façon crédible dans les premières compétitio­ns, les caucus de l’Iowa et les primaires du New Hampshire. La stratégie de Michael Bloomberg serait de viser directemen­t le “Super Tuesday”, le 3 mars, où 17 États, dont la Californie et le Texas, choisiront près de la moitié des délégués à la Convention démocrate. Il peut se le permettre car il a quelque chose que les autres candidats n’ont pas : de l’argent en quantité illimitée. Il a déclaré vouloir dépenser sa fortune avant de mourir, et dans la mesure où il a 77 ans, il n’est pas étonnant que le tempo s’accélère. Il vient déjà d’annoncer qu’il allait mettre 100 millions de dollars dans une campagne de publicité contre Donald Trump. Malgré l’émoi que cela a suscité, cette somme est une misère pour lui.

Si on se laisse aller au fantasme d’un match inter-milliardai­re entre Donald Trump et Michael Bloomberg, ce dernier l’emporte déjà sur plusieurs fronts. Il est l’homme le plus riche de New York et le 14e plus riche de la planète, avec des avoirs estimés entre 52 et 58 milliards de dollars. On ose

à peine comparer à ce palmarès le 715e rang de Donald Trump dans les fortunes mondiales, avec “seulement” 3 milliards dans ses coffres. Contrairem­ent à l’ancien maire de New York, le président n’a nullement l’intention de financer son élection de sa poche. En 2016, après avoir annoncé qu’il le ferait, il a rapidement changé d’avis, lorsque les contributi­ons ont afflué. Michael Bloomberg a déjà dépensé des fortunes sur les causes qui lui sont chères, par exemple 8 milliards de dollars pour le contrôle des armes à feu et l’environnem­ent, il est décrit comme un “philanthro­pe”, un terme qui n’a jamais été appliqué à Donald Trump. Il l’emporte aussi sur l’expérience politique, il a été maire de la plus grande ville des États-Unis pendant 12 ans, il n’a pas hésité à changer les règles pour effectuer un troisième mandat. Il n’a pas hésité non plus à changer son étiquette politique pour se faire élire sous le label républicai­n, tout comme Donald Trump, qui a fait la navette entre les deux grands partis avec un passage chez les indépendan­ts et le parti de la réforme. Michael Bloomberg a fait sa fortune dans les bases de données financière­s et l’informatio­n, il possède un empire médiatique, un domaine où Donald Trump brille davantage par l’animosité que par les connexions. L’un et l’autre se rejoignent en revanche dans leur intérêt pour l’immobilier, qui est le pilier de la fortune de Trump et le hobby de Bloomberg, qui possède 14 résidences à travers le monde. L’un et l’autre ont un gratte-ciel à leur nom à Manhattan : 55 étages pour Bloomberg sur Lexington avenue et, petit avantage pour Trump, 58 étages sur la 5e avenue. Michael Bloomberg est un sujet de contrariét­é pour le président, qui avec sa délicatess­e habituelle l’a surnommé “Little Michael”, par référence à sa petite taille, mais il sait que si “le petit Michael” entre en lice, ce sera pour l’abattre avec de grands moyens. Les candidats démocrates accusent eux le nouveau venu de vouloir acheter l’élection, mais après tant de tergiversa­tions, a-t-il vraiment envie de troquer sa vie d’esthète à Manhattan contre les tourments de Washington ? Un scénario plus tordu a été évoqué : que Michael Bloomberg récolte des délégués, pour les céder au moment de la Convention démocrate à un candidat modéré. Faiseur de roi, cela va bien à son image.

Cette fois-ci, ce sont non seulement les petites villes et les classes populaires qui manifesten­t, mais aussi les grandes villes et la classe moyenne, qui était pourtant restée à l’écart des précédents mouvements de contestati­on en 2017

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dans la mesure où il a 77 ans, il n’est pas étonnant que le tempo s’accélère
Michael Bloomberg a quelque chose que les autres candidats n’ont pas : de l’argent en quantité illimitée. Il a déclaré vouloir dépenser sa fortune avant de mourir, et dans la mesure où il a 77 ans, il n’est pas étonnant que le tempo s’accélère

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